Les cabinets de courtage qui ne seront pas en mesure de respecter les exigences pour détenir ce titre devront changer leur structure corporative pour celle d’agence en assurance de dommages, a confirmé Frédéric Pérodeau, surintendant de l’assistance aux clientèles et de la distribution à l’Autorité des marchés financiers, lors d’une conférence tenue hier à l’occasion de la Journée de l’assurance de dommages.
Ces dispositions, qui ne s’appliquent qu’en assurance des particuliers, comportent cinq exigences spécifiques aux cabinets de courtage. D’abord, ceux-ci devront être en mesure d’obtenir les soumissions de trois assureurs de groupes financiers différents.
Ils ne devront également pas être un assureur, pour qui le modèle d’agence s’impose.
Ensuite, les représentants qui sont rattachés au cabinet de courtage devront être des courtiers qui offrent un choix de produits.
De plus, les cabinets devront respecter les dispositions relatives au capital qui encadrent la participation des assureurs.
Finalement, ils devront faire une série de divulgations à l’Autorité et sur leur site Internet.
Soumissions ou ententes ?
Lors de son allocution, M. Pérodeau a fait allusion qu’un cabinet de courtage devra obtenir trois soumissions d’assureurs provenant de groupes financiers différents comme étant l’une des exigences pour maintenir le titre de cabinet de courtage. Or, à la suite d’une question du président du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), Patrice Pouliot, venant préciser que le texte de loi indique qu’un cabinet devra avoir des ententes de distribution avec trois assureurs de groupes financiers différents, M. Pérodeau a souligné que si les termes qu’il a employés sont différents que ceux de la loi, ces derniers prévalent.
« L’objectif de ces nouveautés est de s’assurer qu’un représentant qui se dit courtier en est un vrai, qu’il offre les services d’un courtier, et aussi de permettre aux consommateurs de savoir avec qui ils transigent », explique M. Pérodeau. Ces dispositions de la loi entreront en vigueur le 13 décembre 2019.
Changer la structure corporative
Parmi les scénarios proposés par l’Autorité pour se conformer à la nouvelle loi, le régulateur n’exclut pas que les cabinets de courtage qui ne se conformeront pas aux exigences puissent devoir changer leur structure corporative, soit pour devenir des agences, tant en assurance des particuliers qu’en assurance des entreprises, soit pour avoir deux entités qui sépareraient les deux pratiques.
« Certains nous disent qu’en raison de leur concentration avec un assureur et de leur structure corporative, ils vont devenir des agences en assurance des particuliers. Théoriquement, ça c’est simple. En pratique, ça pose un certain niveau de complexité parce que ces cabinets-là souhaiteraient demeurer des cabinets de courtage en assurance des entreprises. Cela représente un enjeu parce que la loi prévoit qu’une agence d’assurance de dommages sera qualifiée comme telle pour toutes ses activités, soit en assurance des particuliers et des entreprises », a-t-il rappelé.
Or, ce changement peut entrainer des « considérations fiscales importantes », rapporte M. Pérodeau.
Rencontres avec l’industrie
M. Pérodeau a aussi révélé que l’Autorité a rencontré plusieurs acteurs de l’industrie, dont les courtiers, le RCCAQ et les assureurs, mais aussi les bannières. « Nous avons tenu des rencontres avec les gestionnaires des principales bannières pour avoir une compréhension de leur rôle et de leur réalité, de leurs préoccupations », a-t-il dit rapidement.
C’est que l’Autorité propose aux plus petits cabinets qui ne pourront pas obtenir par eux-mêmes des ententes de distribution avec trois assureurs différents d’opter pour le modèle de bannières. Le régulateur dit avoir constaté que cette piste de solution en contrarie certains en raison des « frais qui vont découler de cette solution pour eux ». M. Pérodeau ne s’est pas avancé pour répondre à cette crainte.
Dans leurs rencontres avec l’Autorité, certains assureurs se sont dits « prêts à collaborer et offrir leurs produits par l’entremise d’autres courtiers » et à assumer les couts de markéting, de formation et technologiques y étant liés.
« Certains [assureurs] sont inquiets des ententes de distribution que les courtiers ont avec d’autres assureurs. Ils se disent “s’il y a une partie de la rémunération [du courtier] qui est liée au taux de sinistralité, est-ce que je vais me faire placer juste de mauvais risques ?” Ce sont toutes ces préoccupations et réalités-là qu’on est en train de prendre en compte pour avoir une bonne compréhension de l’environnement », a-t-il ajouté.
Application de la loi
L’Autorité compte notamment sur les cabinets pour s’assurer de la mise en application des obligations. En effet, le régulateur changera ses formulaires d’inscription et de maintien « de manière à permettre une certaine auto-conformité. « On va inviter les cabinets à confirmer eux-mêmes qu’ils respectent les exigences de la loi », dit M. Pérodeau. Cela permettra aussi au régulateur de recueillir des informations sur les modèles d’affaires dans l’industrie suite à l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Le personnel de l’inspection fera aussi des travaux pour s’assurer de l’application des dispositions législatives et règlementaires, tout en faisant preuve « d’équité et de discernement ». « Il a fort à parier que les collègues de l’inspection seront plutôt en mode accompagnement de l’industrie pour s’assurer que les gens qui veulent respecter leurs obligations législatives et règlementaires soient en moyen de le faire », a-t-il annoncé.
Finalement, M. Pérodeau affirme que des efforts de mise en application seront déployés « afin de sanctionner les manquements identifiés par nos efforts de détection et aussi dans le contexte des dénonciations que nous recevrons ».
Quels produits seront visés ?
L’Autorité affirme que sa réflexion se poursuit à savoir quels seront les produits visés par l’exigence d’avoir des ententes avec trois assureurs de groupes financiers différents. D’emblée, M. Pérodeau nomme l’assurance auto et l’assurance habitation. Mais il n’exclut pas que les produits sous-standards fassent aussi partie de cette exigence.
« Pour l’instant, le scénario qui semble le plus prévalent et qui est envisagé, mais qui peut toujours changer, est de viser les produits standards seulement. Certains seront d’avis que les produits sous-standards devraient aussi être inclus. Rien n’est définitif pour l’instant », précise-t-il.
Il a expliqué que l’Autorité souhaite poursuivre sa compréhension des enjeux et de la réalité de l’industrie pour nourrir sa réflexion à ce sujet.