La canicule sévère qui a frappé la Colombie-Britannique à l’été 2021 a causé 595 décès en à peine une semaine. En 2018 au Québec, on a rapporté 86 décès en raison de la chaleur extrême. Le Centre Intact d’adaptation au climat (CIAC) produit un guide pour lutter contre ce fléau associé aux changements climatiques.

Le CIAC a déjà produit deux guides similaires pour aider les Canadiens à se préparer à mitiger les dommages causés par les inondations et les feux de forêt. Ce guide sur la chaleur extrême comporte de nombreuses mesures concrètes de réduction des risques liés à la canicule. 

Quelque 17 mesures sont destinées aux particuliers, 11 ciblent les propriétaires et les gestionnaires et 8 autres visent ces deux groupes. De plus, 13 autres mesures sont proposées aux collectivités. Ces conseils ont été inspirés par une soixantaine d’experts canadiens en santé, en science du bâtiment, en urbanisme, etc.

Les mesures concrètes de réduction des risques liés à la canicule sont classées en trois grandes catégories. Premièrement, des mesures non structurelles, ou de type comportemental, touchent particulièrement la surveillance et l’aide aux groupes les plus vulnérables.

Deuxièmement, on suggère d’utiliser la nature grâce à l’infrastructure verte, notamment en étendant la canopée des arbres et l’espace accordé aux habitats naturels dans les zones urbaines.

Troisièmement, les mesures du type infrastructures grises touchent les bâtiments et les infrastructures doivent inclure des méthodes de conception et de rénovation qui limitent la consommation d’énergie et favorisent le refroidissement passif. 

Trois zones rouges 

Les zones densément peuplées dans les agglomérations urbaines sont les plus touchées par le réchauffement du climat. Le rapport cerne trois zones rouges au Canada qui seraient particulièrement affectées par la canicule : 

  • des vallées entre la côte ouest et les montagnes Rocheuses, en Colombie-Britannique ;
  • les localités situées dans les provinces des Prairies à proximité de la frontière américaine, donc le sud de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba ;
  • les villes en bordure de la vallée du Saint-Laurent jusqu’au bord du lac Érié, soit le Québec et le sud de l’Ontario.

« Un réchauffement et des périodes de chaleur extrême plus intense seront présents pendant des décennies », déclare Joanna Eyquem, auteur du rapport et directrice générale des infrastructures résilientes au climat au CIAC. Si de tels phénomènes coïncident avec une vaste panne de courant qui interrompt la ventilation et la climatisation, « le taux de mortalité pourrait facilement atteindre les milliers », dit-elle. 

Aide ciblée 

Les groupes vulnérables, comme les personnes âgées, les gens qui vivent seuls, les communautés marginalisées ou racisées, ont besoin d’une aide ciblée, indique-t-on dans le rapport du CIAC.

« Je vois la chaleur extrême dans une catégorie différente de tous les autres périls climatiques. La chaleur extrême est plus que gênante, elle est potentiellement mortelle. Si nous ne nous préparons pas à une chaleur extrême, ceux qui sont vulnérables risquent de mourir », indique Blair Feltmate, chef du CIAC. 

Le rapport veut presser les décideurs canadiens à réaliser cinq nécessités : 

  • considérer les chaleurs extrêmes comme étant des « catastrophes naturelles » ;
  • mieux informer la population sur les moyens de réduire les risques avant la canicule ;
  • mobiliser le secteur public et les investisseurs privés pour conjuguer leurs efforts. On donne l’exemple du programme fédéral qui vise la plantation d’arbres, dont une partie pourrait servir à verdir les quartiers urbains et réduire les îlots de chaleur ;
  • intégrer la résistance à la chaleur lors de l’inspection et de l’évaluation des immeubles.
Îlots de chaleur urbains 

Lors de la vague de chaleur et la sécheresse qui a précédé les feux de forêt qui ont ravagé la Colombie-Britannique à l’été 2021, les données préliminaires tirées des rapports de coroner montrent que sur les 526 décès reliés à la chaleur extrême, près de sept victimes sur 10 (69 %) étaient âgées de 70 ans ou plus. 

Au Québec, c’est en 2018 où l’on a observé l’été le plus chaud en 146 ans de données météorologiques. Les 86 décès excédentaires (surmortalité) possiblement liés à la chaleur ont été rapportés dans neuf régions. 

Le premier chapitre du guide du CIAC traite de la nécessité de réduire les îlots de chaleur en milieu urbain. Dans une ville d’un million d’habitants ou plus, la moyenne annuelle de la température de l’air peut être supérieure de 1 °C à 3 °C à celle des banlieues ou des régions rurales environnantes. 

Les villes manquent souvent de végétation et de plans d’eau. Les matériaux de construction et les surfaces dures associées au milieu routier retiennent la chaleur. « Lors d’une nuit dégagée et calme, cette différence de température peut même atteindre 12 °C, ce qui prolonge la période de chaleur diurne en soirée, et complique le refroidissement et la ventilation des immeubles la nuit », lit-on en page 16.

En juillet 2020, près de 72 % de la population canadienne, soit 27,3 millions de personnes, vivaient dans l’une des 35 régions métropolitaines de recensement (RMR). La RMR doit compter au moins 100 000 habitants, dont 50 000 vivent dans un centre urbain.

La figure 4 du guide du CIAC montre une prévision de la surmortalité liée à la chaleur en fonction des différents scénarios du GIEC sur l’augmentation de la température et la croissance démographique au Canada. Sans mesure d’adaptation entre 2030 et 2080, même dans le scénario le plus optimiste (RCP 2,6), la surmortalité au Canada augmenterait de près de 200 % en cas de forte augmentation de la démographie. 

Température maximale la plus élevée

Partout sur la planète, on observe une hausse des décès causés par la chaleur extrême. Une étude publiée en 2021 et menée dans 43 pays conclut que les changements climatiques auraient causé 37 % des décès liés à la chaleur durant la saison chaude entre 1991 et 2018. 

Impact économique 

En 2021, l’Institut canadien pour des choix climatiques a estimé les coûts potentiels d’une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur par une modélisation qui tenait compte d’une pluralité de scénarios d’émissions de GES. Dans le scénario où les émissions restent très élevées, d’ici la fin du siècle, les changements climatiques feraient perdre l’équivalent de 62 000 emplois à temps plein et près de 15 milliards de dollars (G$).

Durée moyenne des vagues de chaleur

Les décès et la diminution de la qualité de vie qu’entraîne la chaleur sont considérables, ajoutait l’Institut. Dans le scénario pessimiste, les décès causés par la chaleur devraient coûter quelque 8,5 G$ par année d’ici la fin du siècle, comparativement à 5,2 G$ si les émissions mondiales sont réduites de manière draconienne. 

La chaleur extrême est associée à d’autres risques connexes, comme la détérioration de la qualité de l’air, la sécheresse et les feux incontrôlés — comme ceux qui ont touché l’ouest et le centre du Canada en 2021 —, les orages et les crues soudaines. 

Carte des régions métropolitaines et des collectivités où, selon les indicateurs, la chaleur extrême sera la plus intense en 2051-2080

Le chapitre deux fait un survol des projections de chaleur extrême dans les collectivités canadiennes. On estime qu’une grande partie du Canada enregistrera des températures extrêmes dans la période de 2051 à 2080. Trois indicateurs de chaleur sont retenus : les journées de plus de 30 °C, la température maximale la plus chaude et la durée moyenne des vagues de chaleur. 

Nombre de journées très chaudes (plus de 30 degrés Celcius)

Dans le scénario le plus pessimiste (RCP 8,5), les trois zones rouges compteront plus de 40 jours par année où le mercure dépassera les 30 °C, la température maximale approchera les 40 °C et la durée annuelle moyenne des canicules sera de huit jours ou plus. 

Les mesures  

Le chapitre propose diverses mesures de résilience à la chaleur extrême. On parle ici de mesures préventives, c’est-à-dire la préparation et l’adaptation aux chaleurs extrêmes, à l’intérieur comme à l’extérieur. Chacune des mesures est présentée de façon détaillée. 

Les personnes locataires et celles qui disposent de peu de ressources pour s’adapter à la chaleur, même si elles sont souvent les plus exposées, auront besoin d’une aide ciblée. Les tableaux des mesures soulignent d’ailleurs les mesures qui sont les plus faciles à prendre pour ces personnes plus vulnérables. 

À propos du refroidissement passif, cette mesure qui vise les collectivités suggère d’adapter les programmes d’aide pour améliorer l’efficacité énergétique. On énumère des initiatives proposées par certaines municipalités pour les projets d’infrastructures vertes : 

  • À Toronto, le programme Eco-Roof subventionne l’installation de toits verts et de toits blancs ;
  • À Ottawa, un programme de plantation d’arbres cible les terrains privés et les cours d’école ;
  • À Montréal, la Société de verdissement du Montréal métropolitain invite les résidents à planter au moins un arbre sur leur terrain et assume les frais associés.

Le chapitre 4 du guide énumère les avantages connexes tangibles liés à la réduction du risque de maladies associées à la chaleur. 

« Tous, des propriétaires aux dirigeants des collectivités en passant par les locataires et les chefs d’entreprise, devraient se donner comme objectif de renforcer la résilience des Canadiens aux chaleurs extrêmes. Chacun a la responsabilité de réduire les risques pour lui-même et la possibilité de protéger les plus vulnérables que lui », conclut le guide du CIAC.