Dans un jugement rendu à la fin novembre, la Cour d’appel du Québec a autorisé la demande d’appel de plusieurs fabricants automobiles, ciblés par une action collective autorisée par la Cour supérieure au cours de l’été. Ce faisant, le recours pouvant toucher des milliers d’automobilistes au pays est suspendu jusqu’à ce que la cause soit entendue.
Les branches canadiennes de Chrysler, Ford, Honda, Hyundai, Kia, Mazda, Nissan et Toyota ont convaincu le juge Michel Beaupré de suspendre la décision de son confrère de la Cour supérieure du Québec, Clément Samson. Celui-ci avait autorisé une action collective pour permettre aux propriétaires de véhicules commercialisés après le 2 mai 2021 de déposer une demande en dommages-intérêts. En raison d’une faille de sécurité concernant leur prise de connexion électronique et leur clé intelligente, ces véhicules étaient plus susceptibles d’être volés.
Porsche, Jaguar Land Rover, Mercedes-Benz, BMW et General Motors étaient toutefois exclus du recours puisque ces fabricants avaient installé des mesures de protection dans leurs véhicules.
L’individu représentant les demandeurs, André Lacroix, s’était fait dérober son Toyota Highlander en avril 2022. Le plaignant allègue que ce vol a été rendu possible grâce aux failles de sécurité de sa voiture, dont la facilité dont le signal des clés peut être capté et trafiqué à distance, des défauts dont ne l’aurait pas informé le fabriquant.
Erreurs relevées
Dans leur demande d’appel, les fabricants ont réclamé de la Cour que l’action collective ne concerne que les individus dont le véhicule a été volé par la méthode « attaque-relais ». Ils considèrent que d’ouvrir le recours à tous les propriétaires de véhicules commercialisés depuis le 2 mai 2021 et pouvant être potentiellement volés en raison de la faille est trop large.
Les appelants ont aussi fait valoir que le juge de première instance a « commis une erreur déterminante dans l’appréciation des faits » en acceptant un document traduit de l’allemand portant sur des tests réalisés sur des véhicules européens, dont plusieurs ne sont pas commercialisés au Québec.
De plus, les manufacturiers soutiennent que le juge Samson a commis une erreur en autorisant l’action collective contre eux pour un manquement à l’obligation d’informer, puisque le magistrat s’est appuyé uniquement sur l’absence d’avertissement dans le Manuel du propriétaire. Ils rappellent que ce document est remis après l’achat du véhicule et qu’en ce sens, ce manuel ne peut influencer la décision d’acheter, un élément pourtant essentiel à ce type de recours, et que la preuve déposée par le requérant ne permet pas de penser que des consommateurs auraient renoncé à acheter un véhicule en étant informés du risque.
Pour les appelants, il s’agit là d’une « erreur déterminante » du juge, tout comme le fait d’avoir autorisé l’action collective alors que M. Lacroix estime que l’attaque-relais est la cause « probable » du vol de son véhicule. Selon les manufacturiers, le juge Samson a donc erré en prenant pour vraies des « des présomptions graves, précises et concordantes ».
De leur côté, Volvo, Audi et Volkswagen ont pour leur part plaidé que le juge n’a pas considéré l’interrogatoire préalable de M. Lacroix, ce qui démontre qu’il n’a pas adéquatement apprécié la preuve avant de rendre sa décision.
Conditions réunies
Dans sa décision, le juge Michel Beaupré estime que les manufacturiers automobiles ont satisfait les critères nécessaires pour pouvoir en appeler.
Le magistrat s’est toutefois gardé de commenter le fond de l’affaire, laissant à ses collègues de la Cour d’appel qui entendront le tout de trancher.
Il a également fixé un échéancier serré pour la préparation des mémoires : les exposés des appelants, plafonnés à 20 pages, devront être livrés d’ici la fin janvier. La partie requérante devra rassembler ses arguments dans un seul document de tout au plus 30 pages d’ici le 10 avril.