Dre Diane Francoeur

La santé hormonale des femmes ne devrait plus être un angle mort en milieu de travail ; pour y parvenir, autant les employeurs que les assureurs ont un rôle clé à jouer. Offrir des régimes d’assurance adaptés, reconnaître l’impact de ces enjeux et faire preuve de flexibilité, c’est non seulement soutenir les employées, mais aussi assurer une main-d’œuvre en santé, motivée et plus productive. 

Selon Manuvie, « les employeurs peuvent jouer un rôle important en élaborant des stratégies pour appuyer les femmes qui présentent des symptômes de la ménopause, en leur offrant une assurance médicaments plus complète, en adaptant leurs horaires de travail et en normalisant les discussions sur la ménopause en milieu de travail. » Des mesures qui pourraient réduire l’absentéisme au travail et prolonger la présence des travailleuses dans leur emploi. 

Un rapport publié par l’assureur en novembre 2024 indique d’ailleurs que « 17 % des femmes ont envisagé de quitter le marché du travail en raison d’un soutien insuffisant pour leurs symptômes ». 

La Fondation canadienne de la ménopause a pour sa part publié un guide à l’intention des employeurs pour les aider à soutenir et à bien accompagner les membres du personnel aux prises avec la ménopause. On propose notamment de créer un milieu ouvert et sensibilisé aux impacts des troubles hormonaux, mais aussi de mettre en place certaines mesures d’adaptation, telles qu’une politique de télétravail, une plus grande flexibilité dans les horaires et une meilleure couverture en assurance pour obtenir des traitements appropriés. 

Or, la flexibilité doit aussi être accordée en fonction de la situation de chaque individu. 

Parmi ses patientes, la Dre Diane Francoeur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, compte une professionnelle en fin de grossesse.

« Elle pourrait effectuer son travail de la maison cinq jours par semaine, mais son employeur veut qu’elle soit sur place, explique la gynécologue. Alors ma patiente a été mise en congé préventif, ce qui fait qu’au lieu d’avoir une employée qui travaille, parce qu’elle en est capable, on se prive d’une ressource humaine avec les coûts que ça entraîne pour l’organisation et l’assureur. » 

Dre Francoeur est d’avis que le bon sens devrait primer, dans ce cas comme dans tous les autres.

« De permettre aux femmes d’avoir des heures flexibles, pour compenser l’insomnie engendrée par leur ménopause, par exemple, ça limiterait le nombre d’absences, illustre-t-elle. Encore mieux, ça va établir une relation de confiance avec les travailleuses et les fidéliser. » 

Les assureurs sont prêts, mais doivent être conciliants 

Du côté des assureurs, on note que les produits ont suivi la réalité des femmes et qu’ils sont plus que jamais flexibles. 

Eveline Keable

Au Québec, le documentaire Loto-Méno, réalisé par Véronique Cloutier, a permis de lever une grande partie du tabou entourant la ménopause.

« Ça a fait beaucoup parler, indique au Portail de l’assurance Eveline Keable, chef de produits santé, bien-être et invalidité chez iA Groupe financier. En plus de contribuer à la déstigmatisation de cette réalité, ça a ouvert à de meilleures couvertures en hormonothérapie au sein de plusieurs régimes d’assurance. » 

Les politiques de diversité, équité, inclusion (EDI) implantées dans les organisations ont aussi pour effet d’entraîner une révision des régimes d’assurances.

Aux États-Unis, ce sont les assureurs qui décident quels médicaments peuvent être prescrits selon le diagnostic, révèle Dre Francoeur. Au Canada, on utilise le médicament qu’on juge le plus approprié. 

Certains médicaments sont prescrits non pas pour leur vocation première, mais pour leurs effets secondaires. « Le meilleur exemple, c’est le misoprostol ; il a été inventé pour traiter des ulcères d’estomac, mais on l’utilise pour des interruptions volontaires de grossesse, ou après des accouchements et des fausses couches », illustre Diane Francoeur.

Dans la même veine, la metformine, qui traite le diabète, est utilisée pour amoindrir les désagréments du syndrome des ovaires polykystiques parce qu’elle aide à réduire la production d’hormones mâles par les ovaires. 

Dre Hélène Lavoie

Or, certaines personnes qui s’en voient prescrire ont ensuite des problèmes avec leur assureur, qui rehaussent leur prime en raison d’une perception de risque accru, déplore la Dre Hélène Lavoie, endocrinologue de la reproduction au Centre hospitalier universitaire de Montréal.

« Dès que je mets le diagnostic dans un dossier, mes patientes me confient qu’elles ont dû mal à être assurées, élabore-t-elle. En voyant la prescription, les assureurs ont supposé qu’elles présentent un risque augmenté de diabète de type 2, alors que c’est loin d’être toujours le cas. Je dois alors rédiger une lettre à l’assureur. Si la patiente n’a pas de diabète ou d’hypertension, elle ne devrait pas être pénalisée. » 

Les assureurs ne devraient pas s’en faire avec ce diagnostic étant donné que ses complications ont tendance à se calmer avec le temps, puis à disparaître avec l’arrivée de la ménopause. « Ce n’est pas une maladie qui se détériore », précise l’endocrinologue. 

Comme la perte de poids peut aider à amoindrir les symptômes du syndrome, la spécialiste s’interroge sur le rôle des assureurs.

« Devraient-ils couvrir les médicaments qui aident à la perte de poids ? demande-t-elle. C’est une arme à double tranchant, parce que le seul remède vraiment efficace, c’est de modifier ses habitudes de vie à long terme. Si les assureurs investissaient dans l’amélioration des habitudes de vie, ça aiderait. » 

Eveline Keable mentionne que certains assureurs et employeurs se tournent déjà vers des programmes de mieux-être et certains remboursent des dépenses en équipement sportif. « Souvent, le fait pour les femmes de demeurer actives vient aider leurs symptômes », souligne-t-elle. 

Une offre de produits qui évolue 

Les besoins en assurance varient selon l’âge des personnes assurées. Mais déjà, les statistiques le prouvent : les femmes effectuent davantage de réclamations en soins de santé et en médicaments que les hommes. 

« Nous développons des services et des programmes visant à soutenir la santé des femmes à travers les grandes étapes de leur vie, y compris la planification familiale avec une couverture pour les traitements de fertilité et des services de soutien », explique Jennifer Foubert, vice-présidente adjointe et chef, Santé, mieux-être et invalidité de Manuvie. 

« Chez les jeunes adultes, les besoins sont surtout reliés à la contraception, note Mme Keable. Par la suite, il y a la grossesse ou l’infertilité, qui peuvent entraîner des enjeux de dépression. Plus tard, il y a le remplacement d’hormones à la ménopause. » 

On remarque aussi, au niveau de l’assurance invalidité, que les femmes sont plus nombreuses à vivre des problématiques en santé mentale, et que leur absence est généralement plus longue que celle des hommes. 

« Le traitement doit souvent être personnalisé en fonction de la réponse de chaque individu, en modifiant les produits et les doses pour trouver l’ajustement optimal. Ces thérapies traditionnelles sont généralement couvertes par un régime complet d’assurance médicaments », mentionne pour sa part Mme Foubert. 

Plusieurs assureurs ont développé des produits spécifiques touchant les enjeux de fertilité féminins, indique Mme Keable. Ensuite, il revient aux employeurs de décider s’ils souhaitent les offrir à leurs employées, avec les coûts que cela implique, avance-t-elle. 

Tant chez iA que chez Manuvie, on dit être à la recherche des meilleurs partenaires pour créer une offre répondant au plus grand nombre de besoins de la clientèle. 

« On va faire affaire avec des partenaires offrant des soins de santé virtuels, comme un programme d’aide aux employés, la télémédecine, des programmes de gestion de santé mentale et de la thérapie cognitivo-comportementale. Ça peut être bon pour les troubles du sommeil, les bouffées de chaleur et autres troubles liés à la ménopause », énumère Mme Keable. 

Enfin, quand certains éléments ne sont pas inclus dans le régime d’assurance collective, certains employeurs mettent aussi des comptes de gestion santé ; les adhérents peuvent dès lors utiliser un montant prédéterminé de manière discrétionnaire pour obtenir des services 

Ce qui importe, plaide Eveline Keable, c’est que l’employeur communique efficacement l’offre en assurance qui est disponible aux travailleurs et aux travailleuses. « C’est la clé pour que les femmes puissent recourir aux services mis à leur disposition », dit-elle. 

Sun Life a refusé la demande d’entrevue du Portail de l’assurance, et Canada Vie n’a pas répondu à notre demande.