La Cour d’appel du Québec donne raison à l’assureur Promutuel Boréale qui refusait d’indemniser l’assuré suspecté d’avoir lui-même mis le feu dans la maison dont il venait d’hériter. 

Le jugement en appel, daté du 15 mars dernier, rejette la demande de l’appelant, Claude Vaillancourt. Ce dernier désirait faire infirmer le jugement rendu en décembre 2022 par la juge Isabelle Breton, du district judiciaire de l’Abitibi de la Cour supérieure

À Saint-Dominique-du-Rosaire, dans la nuit du 8 au 9 juin 2018, un incendie cause la perte de la résidence. Le demandeur venait tout juste d’en devenir propriétaire dans le cadre du règlement de la succession de sa mère. 

M. Vaillancourt réclame le paiement d’une indemnité pour le bâtiment et les biens, ainsi que des dommages-intérêts pour les inconvénients résultant du refus d’indemnisation. 

Refus de l’assureur 

En première instance, l’assureur plaide que l’incendie résulte d’un geste volontaire du demandeur, suivant une preuve par présomption. L’article 2464 du Code civil du Québec lui permet de refuser l’indemnité.

Par ailleurs, l’assureur allègue le défaut de collaboration de l’assuré. Enfin, l’assureur souligne que le demandeur a formulé des déclarations mensongères concernant la perte relative au contenu, ce qui lui fait perdre son droit à l’indemnisation pour ce volet de la réclamation. 

Au procès tenu en octobre 2022, les parties conviennent de la variabilité des montants couvrant le coût de reconstruction et le contenu. D’autres admissions sont faites durant l’audition de la preuve.

Le demandeur est le seul héritier du lot sur lequel est construite la résidence incendiée. Les deux frères et les deux sœurs héritent chacun d’un lot au terme du testament. L’incendie est d’origine suspecte. L’enquête policière a duré plus de quatre ans. Durant la nuit du sinistre, le demandeur a reçu un appel de sa nièce entre 3 h 17 et 3 h 25 pour lui signaler l’incendie. 

Dès le début du jugement, le tribunal de première instance précise qu’il doit évaluer si l’incendie résulte d’un geste volontaire du demandeur. Si tel n’est pas le cas, il lui faudra ensuite déterminer si le devoir de collaboration de l’assuré prévu à l’article 2471 du Code civil a été respecté.

Les faits 

Durant l’enquête, les interrogatoires préalables et le procès, les différents membres de la famille témoignent de l’état de la résidence durant la période pertinente. Sur les trois portes d’accès, seule la porte avant permet d’entrer dans la maison.

Le poêle à bois au sous-sol n’était plus utilisé depuis la mort du père du demandeur en 2010. Il y avait encore quelques cordes de bois au sous-sol, et très sec, dans la même pièce.

La mère est décédée en décembre 2017. Le demandeur et l’un des frères, qui habite à Québec, sont nommés comme légataires de la succession. La propriété est alors assurée par la police souscrite auprès de Promutuel Boréale.

Après la lecture du testament en janvier 2018, le demandeur change la serrure de la porte avant et conserve les deux seuls exemplaires de la clé. À partir de là, les déclarations contradictoires s’accumulent de la part du nouveau propriétaire, tant à propos de l’accès à la résidence que de ses observations à chacune des visites qu’il fera jusqu’au moment du sinistre. 

La rencontre chez le notaire pour le transfert de propriété des immeubles en faveur des héritiers a lieu le 8 juin 2018. La famille n’est pas très unie. Une dispute éclate avec le troisième fils. Le demandeur exprime à plusieurs reprises qu’il soupçonne son frère d’être l’auteur de l’incendie. 

L’autre frère légataire et l’une des sœurs affirment avoir fait une offre pour acquérir la maison, mais sans avoir pu s’entendre avec le demandeur. Ce dernier ne sait toujours pas ce qu’il fera de la résidence, mais quelques jours avant de passer chez le notaire, il affirmera vouloir la conserver comme résidence secondaire. 

L’occupation 

Le 30 mai 2019, l’agente de Promutuel confirme au demandeur que la maison ne peut être assurée si la maison est vacante. En contre-interrogatoire au procès, le demandeur affirme qu’il n’a jamais eu l’intention de louer la maison à son frère qui habite à Amos. Il dira pourtant le contraire à l’assureur.

Le frère confirme que la possibilité d’y emménager lui a été faite par le demandeur, mais il a décliné l’offre vu le loyer trop élevé qu’il exigeait. Le demandeur avance ensuite la possibilité que son propre fils habite la résidence. Finalement, il fait effectuer des modifications à la police afin qu’elle soit transférée à son nom en disant qu’il ne souhaite plus louer la maison. 

Le jugement de première instance consacre un long résumé sur les contradictions dans les témoignages des membres de la famille concernant la rencontre chez le notaire et les activités du demandeur dans les heures qui suivent, incluant les échanges avec les représentants de l’assureur pour les changements au contrat.

La crédibilité des déclarations de la conjointe à l’expert en sinistre est remise en cause, car elle aussi change sa version des événements pour vraisemblablement fournir un alibi au demandeur. Les problèmes conjugaux du demandeur sont aussi invoqués au procès.

Le couple habite à Val-d’Or, ce qui représente un trajet d’environ 1 h 20 jusqu’à Saint-Dominique-du-Rosaire, et les explications du demandeur concernant ses activités durant la nuit du sinistre changent au fur et à mesure de l’enquête. 

Analyse 

M. Vaillancourt tente d’orienter l’assureur, les policiers et le tribunal vers le frère comme possible auteur de l’incendie, mais la preuve ne permet absolument pas d’aller en ce sens, estime le tribunal. 

La preuve prépondérante doit être établie par l’assureur qui nie la couverture au motif principal que l’incendie est le fait volontaire de son assuré. La preuve démontre que cet incendie a été causé par une main humaine et de façon volontaire. 

La porte du sous-sol qui donne accès au caveau à bois est ouverte, alors qu’elle ne peut être ouverte que de l’intérieur. Le feu est visible dans le plancher du sous-sol. La seule explication probable est l’incendie volontaire. 

Il n’y a pas de trace d’effraction, le demandeur est le seul à détenir les clés pour y entrer. Les gestes du demandeur dans les jours qui précèdent, de même que les déclarations contradictoires, soulèvent un doute sur sa crédibilité.

Le tribunal ne croit pas son témoignage. La preuve prépondérante démontre, « par une induction puissante, que l’incendie de la résidence était volontaire et que le demandeur en est l’auteur. Cette conclusion dépasse largement le seuil de l’hypothèse », conclut la juge Breton, qui rejette le recours intenté par le demandeur, vu la preuve de l’acte intentionnel. 

En appel 

En Cour d’appel, les trois juges rejettent le moyen avancé par le demandeur concernant le témoignage de l’expert en sinistre de l’assureur. Ce dernier a émis son opinion sur la cause de l’incendie et sur le temps requis pour incendier la résidence.

Selon l’appelant, la juge de première instance n’aurait pas dû permettre ce témoignage sans qu’une évaluation de sa qualification et de son impartialité soit effectuée. Cette erreur entache l’équité du procès.

À cet égard, la Cour d’appel rappelle que la déclaration soulignée dans le mémoire d’appel a été faite dans le cadre du contre-interrogatoire de l’expert, qui était assigné par la défenderesse. Le demandeur a « activement contribué, par l’intermédiaire de son avocat, à introduire cette preuve au dossier ». 

Le demandeur alléguait également que la juge du procès avait commis une erreur manifeste et déterminante en analysant les versions contradictoires de l’assuré. Ce moyen est aussi rejeté. 

La Cour d’appel souligne que l’appelant a omis de produire l’entièreté de la preuve administrée en première instance, notamment trois déclarations du demandeur lors des interrogatoires préalables, de même que celle de sa conjointe. Il s’agit là d’un « obstacle insurmontable » qui empêche toute intervention de la Cour. 

Elle ajoute qu’au vu de la preuve soumise, « la juge n’a pas erré » dans son analyse. « L’absence de crédibilité de l’appelant en regard de son emploi du temps durant la nuit où l’incendie s’est déclaré, permettait à la juge de première instance d’en tirer des déductions défavorables ».