Bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie de 300 000 $ détenu par son mari avant le divorce du couple a réclamé avec succès un montant d’assurance que retenait l’assureur, croyant à tort que la désignation avait été annulée par le divorce, révèle un récent bulletin de Charbonneau, avocats conseils, dont le Portail de l’assurance a obtenu copie.

La demanderesse réclamait un montant d’assurance vie de 155 000 $, plus intérêt légal et indemnité additionnelle, calculé à partir du 13 septembre 2018. Dans sa décision rendue le 11 mars 2020, la Cour supérieure du Québec du district de Montréal a ordonné à Manuvie de lui verser le tout, estimant la désignation de bénéficiaire irrévocable.

Manuvie avait initialement retenu le paiement du solde de l’indemnité de 155 000 $. Pour justifier sa décision, Manuvie avait invoqué l’article 2459 du Code civil du Québec (C.c.Q), selon lequel le divorce rend caduque toute désignation du conjoint à titre de bénéficiaire de l’assurance vie.

Différence entre séparés et divorcés

Le libellé de l’article 2459 du C.c.Q. va comme suit : « La séparation de corps ne porte pas atteinte aux droits du conjoint, qu’il soit bénéficiaire ou titulaire subrogé. Toutefois, le tribunal peut, au moment où il prononce la séparation, les déclarer révocables ou caducs. »

L’article stipule en outre que « le divorce ou la nullité du mariage et la dissolution ou la nullité de l’union civile rendent caduque toute désignation du conjoint à titre de bénéficiaire. » Les faits contenus dans le jugement montrent toutefois qu’il est possible aux parties d’en convenir différemment.

Convention de maintien de la bénéficiaire

Décédé le 9 mai 2018, l’assuré avait contracté une police de 300 000 $ auprès de Manuvie après son mariage avec la demanderesse le 14 décembre 1996. Un jugement de divorce survient le 19 mars 2012. Il contient des clauses de mesures accessoires dont ont convenu les parties, entre autres quel’épouse demeure bénéficiaire de la police, jusqu’à concurrence d’un montant de 155 000 $.

Toujours selon les faits relatés par la Cour, les parties conviennent en outre que l’époux maintiendra la désignation de bénéficiaire malgré le jugement de divorce et l’article 2459 du C.C.Q. Le jugement précise que le maintien de la désignation vise à compenser l’ex-épouse envers le partage du patrimoine familial. L’époux doit aussi maintenir la police en vigueur, sinon la succession sera endettée de 155 000 $ envers l’épouse, advenant le décès de l’assuré.

Modification de bénéficiaire avortée

Après le divorce, l’assuré avise Manuvie de modifier la désignation en faveur de ses ayants droit et d’un ami d’affaires, peut-on lire. Au décès, Manuvie paie une première tranche de 145 000 $ à ce nouveau bénéficiaire, et retient le solde de 155 000 $.

Le juge Pierre-C. Gagnon considère toutefois que Manuvie doit payer l’ex-épouse. Le tribunal a conclu que sa désignation de bénéficiaire faite en septembre 2003 était irrévocable en vertu de l’article 2459 C.c.Q. L’assuré ne pouvait donc désigner un autre bénéficiaire après le divorce.