Solutions d’assurances Ecerteco, une start-up de Québec dirigée par un ancien sous-ministre adjoint des Finances, mène actuellement des démarches pour lancer une union réciproque dans le domaine de l’assurance et convoite un immense marché : l’automobile. Ses fondateurs, Richard Boivin et son fils Jean-Philippe, un architecte en informatique, croient que les primes offertes par la filiale Autocerteco aux membres participants à ce regroupement pourraient être inférieures de 10 à 15 % à celles proposées par les grands assureurs. 

Une union réciproque est une formule en assurance de dommages qui est permise au Québec depuis quelques années en vertu de la Loi sur les assureurs, mais il en existe très peu à ce jour. Le meilleur exemple est l’Union réciproque d’assurance scolaire du Québec. Elle offre divers produits d’assurance depuis le 1er juillet 2023 aux 63 centres de services scolaires qui ont signé la convention d’une durée de cinq ans. 

« Le but d’une union réciproque, a résumé le ministre des Finances Éric Girard en commission parlementaire en mai, c’est de permettre à un groupe de personnes de s’assurer entre elles (…) Au sens du Code civil, ce sont des associations. » 

Uniquement en assurance de dommages 

Une union réciproque ne peut être créée que dans le domaine de l’assurance de dommages. Elle offre une couverture complète à ses membres comme tous les autres assureurs. Pour pouvoir se procurer une couverture d’assurance d’une union réciproque, il faut obligatoirement en être membre et signer un contrat. Elle ne peut avoir des assurés en dehors de l’union.

Lorsqu’un souscripteur devient membre d’une union réciproque, décrit le site de consultants en assurance Axxima, il conclut une entente stipulant qu’il contribuera au financement des pertes des autres assurés. Ce sont leurs cotisations qui vont permettre de rencontrer ses obligations d’assureur. 

Leurs règles d’opérations sont encadrées par l’Autorité des marchés financiers quoiqu’elles diffèrent sous certains rapports des assureurs conventionnels. Des articles de la Loi sur les assureurs s’appliquent aux unions réciproques, mais pas tous. Elles n’ont pas besoin notamment d’un capital de démarrage de 5 millions de dollars comme on l’exige d’une compagnie d’assurance. 

Les dernières modifications qui ont facilité la mise sur pied d’une union réciproque au Québec ont été faites le printemps dernier dans le cadre du projet de loi 30 modifiant des dispositions dans le secteur financier. Les plus récents articles sont entrés en vigueur le 9 mai 2024. 

S’attaquer à un oligopole 

Richard et Jean-Philippe Boivin ont décidé de former leur union réciproque dans le secteur de l’assurance automobile parce qu’au Québec, disent-ils, ce marché est concentré entre les mains d’un oligopole de quatre grands assureurs et que les 5,3 millions de propriétaires de voitures dans la province n’ont pratiquement aucune alternative pour couvrir leur véhicule.

« Je trouve cela intéressant de mettre au défi l’industrie de l’assurance automobile, explique Richard Boivin en entrevue au Portail de l’assurance. Comme propriétaires de véhicules, nous sommes tous captifs, car nous sommes obligés de nous assurer. La prime joue en fonction de la compétition, mais il y a de moins en moins de concurrence. »

« Mon fils et moi on s'est demandé si on ne pourrait développer quelque chose qui ferait en sorte que les assurés paieraient moins cher tout en ayant la même couverture qu’un assureur supervisé par l’Autorité, ajoute-t-il. Mon but avec cette union réciproque, c’est de créer plus de compétition dans ce marché et de m’amuser. On va créer une chose qui n’existe pas actuellement dans le marché de l’assurance auto au Québec. » 

Leur première demande auprès de l’Autorité, il y a quelques années avait échoué, ce qui les a amenés à faire des représentations par l’entremise d’un lobbyiste auprès du ministère des Finances pour modifier ou préciser certains articles.

Après les modifications apportées ce printemps avec la Loi 30, les deux hommes reviennent à la charge et espèrent que leur deuxième tentative, actuellement en marche, sera la bonne. Il leur reste beaucoup de travail avant d’obtenir le feu vert de l’Autorité, puis du ministre des Finances. Ils doivent aussi trouver un capital de démarrage ainsi que des contrats de réassurance.

Toutes ces étapes vont demander du temps et pour cette raison, Richard Boivin ne croit pas que leur union réciproque verra le jour avant la fin de 2025 ou le début de 2026.

La clientèle visée 

L’ancien sous-ministre ne s’en cache pas, au départ, ils visent une clientèle qui a eu peu ou pas de réclamations dans les dernières années, qui a perdu peu de points démérites ou qui roule peu afin d’offrir la meilleure prime possible aux membres. En filtrant la clientèle, en ne visant pas le profit comme les compagnies d’assurance, en se passant de grands immeubles et d’une grande partie du personnel administratif des assureurs, ils sont certains de pouvoir proposer des tarifs moindres à leurs membres. 

L’objectif, dit-il, serait de ne pas augmenter les primes dans la mesure du possible. « La prime d’un membre qui ferait une réclamation ne changerait pas, insiste-t-il. Même après deux réclamations, elle n’augmenterait pas. Mais après trois ou quatre, son dossier serait regardé de près. » 

En cas d’accidents, ajoute-t-il, on appliquerait la charte déterminée par le Groupement des assureurs automobiles (GAA) et on ferait affaire avec des centres d’estimations agréés par le GAA. 

Richard Boivin dit avoir approché de grands assureurs pour les embarquer dans cette troisième voie, mais la réception a été tiède. Visiblement, ils ne croyaient pas que ce modèle d’affaires pourrait marcher. 

« Il y a une forme de résistance au changement dans l’industrie de l’assurance, constate-t-il. Ils ont de la difficulté à voir comment pourrait fonctionner quelque chose qu’ils n’ont pas imaginé. J’ai bien senti que ce n’était pas quelque chose qui était porteur selon eux. »

Réaction des assureurs 

Le co-fondateur d’Ecerteco (assurance en espéranto) ne s’attend pas à ce que les assureurs lui laissent partager le marché de l’assurance auto sans réagir. 

« Arriver au milieu de gros assureurs avec une petite entreprise qui se vante de pouvoir aller chercher de bons risques en écrémant le marché, c’est clair que je ne me ferai pas d’amis dans ce milieu », indique Richard Boivin.