Après les neuf premiers mois de l’année, le bilan trimestriel de la firme Aon rapporte que les 281 catastrophes naturelles recensées à travers le monde ont causé des dommages économiques de 295 milliards de dollars américains (G$), dont 88 G$ sont des pertes couvertes par l’assurance, et quelque 75 200 décès. 

Depuis l’année 2000, les pertes annuelles s’élèvent en moyenne à 317 G$. Quelque 47 événements survenus en 2023 ont dépassé la barre du milliard de dollars en dommages. C’est la cinquième année la plus importante à cet égard en dollars constants. 

Quelque 32 catastrophes dépassent le milliard de dollars en pertes assurées, comparativement à une moyenne de 12 pour la période correspondante depuis 2000. 

Le troisième trimestre de l’année a été marqué par deux catastrophes naturelles responsables de plusieurs milliers de décès en Méditerranée et au Proche-Orient : la tempête Daniel qui a frappé la Libye, la Grèce, la Bulgarie et la Turquie entre le 4 et le 12 septembre (4 361 décès, presque tous survenus en Syrie) et le tremblement de terre au Maroc du 8 septembre (2 946 décès). 

Après neuf mois, l’année 2023 est l’année la plus grave en nombre de décès depuis 2010, année aussi marquée par plusieurs séismes. Le tremblement de terre qui a frappé la Syrie et la Turquie en février dernier a causé 59 259 pertes humaines, en plus de dommages estimés à 91,7 G$, dont seulement 5,7 G$ sont couverts par les assureurs. 

Pertes assurées 

Les trois quarts des pertes assurées ont eu lieu sur le territoire des États-Unis. Le type de sinistre le plus important pour les assureurs demeure les orages convectifs majeurs (SCS, pour severe convective storm). Les tempêtes de type SCS représentent 70 % des dommages. Le terme « convectif » désigne les mouvements d'air verticaux en météorologie.

Sur les 10 sinistres les plus importants de 2023 en matière de pertes assurées, huit sont des SCS survenus aux États-Unis. Pour les dommages assurés, quelque 53 G$ découlent des orages convectifs.

Les feux de forêt qui ont ravagé l’île Maui dans l’archipel d’Hawaï en août dernier ont causé des dommages estimés à plus de 6 G$, dont 3 G$ sont des pertes assurées, en plus des 97 décès qui ont été rapportés. Aon souligne que ces feux sont les plus coûteux en pertes assurées de l’histoire des États-Unis parmi les feux ayant eu lieu ailleurs qu’en Californie. 

Le bilan trimestriel d’Aon rapporte aussi un certain nombre de records de température dans les différents pays qui ont marqué les neuf premiers mois de 2023. Le 16 juillet dernier en République populaire de Chine, le mercure a grimpé à 52,2 °C (126 °F) à Sanbo.

Le 11 août au Maroc, le record national a été fracassé par les 50,4 °C atteints à Agadir. Au troisième trimestre, des records nationaux de température ont aussi été enregistrés en Albanie et en Turquie. 

Dans les Amériques 

En Amérique du Nord hors des États-Unis, la catastrophe la plus meurtrière de 2023 a été la vague de chaleur qui a touché le Mexique entre le 15 juin et le 31 juillet, avec 249 décès. 

Au Canada, la catastrophe la plus coûteuse au troisième trimestre a été causée par les feux qui ont frappé près de Kelowna entre le 15 août et le 21 septembre. Aucun décès n’a été rapporté, mais les pertes sont estimées à 530 millions de dollars américains (M$).

La catastrophe la plus importante au troisième trimestre en Amérique du Sud a été les inondations qui ont frappé le Chili dans la deuxième moitié du mois d’août. On rapporte 3 décès et des pertes de 1,1 G$. D’autres inondations ayant frappé le Brésil et l’Argentine au début de septembre ont causé la mort de 49 personnes et des dommages estimés à 605 M$. 

Bilan du réassureur 

La société de réassurance Gallagher Re a aussi récemment publié un bilan des neuf premiers mois de 2023 en matière de catastrophes naturelles. Les estimations préliminaires sont assez similaires à celles d’Aon, avec des pertes économiques établies à 290 G$, dont 93 G$ en dommages assurés. 

En conséquence, la barre des 100 G$ en dommages assurés sera vraisemblablement dépassée en 2023, ajoutent les auteurs du rapport. Ce cap sera atteint pour une sixième fois dans les sept dernières années. 

On constate aussi que les orages de type SCS représentent les deux tiers des sinistres assurés. Seulement aux États-Unis, Gallagher Re souligne que ces événements ont causé des pertes assurées de plus de 54 G$. C’est la première fois que la barre des 50 G$ est dépassée pour ce type de sinistre.

Toujours aux États-Unis, ce pays rapporte environ 33 % de tous les dommages reliés aux catastrophes naturelles, ou 99 G$. Pour les sinistres couverts par l’assurance, les trois quarts des pertes ont eu lieu aux États-Unis (68 G$), selon le réassureur.

L’écart de couverture de 30 % est évidemment le plus petit de toutes les régions du monde. À l’échelle mondiale, cet écart est en moyenne de 68 %. 

Gallagher Re rapporte 29 sinistres ayant dépassé le milliard de dollars en pertes assurées en 2023, dont 28 sont reliées au climat.

Tout comme Aon, Gallagher Re constate que les périls secondaires, comme tous ceux reliés aux orages de type SCS, représentent désormais des risques majeurs pour les assureurs. Les ouragans et les séismes provoquent des sinistres plus graves et les modèles des assureurs arrivent à bien les estimer. La combinaison de la grêle, des tornades, des feux de forêt et des pannes d’électricité prolongées créent un cocktail complexe très difficile à intégrer dans des modèles actuariels. 

Depuis 2000, souligne le réassureur, les sinistres issus de ces périls secondaires ont connu chaque année une augmentation moyenne de 6,9 % plus élevée que l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Depuis une décennie, ces mêmes événements dits secondaires ont été responsables de 70 G$ par année en pertes assurées, comparativement à 42 G$ par an pour les périls primaires comme les ouragans et les séismes. 

Gallagher Re prévoit que le prochain cycle de renouvellement des traités de réassurance comportera des hausses moins élevées que ceux qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 2023. Les sinistres climatiques contribuent à la hausse des réclamations. En conséquence, les pressions inflationnistes sur les primes d’assurance resteront fortes et certains assureurs continueront de déserter les régions les plus exposées aux risques climatiques, ajoutent les auteurs. 

L’année 2023 sera vraisemblablement la plus chaude jamais enregistrée. Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), l’agence météorologique américaine, la probabilité de cette occurrence atteint 99,5 %. La température moyenne à l’échelle de la planète a atteint 1,5 °C de plus que celle de l’ère préindustrielle durant les mois de juillet à septembre. En conséquence, la limite de 1,5 °C du réchauffement climatique inscrite dans l’Accord de Paris sera probablement atteinte plus vite que prévu. 

Niveau de la mer 

Une section du bilan traite de la réduction du couvert de glace de l’Antarctique au pôle Sud et de l’Arctique au pôle Nord. La glace permet de réfléchir la lumière du soleil dans l’atmosphère, tandis que les océans emmagasinent cette lumière, ce qui contribue à réchauffer la température de l’eau.

La réduction des glaciers et la chaleur en hausse en zone polaire contribuent à accélérer le cycle. La hausse du niveau de la mer menace d’éroder davantage les zones côtières. 

Le rapport souligne aussi les pluies torrentielles qui ont frappé le sud de l’État de New York, le Connecticut et le Massachusetts le 29 septembre dernier. L’état d’urgence a été décrété par le maire de New York.

Plus de 225 mm de pluie sont tombés sur la ville ce jour-là. C’est devenu le plus important volume de pluie enregistré à l’aéroport John F. Kennedy depuis 1948, dépassant même le record établi par l’ouragan Irene en août 2011. Les infrastructures de transport ont été lourdement endommagées par les inondations. Les pertes devraient dépasser le milliard de dollars lorsque les comptes seront finalisés. 

Le réassureur mentionne que ce type d’inondations est empiré par l’état vieillissant des infrastructures. Dans bien des cas, les pertes économiques reliées à ces sinistres ne sont pas couvertes par les assureurs. Les régions urbanisées et densément peuplées pourraient être frappées de plus en plus souvent par ce type de tempête. 

Les pertes associées à la tempête Daniel qui a frappé l’Europe dépasseront les 10 G$. Les inondations survenues du 12 au 17 mai en Italie ont aussi causé des dommages de cette ampleur.

La saison de la mousson en Chine, commencée le 17 juin, a aussi causé des dommages de plus de 10 G$ et entraîné 302 décès. Le typhon Doksuri, qui a frappé les Philippines, la Chine et Taiwan du 24 au 31 juillet, a causé des dommages de plus de 20 G$ et causé la mort de 111 personnes.