Pour une deuxième année consécutive au Canada, les dommages assurés causés par les catastrophes naturelles ont dépassé la barre des 3 milliards de dollars (GS) en 2023, selon l’estimation du Bureau d’assurance du Canada (BAC).

Le bilan a été publié le 8 janvier 2024. Le BAC soulignait par la même occasion que plus de 1,5 million de résidences à haut risque d’inondation sont de plus en plus difficiles à assurer à un coût que leurs propriétaires peuvent absorber. 

Selon l’estimation faite par Catastrophes Indices and Quantification (CatIQ), les dommages assurés ont atteint 3,13 G$ en 2023. L’année dernière se classe désormais au 4e rang de l’histoire canadienne en matière de dommages assurés, en dollars de 2022.

« Cette sombre statistique met en lumière les coûts financiers importants des changements climatiques qui sont imposés aux assureurs, aux gouvernements et aux contribuables », indique le Bureau. 

Même si l’année 2023 a été marquée par les feux de forêt, avec des superficies brûlées dépassant les 18,5 millions d’hectares (ou 185 000 km2), la majeure partie des sinistres sont reliés aux inondations.

Les inondations 

Le BAC profite d’ailleurs de la publication de son bilan pour rappeler que l’industrie attend toujours un geste concret de la part du gouvernement fédéral pour mettre en place le programme national d’assurance contre les inondations, promis dans le budget 2023.

Selon Craig Stewart, vice-président aux changements climatiques et aux politiques nationales du Bureau, il est impératif de donner les détails du programme dès cet hiver si l’on veut que le programme soit implanté avant les prochaines élections fédérales, qui auront lieu au plus tard en octobre 2025. 

M. Stewart rappelle que le programme a été l’objet d’analyses et d’études depuis plus de sept ans. Il estime qu’il est temps de passer à l’action si l’on veut mitiger les risques d’inondations qui menacent plus de 1,5 million de propriétaires canadiens. 

Depuis une décennie, le BAC rapporte quelque 35 inondations à travers le pays, chacune ayant causé des dommages assurés de plus de 30 M$. Ces sinistres représentent une moyenne annuelle de 800 M$ en réclamations associées aux inondations.

Le caractère exceptionnel des feux de 2023 ne modifie pas l’abordabilité de l’assurance contre les incendies de forêt, mais en raison des coûts plus élevés et de la révision de l’analyse du risque, le Canada est désormais considéré comme un endroit moins sécuritaire pour les assureurs. 

Les années les plus coûteuses ont été en 2016 (5,96 G$), en 2013 (3,87 G$) et en 2022 (3,4 G$). L’année 1998 avec les dommages causés par le verglas arrive désormais en 5e place, à 2,83 G$.

Outre cet épisode glacé, dans le classement des 10 années les plus coûteuses, les autres ont eu lieu entre 2011 et 2021. Cinq des six dernières années se trouvent dans cette liste, la seule exception ayant été 2 019. 

Les sinistres 

Le bilan du BAC rapporte au moins neuf catastrophes naturelles dont les coûts en dommages assurés ont dépassé la barre des 100 M$. L’événement climatique le plus coûteux a été les feux en Colombie-Britannique qui ont eu lieu entre le 15 août et le 25 septembre, avec une estimation de 720 M$. Contrairement au Québec, les flammes ont touché des milieux habités dans cette province, notamment dans la vallée de l’Okanagan. 

Plusieurs épisodes d’orages convectifs majeurs (SCS, pour « severe convective storms ») en Ontario, survenus en juillet et en août, ont causé des dommages estimés à 340 M$. Le terme convectif désigne les mouvements d’air verticaux en météorologie. 

La tempête de verglas qui a couvert le sud du Québec et l’Ontario au début du printemps a entraîné des dommages assurés de plus de 330 M$. Sur ce bilan combiné, les dommages au Québec du verglas d’avril 2023 sont estimés à 213 M$

La tempête de grêle qui a frappé la région de Winnipeg (Manitoba) le 24 août dernier a causé des dommages assurés estimés à 140 M$. 

Ailleurs dans le monde 

Les dommages assurés causés par les catastrophes naturelles ont dépassé la barre des 100 milliards de dollars américains (G$ US) en 2023, selon ce que rapportait Swiss Re le 7 décembre 2023. 

De son côté, Munich Re a publié son bilan le 9 janvier dernier en soulignant que l’année 2023 a été l’année la plus chaude enregistrée et a été marquée par une multitude de records de chaleur ayant été battus dans plusieurs régions. 

La proportion des pertes qui découlent d’événements météorologiques a atteint 76 % en 2023, selon le réassureur. Son estimation des dommages assurés est légèrement inférieure à celle de Swiss Re, à 95 G$ US en dommages assurés sur des pertes de plus de 250 G$ US. Les pertes assurées s’étaient chiffrées à 125 G$ US en 2022.

Selon Munich Re, la différence s’explique par l’absence de grands dommages causés par un événement majeur, comme cela avait le cas lors du passage de l’ouragan Ian en Floride en 2022, lequel a représenté à lui seul plus de 60 G$ US en dommages assurés. 

Les orages de type SCS en Amérique du Nord et en Europe ont causé des dommages inégalés, avec des pertes de plus de 76 G$ US, dont 58 G$ US étaient assurées. Pour l’Amérique du Nord, les pertes ont dépassé les 66 G$ US, dont 50 G$ US en dommages assurés. 

Le terrible séisme qui a frappé la Syrie et la Turquie a été le sinistre le plus meurtrier en 2023, avec environ 58 000 décès. Les pertes économiques de ce tremblement de terre se chiffrent à plus de 50 G$ US, dont seulement 5,5 G$ sont assurées.

Au total, ce sont 63 000 décès qui ont été associés à des séismes, ce qui représente 85 % de toutes les pertes de vie associées aux catastrophes naturelles survenues en 2023. Quelque 3 000 décès découlent du tremblement de terre qui a touché le Maroc en septembre dernier. Environ 1 500 personnes ont péri dans un autre séisme ayant frappé l’Afghanistan le 28 juillet. 

« Le réchauffement de la terre, qui s’accélère depuis quelques années, intensifie les conditions météorologiques extrêmes dans de nombreuses régions, entraînant une augmentation des potentiels de pertes. Plus d’eau s’évapore à des températures plus élevées, et l’humidité supplémentaire dans l’atmosphère fournit davantage d’énergie pour les tempêtes sévères. La société et l’industrie doivent s’adapter aux risques changeants — sinon, les charges de pertes augmenteront inévitablement. Analyser les risques et leurs évolutions est une part intégrante de l’ADN de Munich Re. C’est ce qui nous permet d’offrir constamment des couvertures d’assurance contre les catastrophes naturelles — et même de les étendre. Cela nous permet d’amortir une partie des pertes et d’atténuer une partie des difficultés causées », explique Ernst Rauch, chef scientifique du climat. 

Le fossé demeure 

Le manque de couverture d’assurance en Asie a été encore une fois souligné en 2023 par le passage du typhon Doksuri. Celui-ci a frappé la province du Fujian en Chine en juillet. Sur les pertes économiques de plus de 25 G$ US causées par la tempête, seulement 2 G$ US étaient des dommages assurés. Dans certaines régions, les précipitations ont atteint les 600 mm, un record absolu dans ce pays. 

Pour l’ensemble de la région Asie-Pacifique, les pertes économiques sont estimées à 64 G$ en 2023, dont seulement 8 G$ sont des dommages couverts par les assureurs. La moitié de cette somme découle de deux sinistres majeurs survenus en Nouvelle-Zélande en février. 

L’écart de couverture qui favorise nettement l’Amérique du Nord se constate aussi dans les pertes économiques, estimées à 100 G$ US en 2023, dont 67 G$ US étaient assurées. Quelque 40 % des pertes économiques mondiales en 2023 ont eu lieu en Amérique du Nord, une proportion plus basse qu’à l’habitude, la moyenne annuelle étant de 57 % les cinq années précédentes.

En Europe, Munich Re souligne les nombreux épisodes de grêle qui ont frappé notamment le nord de l’Italie et d’autres régions en juillet et en août. À certains endroits, la taille des grêlons atteignait 19 cm de diamètre. La recherche montre que les changements climatiques créent des conditions propres au développement de nombreux épisodes similaires, indique-t-on dans le bilan. 

Le réassureur mentionne aussi les inondations qui ont touché le nord de l’Allemagne en fin d’année et dont les pertes étaient encore inconnues au moment de préparer son bilan. 

L’incendie qui a ravagé Lahaina, sur l’île de Maui à Hawaï en août dernier, a causé des pertes économiques estimées à 5,5 G$ US, dont 3,5 G$ US étaient des dommages assurés. De l’avis du réassureur, cet événement prouve, comme cela avait été le cas au Colorado en décembre 2021, que de forts vents associés à une grande sécheresse peuvent créer des conditions où la végétation s’embrase très rapidement et causer des dommages considérables. 

Munich Re constate aussi les dégâts découlant du passage de l’ouragan Otis dans la région d’Acapulco, où une tempête tropicale mineure s’est transformée en ouragan majeur en moins de 24 heures. Ce sinistre a causé des pertes de 12 G$ US, dont 4 G$ US en dommages assurés, et il a d’ailleurs le troisième événement le plus important de l’année en matière de pertes économiques. 

À propos de l’ampleur des feux qui ont frappé le Canada l’année dernière, Munich Re souligne que contrairement à ce qu’il s’était passé en 2016 dans la région de Fort McMurray (Alberta), les incendies de 2023 n’ont pas frappé de régions densément peuplées ou industrialisées.