Le déploiement de la future cartographie des zones inondables sur laquelle planche toujours le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) va débuter comme prévu en mars 2026. Cette nouvelle cartographie pourrait inclure plus de propriétés dans les périmètres inondables, et affecter leur assurabilité, leur financement et leur valeur foncière.
Il s’agit de la plus grande révision des cartographies des zones inondables de l'histoire du Québec. Les cartes de nouvelle génération de huit communautés particulièrement vulnérables aux inondations progressent, nous a indiqué le MELCCFP. Ce sont : les communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, les municipalités régionales de comté (MRC) de Bonaventure, de Maskinongé et de Vaudreuil-Soulanges, ainsi que les régions de Gatineau, de Sherbrooke et de la Beauce.
Le processus de déploiement à l’ensemble de la province exigera toutefois beaucoup de temps. Michaël Bourdeau-Brien, professeur agrégé au département de finance, assurance et immobilier de l’Université Laval, croit qu’à plus long terme, la population gagnera à avoir un meilleur portrait du risque d’inondation de son secteur.
« Ne pas connaître le risque mène à de mauvaises décisions. Une fois qu’on le connaît, on est en mesure de parvenir à trouver des stratégies pour mieux le gérer », commente-t-il.
Une période de transition de plusieurs années
Sur son site internet, le ministère se limite à dire qu’il y aura une période de transition qui s’échelonnera sur plusieurs années avant que des cartographies de nouvelle génération s’étendent sur la majorité des territoires au Québec.
Le professeur Bourdeau-Brien n’est pas préoccupé par ce délai de plusieurs années. Il y voit beaucoup plus l’expression d’un problème d’accessibilité sociale et de gestion du changement que de capacités à produire des cartes. Débuter par les régions problématiques lui apparaît comme une excellente stratégie pour les autres à venir.
« Si on commence par les grandes municipalités où le risque d’inondations est bien connu par les autorités et les citoyens eux-mêmes, je crois que ça peut faciliter l’acceptabilité sociale de ces nouvelles cartes, indique-t-il. Et une fois que ce sera bien intégré dans certains secteurs, ça deviendra plus facile pour d’autres milieux. »
L'acceptabilité sociale et les réactions
Est-ce que tous les propriétaires riverains mesurent bien la portée de ce qui s’en vient et des répercussions que la future cartographie pourrait entraîner ? « Non, absolument pas », répond M. Bourdeau-Brien en entrevue avec le Portail de l’assurance. Et pour cette raison, il s’attend à des soubresauts.
« Plusieurs propriétaires à risques d’inondations ne le savent pas présentement ; alors ce sera une surprise pour eux de se retrouver dans une carte qui identifie leur secteur comme sujet à être inondé », relève-t-il. « Si elle n’est pas bien planifiée, la publication des cartes et de l’information qui vient avec elles entraînera des risques de dérapage et de contestation sociale », poursuit l’expert.
Il prévoit que beaucoup de gens iront se plaindre auprès de leur conseil municipal de ne pas avoir été prévenus plus tôt qu'ils se trouvaient dans une zone inondable, et ce, même s’ils n’ont pas vécu personnellement d’inondation ces vingt ou trente dernières années ou depuis qu’ils sont installés sur leur terrain.
Ils craindront par exemple que leur propriété perde énormément de valeur, qu’elle ne soit plus vendable, qu’ils soient pris avec un actif et une dette associée à cet actif qui n’a plus de valeur, que les coûts de l’assurance explosent ou qu’elle ne soit plus assurable contre les inondations.
« Quand il n’y a pas tant d’informations et surtout de solutions concrètes qui sont proposées, des gens opposés à l’arrivée de ces nouvelles cartes vont tout faire pour que le gouvernement recule », estime le professeur.
Des certificats de résilience
Michaël Bourdeau-Brien soutient néanmoins que la cartographie de nouvelle génération représente un pas dans la bonne direction. Or, souligne-t-il, elle ne révélera pas tout.
« Ça demeure incomplet dans la mesure où des données n’indiquent pas qu’à des endroits, se trouve une résidence dont les propriétaires ont pris des actions et réalisé des investissements pour se protéger contre les inondations. On n’a donc aucune information sur la sensibilité au risque d’une maison particulière », fait-il remarquer.
Une résidence qui sera classée dans une zone inondable ne signifie pas qu’elle sera nécessairement à risque d’être inondée. Sa construction, son emplacement et les aménagements pour la protéger des crues pourraient la mettre à l’abri de dommages causés par l’eau. Mais comment le déterminer ? Des experts suggèrent une façon d’y parvenir : la création de certificats de résilience pour des maisons qui seront moins à risques à l’intérieur de ces zones.
Une telle formule est utilisée aux États-Unis, selon le professeur, mais n’existe pas au Québec actuellement. Il dit en avoir très peu entendu parler dans le discours public.
« On devrait aller dans cette direction, afin de réussir à mieux documenter les caractéristiques des propriétés considérées à risques pour les intégrer dans l’évaluation de leur propre risque », croit-il. « Ce ne serait plus le fait d’être dans une zone où l’eau pourrait monter qui serait pris en compte, explique-t-il. Ce seraient les mesures prises pour protéger les propriétés qui compteraient pour déterminer s’il y aurait ou non des conséquences en termes d’assurabilité. »
Mais qui émettrait ce sceau de qualité ; la ville, un ingénieur civil, un architecte, l’assureur lui-même ? Le professeur parle de zone d’ombre, mais il évoque une certification encouragée par le gouvernement qui pourrait être développée en partenariat avec le milieu de l’assurance et de la finance.
« C’est un outil qui pourrait être entre les mains des ménages qui sont prêts à faire des efforts pour se protéger eux-mêmes du risque, dit M. Bourdeau-Brien. [Ces efforts] pourraient être pris en compte et compensés au bout de la ligne avec une maison qui demeure assurable. »
 
                 
                    
                    
                 
                                     
                                     
                                     
                                     
                                    