Assurer un bateau de pêche et assurer un navire de charge présentent des défis différents. Pourtant, les risques présents en assurance maritime ont quelques similitudes d’une catégorie à l’autre.

Comment l’expliquer ? David Fortin, courtier en assurance des entreprises et au développement des affaires pour le secteur maritime à Aon, a présenté les raisons au Portail de l’assurance. L’assurance maritime est un monde en soi, dit ce diplômé de l’Institut maritime qui travaillait dans des bureaux de conception navale avant d’arriver en assurance, où il met maintenant à profit son expertise du domaine maritime.

Quand on pense à l’assurance maritime, on pense avant tout à ce qui est visible, dit M. Fortin, soit tout ce qui a trait au transport de marchandises. Il y a toutefois toute une chaine de services qui tourne autour du transport, dit-il, allant de l’ingénierie aux chantiers qui font l’entretien et la réparation de ces navires.

Vient ensuite l’industrie de la pêche, qui a une incidence notable sur le produit intérieur brut, fait remarquer M. Fortin. Ce segment touche tant la capture de poissons et de crustacés que la transformation de ces ressources, sans oublier leur mise en marché.

« Il faut ajouter à tout ça une panoplie de services spécialisés, compte tenu des enjeux environnementaux. Il y a un souci important dans le secteur, notamment pour l’entretien des coques. Il faut avoir des gens qui ont des connaissances à la fine pointe de la technologie. Ces gens travaillent avec des données en temps réel pour mener leurs opérations, notamment pour bien gérer leurs équipages, mais aussi pour diminuer leur consommation de carburant », dit-il.

Effets à la chaine

Même si les segments diffèrent beaucoup entre eux, un évènement peut avoir des répercussions sur l’ensemble du secteur. La pandémie de COVID-19 en est un exemple. Des évènements comme la grève au Port de Montréal ou encore l’explosion survenue au port de mer de Beyrouth, au Liban, peuvent entrainer des réactions à la chaine.

M. Fortin relate que l’incendie d’un navire en construction sur un chantier naval allemand en 2018 a eu un tel effet boule de neige. Cet évènement a engendré des augmentations de couts pour obtenir des protections d’assurance.

On ne peut pas généraliser, prévient M. Fortin, car les réalités de chaque segment demeurent différentes. Il prend en exemple la marine marchande au Canada. Ce segment a été frappé par le resserrement du marché. Néanmoins, on y trouve encore de la capacité pour souscrire des risques, au contraire d’autres régions dans le monde.

Quant à la pandémie, la complexité qu’a entrainée la mise en place des mesures d’hygiène a eu des répercussions, particulièrement pour la marine marchande, relate M. Fortin. Il donne comme exemple les navires à passagers, comme les bateaux de croisière, qui se sont vu refuser l’accès à de nombreux ports de mer au début de la pandémie.

« Des mesures s’en sont suivies, notamment au niveau des inspections – déplacer les inspecteurs était un grand défi. La fatigue de certains équipages a aussi été un problème. Ils n’ont pas eu de relève et ont été obligés d’excéder leur temps en mer », relate M. Fortin.

En ce qui concerne la pêche, il a fallu attendre longtemps avant d’avoir des consignes claires et de connaitre le début de la saison, dit M. Fortin. « Même là, une fois pêchée, est-ce que la ressource capturée pouvait être vendue ? Il y a eu un nuage là aussi. »

Comme la saison de pêche a commencé en retard, il y a eu des effets non seulement sur le prix des ressources pêchées, mais aussi sur l’exportation de produits, puisque la quasi-totalité de ce qui est pêché au Canada est destinée à l’exportation, les Canadiens mangeant peu de poissons et de crustacés.

L’effet s’est aussi fait sentir en assurance, les assureurs ayant diminué leurs capacités. Est-ce une tendance du marché dur ? C’est difficile à dire, dit M. Fortin.

« Les hausses de primes semblent parfois aléatoires, car des dossiers sont parfois stables, alors que pour d’autres, il est difficile de déterminer pourquoi il y a une augmentation. Les entrepreneurs s’en soucient. Les clients de ce secteur peuvent te laisser aller pour 20 $ d’augmentation », dit M. Fortin, rappelant aussi que l’on retrouve 13 000 bateaux immatriculés dans l’Est du Canada.

Quatre assureurs en moins

Dans son Rapport sur l’assurance de mi-année 2020 au Canada, Aon mentionne que quatre assureurs ont quitté le marché maritime en 2019. Un autre a réduit ses capacités, dit M. Fortin, mais des grossistes présentent des offres dans le segment des bateaux de pêche.

Il y a des occasions pour les assureurs, affirme néanmoins M. Fortin. Il invite ceux-ci à revoir leur analyse des risques du marché maritime.

« C’est une industrie qui est en constante évolution, même si elle est confrontée à d’importants défis opérationnels, particulièrement d’ordre environnemental, allant de la diminution des gaz à effet de serre à la réduction des déchets. Une alliance a toutefois vu le jour pour certifier les pratiques des armateurs de navires. Ils investissent des sommes considérables à cet égard, et ça a une incidence directe sur la réduction de leurs risques », relate-t-il.

Un exemple : la carpe asiatique. Les navires doivent filtrer leur eau pour s’assurer qu’ils ne transportent pas cette espèce envahissante avec eux. « L’eau de ballast est filtrée au point qu’on pourrait pratiquement la boire », dit-il.

Comme courtier, M. Fortin dit considérer que ces facteurs ne sont pas suffisamment pris en compte par les assureurs. « On doit leur donner du temps, reconnait-il, mais le secteur maritime présente de belles occasions pour les assureurs prêts à faire cette prise de conscience. Ce n’est pas une industrie qui ira en régressant. Le volume de cargo transporté en mer comparé à d’autres types de transport est celui qui se démarque le plus. »