La facture des soins paramédicaux augmente dans les régimes collectifs. Selon Mario Clusiau, il existe des moyens à prendre pour limiter les risques d’abus et de fraude, tant par les preneurs que par les fournisseurs. Le premier qu’il suggère est d’éviter les régimes trop généreux où aucune limite de montant remboursable n’est imposée.M. Clusiau est vice-président régional au développement des affaires, assurance groupes et entreprises, chez Desjardins Assurances, où il travaille depuis 36 ans. Son principal constat : le secteur des soins paramédicaux est un capharnaüm. « C’est assez indiscipliné. On se préoccupe beaucoup du cout de l’assurance médicaments dans les régimes privés, mais les soins paramédicaux passent sous le radar », a-t-il dit lors du 16e colloque de Solareh. Pourtant, entre 2000 et 2012, la proportion de ce volet dans le cout des régimes privés de soins de santé chez Desjardins est passée de 11,8 % à 18,4 %.

Des abus

Si certains métiers sont surveillés par un ordre professionnel qui encadre la pratique, pour d’autres, les exigences de formation sont très disparates. En faisant une recherche minimale sur Internet, M. Clusiau a dénombré 37 associations, et ce, seulement pour les massothérapeutes. Certaines sont reconnues par les assureurs, mais plusieurs autres se limitent à une adresse postale. Leurs « dirigeants » délivrent un certificat attestant le « titre » de massothérapeute (ou de naturothérapeute) mais, surtout, ils délivrent un bloc de reçus que le praticien remet à ses clients pour le remboursement des frais par l’assureur.

Bon nombre de ces praticiens sont des gens sérieux et traitent bien les patients. « Le problème est que le client ne peut le savoir en regardant le certificat. Si on lui offre un reçu pour se faire rembourser les soins par l’assurance, le participant dit oui », dit M. Clusiau. Depuis le drame survenu en 2012, où une femme est morte après avoir été enveloppée dans une pellicule plastique, le Québec a fait le ménage dans certaines thérapies alternatives. Pour utiliser le titre de psychothérapeute, il faut avoir suivi une formation précise dans certaines professions et se faire accréditer par l’Ordre des psychologues du Québec.

Dans certains cas, l’analyse des réclamations faites permet de détecter les abus. Dans un groupe, l’assureur notait un nombre anormalement élevé de traitements chez un orthophoniste, qui traite les troubles de la parole. Une enquête minimale a permis de constater que l’employeur recrutait bon nombre d’immigrants. « Ils avaient tous un sérieux problème d’accent, mais aucun trouble de la parole, et l’orthophoniste donnait des cours de langue. Il faut surveiller cela », dit-il.

Le naturopathe a une formation de 1 600 heures, mais il ne faut pas confondre naturopathe avec naturothérapeute, terme au sens plus large que des spécialistes de traitements peu orthodoxes s’approprient parfois à tort. Le cas le plus étrange cité par le conférencier était un cas d’auriculothérapie, où le participant devait se déshabiller et monter sur un cube, avant qu’on lui mette des chandelles dans les oreilles.

Les assureurs communiquent peu entre eux pour établir leur liste noire des praticiens à exclure de la couverture des régimes, déplore M. Clusiau. Chaque compagnie a ses exigences particulières pour reconnaitre ou non une association de praticiens, ou pour inclure ou pas un produit sur la liste des médicaments usuels et coutumiers. Des assureurs limitent le nombre des associations et créent un système de veille. « Il fut un temps où un assureur publiait sa liste de soins paramédicaux reconnus, et tous les autres allaient la vérifier pour s »en inspirer », dit-il.

Des solutions

Les promoteurs de régime doivent aussi faire le ménage dans leurs demandes, ajoute M. Clusiau. « Il faut vérifier si le champ de pratique correspond à ce qu’on pense être une activité assurable. L’objectif est de couvrir des pratiques qui améliorent la santé et donnent des résultats. »

Il suggère d’imposer des montants limites au remboursement des frais, au moins pour certaines spécialités. « Je ne pense pas que vous ayez besoin d’aller voir un physiothérapeute durant toute votre vie, même si ça arrive. Si votre groupe a des employés en Ontario, l’assureur québécois peut se retrouver deuxième payeur pour des frais de physiothérapie à la suite d’un accident d’automobile survenu dans la province voisine. Ça peut finir par une grosse facture. »

Des moyens existent pour mesurer et valider la pertinence des montants à rembourser par l’assureur : des vérificateurs externes; des rapports de surconsommation; des listes de professionnels à surveiller; des équipes de détection de la fraude; une ligne téléphonique et une adresse courriel pouvant être utilisées anonymement par la personne qui désire dénoncer une malversation. Les assureurs échangent de l’information par les différentes associations dont ils sont membres, notamment l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). Chaque assureur doit néanmoins faire ses propres vérifications sur l’historique du groupe avant de conclure un contrat.

Pour limiter les abus, M. Clusiau suggère de regrouper les professionnels; au lieu de prévoir un montant maximal distinct pour chacun, de il propose de réduire les montants remboursables, d’introduire une limite par certificat et, même, d’exiger une recommandation médicale. Dans ce dernier cas, il reconnait qu’il peut être plus simple d’exclure tout simplement le spécialiste qui ne fournit pas ses notes cliniques; sinon, renvoyer le participant à son médecin pourrait créer une frustration supplémentaire.

L’assureur peut aussi limiter la couverture offerte aux employés en excluant les personnes à charge, ce qui ne sera pas facile à défendre, ou limiter le nombre d’associations reconnues, voire éliminer les soins paramédicaux et les remplacer par un compte gestion-santé. Dans d’autres provinces, les heures de formation requises pour certaines spécialités sont plus élevées qu’au Québec, et l’on pourrait s’en inspirer pour reconnaitre les associations.