Revenu Québec a obtenu gain de cause devant la Cour du Québec, division administrative et d’appel, à l’endroit de Medavie qui n’avait pas appliqué la taxe sur les primes d’assurance (TPA) de 9 % dans un contrat avec des membres du Barreau du Québec. L’assureur avait scindé ses couvertures d’assurance en deux contrats distincts et n’avait pas prélevé la TPA sur un des deux, une pratique qui lui a été sévèrement reprochée par la cour.
Dans cette affaire, le tribunal devait déterminer si Medavie aurait dû recueillir la TPA pour un contrat d’assurance comprenant des garanties en cas d’accident, maladie ou invalidité même s’il n’incluait pas de garantie pour le paiement du coût des services pharmaceutiques et de médicaments.
Lors de la période en cause, les contrats individuels souscrits via un ordre professionnel comportant les caractéristiques des contrats collectifs étaient assujettis à la TPA.
Deux contrats distincts
L’assureur est inscrit au sens de la Loi sur l’assurance médicaments (LAMED). En 2018, il négocie avec le Barreau deux contrats offrant chacun un produit distinct d’assurance de personnes à ses membres.
Le premier est un contrat d’assurance individuelle comportant des garanties en cas d’accident, de maladie ou d’invalidité à l’égard d’un groupe de gens admissibles au régime général de la LAMED. Medavie n’a pas perçu la TPA de 9 % pour le paiement des primes de ce contrat pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.
Le deuxième est un contrat d’assurance individuelle comportant des garanties de paiements de services pharmaceutiques et de médicaments. Il ne contient aucune garantie en cas d’accident, maladie ou invalidité. Pour celui-ci, Medavie a perçu la TPA.
Rappelons qu’en 2005, une loi avait été modifiée pour éviter que les assureurs se départissent de l’obligation d’offrir une couverture médicaments lorsqu’ils offrent une couverture d’accident, de maladie ou d’invalidité.
L’avis de cotisation de Revenu Québec
Le 21 février 2022, Revenu Québec émet un avis de cotisation de 111 919,39 $ à Medavie. Cette somme représente le montant de TPA que l’assureur n’a pas perçu sur les paiements des primes reçus dans le premier contrat.
L’assureur conteste. En effet, la compréhension de la représentante de Medavie, d’après le rapport du vérificateur de Revenu Québec, veut plutôt que les taxes de 9 % de la TPA ne soient pas applicables à des contrats d’assurance individuelle, sauf pour les primes de l’assurance médicaments.
Toujours selon l’information donnée au vérificateur, il aurait été convenu entre Medavie et les représentants du Barreau qu’ils remettraient les taxes « eux-mêmes ».
Or, en assurance de personnes, la responsabilité de remise de la taxe revient à l’assureur conformément à l’article 523 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (LTVQ). Medavie prétend néanmoins qu’elle n’avait pas à percevoir la taxe pour le premier contrat.
L’affaire se retrouve devant le tribunal qui doit trancher : Medavie doit-il remettre à Revenu Québec la TPA sur un contrat d’assurance comprenant des garanties pour les cas d’accident, maladie ou invalidité alors que ce contrat n’incluait pas de garantie pour le paiement du coût de services pharmaceutiques et de médicaments ?
Deux interprétations de la loi s’affrontent
La position de Revenu Québec repose sur le fait que le premier contrat est un contrat d’assurance individuelle couvert par l’article 42.2 de la LAMED, même s’il ne fournit pas de garantie de médicaments.
Pour sa part, Medavie soutient que les primes reçues pour ce contrat ne sont pas assujetties à la TPA puisqu’il ne comprend pas d’assurance médicaments ou de couverture pharmaceutique. En conséquence, interprète l’entreprise, ce contrat n’est pas visé par l’article 42.2.
Selon l’assureur, les membres du Barreau ne seraient pas tenus de souscrire à une assurance médicaments pour obtenir l’assurance du premier contrat, car un régime d’assurance collective séparé pour les médicaments et services pharmaceutiques, pour lequel la TPA a été facturée et remise au gouvernement, a été négocié.
Le jugement de la Cour
La Cour est cependant en désaccord avec la façon de voir et de faire de l’assureur.
La situation fait en sorte qu’un membre du Barreau qui souscrit au premier contrat, mais pas au deuxième, se trouve automatiquement couvert par le régime public. Or, le législateur a clairement exprimé sa volonté de prohiber cette pratique.
Le magistrat affirme qu’interpréter l’article 42.2 comme permettant à un assureur d’offrir deux contrats séparés, l’un d’assurance groupe maladie, accidents et d’invalidité sans avoir à payer la TPA, et l’autre avec comme seule couverture les médicaments sur lequel la TPA est payée, a pour conséquence directe une perte pour l’État de la perception de cette taxe, laquelle contribue au financement du réseau public.
« Ce n’est certes pas là la volonté du législateur pour une loi d’ordre publique d’intérêt social », indique le jugement rendu le 6 juin par le juge Louis Riverin.
Celui-ci insiste aussi sur le fait que même si l’article de la LAMED ne mentionne pas les termes « dans le même contrat » ou « dans le même régime d’avantages sociaux », conclure autrement créerait une discordance dans ladite loi.
« La cohérence de la loi milite dans le fait qu’en matière d’assurances collectives, de régimes d’avantages sociaux et de contrats d’assurance individuelle offerts à un groupe de personnes, le même régime soit applicable. »
Le juge a donc rejeté la demande de Medavie qui contestait l’avis de cotisation de Revenu Québec, concluant que la prime payée en vertu du premier contrat « n’est pas exemptée de la TPA ».