Un nouvel outil, relativement récent, est maintenant disponible pour les assureurs, les constructeurs résidentiels et les consommateurs souhaitant intégrer des pratiques et des matériaux résilients dans les nouvelles constructions, les rénovations ou les reconstructions après sinistre.
Cette première mouture des lignes directrices pour la construction résidentielle — structurées par niveaux afin de permettre une adoption graduelle des mesures de résilience — a été élaborée par l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques (IPSC, ou ICLR en anglais), en collaboration avec l’Association canadienne des constructeurs d’habitations (ACCH, ou CHBA en anglais). Elles sont maintenant accessibles à l’adresse ICLR.org/resilient.
Fruit d’un partenariat de deux ans entre les deux organisations, cette initiative a vu le jour parce que l’institut, dans le cadre de ses activités, avait accumulé une importante base de connaissances et une bibliothèque de ressources qui, jusqu’alors, n’étaient pas utilisées ou intégrées dans les projets de construction.
« Ils ont réussi à obtenir une entente entre les constructeurs et les assureurs sur des lignes directrices claires, pratiques et efficaces pour une construction résiliente allant au-delà du code. Ce genre de consensus est rare, mais essentiel », souligne Keith Porter, ingénieur en chef à l’IPSC, lors d’un récent webinaire sur le sujet. « C’est nécessaire si le Canada veut, en tant que société, régler ses problèmes liés à la résilience. Les principaux acteurs doivent s’entendre sur les détails techniques, et il faut un consensus sur les lignes directrices. »
L’un des principaux enjeux ciblés par le groupe de travail sur les habitations résilientes, appelé Resilient Homes Task Force en anglais, était le manque généralisé de sensibilisation à l’égard des recommandations déjà existantes. « On sait dans quelles régions du Canada les risques sont présents et, de manière générale, on connaît les orientations techniques, ou on a les orientations techniques, pour réduire les risques. Mais on ne les applique tout simplement pas de façon généralisée », explique Dan Sandink, directeur de la recherche à l’IPSC, lors de la même présentation. « Ces lignes directrices ne sont habituellement pas mises en œuvre. Les exemples d’application sont très rares. »
Des normes trop complexes
Un des obstacles relevés à l’implantation de ces pratiques est la nature technique et la complexité des normes produites au cours des dix dernières années. Nombre d’entre elles nécessitaient l’expertise d’ingénieurs en sécurité incendie ou en structures pour être appliquées.
« Ce n’est vraiment pas dans l’intérêt de nombreux constructeurs, c'est du moins ce qu’ils nous disent, d’appliquer ces options dans leur forme actuelle, poursuit M. Sandink. Une des premières choses qu’ils nous ont demandé de faire, c’est un projet visant à hiérarchiser les mesures de résilience. »
La conclusion importante tirée dans ce cas par l’IPSC est la nécessité de produire des lignes directrices pouvant être facilement adoptées par les entreprises et les corps de métier, sans avoir recours à des experts externes.
L’institut note également que les constructeurs s'attendent à ce que l'application des mesures de résilience dans les bâtiments ait une incidence directe sur la couverture d'assurance, en particulier sur les primes.
« L’une des choses que nous avons dû travailler avec les constructeurs et les assureurs afin de faciliter la communication, c’est que les mesures de résilience pour toute personne assurée donnée peuvent avoir un effet sur les primes, mais aussi sur les franchises, les sous-limites, la disponibilité de la couverture ou encore les barèmes de dépréciation », explique M. Sandink. « Il peut y avoir des incitatifs, mais pas nécessairement sous forme de réduction claire de prime. »
L’institut prévoit publier des fiches explicatives simples sur les incitatifs en assurance, pour illustrer les mécanismes en jeu et les effets possibles de chaque mesure de résilience. « Malheureusement, c’est difficile à communiquer, reconnaît-il. C’est un défi qu’on devra continuer à relever dans les mois et les années à venir, en collaboration avec l’industrie de la construction. »
Miser sur la simplicité
Les guides et les listes de vérification sont appelés à évoluer au fil du temps, à mesure que le groupe de travail recevra de la rétroaction de la part des utilisateurs. L'ensemble actuel de documents, élaboré à partir des travaux du groupe, est volontairement simple. Le principal conseil reçu concernait la présentation des options : il a été demandé à l'institut d'utiliser un langage simple, d'éviter les termes techniques et, dans la mesure du possible, de ne pas faire référence aux normes de test.
Le groupe de travail a aussi été invité à présumer que les utilisateurs ne parlent ni anglais ni français, et à miser le plus possible sur des dessins en 3D et des illustrations pour rendre les lignes directrices compréhensibles.
M. Sandink mentionne également que certaines exigences ont été traitées différemment : les plus contraignantes ont été placées dans une autre catégorie. « Le but ici n’est pas que les constructeurs abandonnent un projet de construction résiliente simplement parce qu’ils ne peuvent pas mettre en œuvre quelques pratiques précises », insiste-t-il. L’objectif, dit-il, « c’est de faire connaître ces pratiques, pour que les constructeurs y soient exposés ».
Incitatifs en assurance
L’un des autres volets que l’institut souhaite approfondir est la recherche sur les incitatifs offerts par les assureurs, puisqu’ils agissent tous de façon indépendante et ont leurs propres stratégies.
Mais pour offrir de tels incitatifs, les assureurs veulent des preuves tangibles, note M. Sandink.
« On sait qu’un meilleur cheminement de charge continu réduit les risques en cas de vents violents, selon des études et calculs en ingénierie, mais ces informations ne se traduisent pas facilement au sein d’un service de souscription d’assurance », explique-t-il. « Ils veulent voir l’effet dans les réclamations, comme la différence entre un bâtiment à Calgary doté d’un toit protecteur contre la grêle et un autre, voisin, qui n’en a pas. »
L’institut cherche donc à élargir son groupe de commanditaires pour ses projets pilotes, qui compte déjà Aviva Canada et TD Assurance.
Les guides d’introduction simplifiés et les listes de vérification correspondent à une bibliothèque de fiches techniques fournissant des détails sur les normes de référence, la sélection des matériaux, les avantages attendus en réduction des pertes, les coûts prévus, le niveau de difficulté d’installation et la disponibilité des produits.
Travailler avec les fabricants
L’institut prévoit également collaborer davantage avec les fabricants. « On nous dit aussi que certains matériaux sont difficiles à trouver », admet M. Sandink. « Ce qu’ils veulent, c’est une demande du marché. Si la demande vient des constructeurs, de l’industrie du bâtiment, ils livreront les produits. La raison pour laquelle ils ne le font pas actuellement, c’est parce que personne ne les demande. Il faut contribuer à générer cette demande. » Dans cette optique, l’institut prévoit travailler avec un vidéaste pour mettre en valeur les constructeurs qui intègrent des pratiques résilientes dans leurs projets.
« Ça fait partie de notre stratégie à long terme, pour que ces lignes directrices soient réellement appliquées sur le terrain », dit-il.
M. Sandink rappelle qu’il existe actuellement des groupes de travail qui cherchent à intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans les codes du bâtiment nationaux de 2030. Il ajoute cependant que l’institut ne s’attend pas à ce que toutes les mesures de résilience recommandées soient retenues. « Et il semble que les mesures liées aux feux de forêt pourraient être repoussées encore au-delà de 2030 », note-t-il.
« Cette collaboration avec l’industrie de la construction, à la recherche de moyens d’encourager l’adoption volontaire par les constructeurs, et l’intérêt des assureurs pour promouvoir la résilience, demeure un mécanisme essentiel pour les prochaines décennies en l’absence de réglementation, conclut-il. C’est ce qui rend ce travail encore plus important. »