Après avoir sollicité la Cour suprême du Canada pour une nouvelle audition de son affaire concernant l’interprétation du langage contractuel, la demande d’Intact Compagnie d’assurance a été rejetée, avec dépens, le 11 janvier 2024.
L’affaire, 2102908 Alberta Ltd. c. Intact Compagnie d’Assurance, examinait si le propriétaire d’une salle de quilles à Fort McMurray (Alberta) avait droit à une indemnisation pour des dommages matériels. Le 27 avril 2020, l’eau a débordé des rives de la rivière Clearwater et a inondé le bâtiment abritant l’établissement.
Dans ce litige, l’assuré soutenait que son contrat comprenait des avenants qui offraient clairement une couverture supplémentaire autonome pour l’afflux d’eau et qu’il n’y avait aucune exclusion à cette couverture supplémentaire dans la police. Quant à Intact, elle a argué que les dommages étaient le résultat d’une inondation, un risque spécifiquement exclu par le contrat principal.
« La détermination de cette question implique l’interprétation de la police d’assurance. Le droit relatif à l’interprétation des polices d’assurance est établi. Les polices doivent être lues dans leur intégralité, en donnant effet à un langage clair et sans ambiguïté. Une fois que l’assuré établit la couverture, il incombe à l’assureur de prouver qu’une des exclusions de la couverture s’applique », a écrit la juge S.E. Richardson de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, dans sa décision du 28 février 2022.
Plus précisément, l’affaire examinait deux parties pertinentes de la police, l’une excluant la couverture pour les dommages causés directement ou indirectement par une inondation, et un avenant qui stipule : « Cette forme est étendue pour couvrir la perte ou les dommages causés par l’infiltration, la fuite ou l’afflux d’eau provenant de sources naturelles… »
Dans sa décision, la juge Richardson a convenu que l’avenant éliminait sans ambiguïté l’exclusion. « Bien que, de manière courante, cet événement puisse être décrit comme une inondation, l’action spécifique ayant entraîné les dommages aux locaux, conformément à la déclaration de faits convenus, était l’afflux d’eau. »
La juge a ensuite cité des précédents indiquant que les clauses de couverture doivent être interprétées largement et les clauses d’exclusion de manière étroite.
Jugement maintenu en appel
Plus tard, à la Cour d’appel de l’Alberta, une décision partagée rendue le 3 février 2023, avec deux juges en accord et une dissidente, a conclu que la juge de première instance n’avait commis aucune erreur dans son interprétation de la police.
« En lisant la forme générale et l’avenant ensemble, nous concluons que la police offre une couverture pour l’afflux d’eau de crue provenant de sources naturelles dans les locaux commerciaux du répondant. Cette interprétation est conforme à la réalité commerciale et aux attentes raisonnables de l’assuré », déclare le mémorandum de jugement rendu par les juges Thomas W. Wakeling et Jolaine Antonio.
« En tout état de cause, même si les règles générales d’interprétation contractuelle n’avaient pas clarifié l’ambiguïté au paragraphe 61 de l’avenant, nous appliquerions le principe de Ledcor (Ledcor Construction Ltd c. Northbridge Indemnity Insurance Co, 2016) selon lequel les dispositions de couverture doivent être interprétées largement et les dispositions d’exclusion de manière étroite, comme l’a fait la juge de première instance, et parviendrions à la même conclusion », écrit la majorité de la Cour d’appel.
Une décision dissidente de la juge Jo’Anne Strekaf indique que la police, lue dans son ensemble, n’était pas ambiguë, avec l’extension de l’influx d’eau rétablissant une certaine couverture, mais pas en totalité. « Le jugement conclut que l’avenant de l’afflux d’eau est en conflit avec l’exclusion des inondations », écrit la juge Strekaf.
« À mon avis, il n’y a pas de conflit. Lorsque la police est lue dans son ensemble, elle reflète une intention d’exclure de la couverture les dommages causés par un afflux d’eau dû à une inondation, par opposition à un afflux d’eau provenant d’une autre source naturelle telle que de fortes pluies ou une montée des eaux souterraines », ajoute la juge dissidente.
La Cour suprême a décidé de ne pas réentendre l’affaire et a rejeté la demande d’appel d’Intact, avec dépens.