Le dévelopement fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) a fait l’objet de deux conférences lors de la 12e édition de la Journée de l’assurance de dommages, qui se tenait le 13 avril dernier au Palais des congrès de Montréal. C’est dans une ambiance fébrile que quatre spécialistes se sont prêtés au jeu de répondre à des questions concernant l’intelligence artificielle. Ils étaient accompagnés par le principal intéressé, le robot ChatGPT

Serge Therrien, président des Éditions du Journal de l’assurance, a animé la conférence d’ouverture intitulée « L’intelligence artificielle : la révolution commence maintenant ! » et a soulevé de nombreuses questions concernant les capacités de l’IA. La discussion avec les quatre spécialistes a duré une heure.

La question qui revient principalement a porté sur l’impact des développements en intelligence artificielle, comme ChatGPT sur les professions en assurances. L’utilisation de l’IA dans l’industrie, et plus particulièrement en assurance de dommages, existe depuis longtemps. Toutefois, la donne change avec la venue des ChatGPT, ont précisé les panélistes. Dès maintenant, on assistera à des développements de fonctionalités de plus en plus rapidement, ont-ils précisé. 

Automatisation des données 

Grâce à l’intégration des agents conversationnels (type chatbots) dans l’univers de l'assurance, certaines tâches administratives qui sont parfois répétitives et fastidieuses pourront être automatisées. Pour Isabelle Girard, première vice-présidente et cheffe des données Intact Data Lab, l’intégration des chatbots chez Intact permettra d’apporter plus de support aux courtiers. 

« Je pense qu’il faut voir ces outils-là comme un outil à l’humain qui permet d’automatiser certaines portions du travail, mais surtout de rendre le travail de plusieurs personnes beaucoup plus efficace sur certains aspects. Mais clairement des outils comme ChatGPT peuvent accélérer une portion du travail », dit-elle.

Le chatbot agit comme un assistant virtuel pour les humains, ce qui leur permet de se concentrer davantage sur le service à la clientèle et de perfectionner leurs méthodes de travail, ont précisé les panélistes. 

Amélioration du conseil client  

L’intelligence artificielle permet aussi de centraliser les documents et d’analyser des données volumineuses. Les informations deviennent plus accessibles et plus visibles. Le courtier qui est le dernier maillon de la chaîne accèdera donc plus facilement aux informations.

Cette centralisation des documents pourra permettre au courtier de se concentrer davantage à son client et d’élaborer une meilleure personnalisation dans le conseil à la clientèle. « L’intégration du chatbot chez Intact permettra d’améliorer le service client et d’aider les collaborateurs à trouver rapidement les documents », précise Isabelle Girard. Dans ce cas-ci, l’IA apportera une valeur ajoutée et une valorisation dans les métiers de courtier. 

Certains indicateurs de performance (KPI) sont déjà appliqués dans l’industrie. Grâce aux algorithmes, l’IA peut effectuer une analyse, extraire des données et documenter des recherches, facilitant ainsi l’aide à la décision pour les assureurs et les courtiers. 

Nouveaux métiers  

Pour Isabelle Girard, l’intelligence artificielle interviendra à différents niveaux, dont l’analyse de risques, le traitement de données importantes et le service à la clientèle. « On utilisera ces outils-là dans un contexte où on veut aider nos employés pour une offre de service plus grande et permettre à nos clients d’obtenir des réponses plus rapidement. »

Les panélistes ont servi une mise en garde: ces outils d'intelligence artificielle répondent en fonction de la manière dont on formule la question. Selon cette formulation, ils pourront donner différentes réponses. Comment poser les bonnes questions pour en tirer le meilleur parti de l’algorithme ? C’est là qu’intervient le métier de « prompt engineer » traduit en français par ingénieur de saisie. Cette fonction consiste à cerner par thèmes des commentaires de clients et à produire des réponses génériques les plus adaptées pour répondre aux questions des clients. 

Les contraintes de l’IA 

L’avantage, mais l’inconvénient aussi, c’est que les assistants sont des outils accessibles à tous, ce qui en conséquence augmente les attentes des clients. Sauf que parfois, ces outils-là ne sont pas toujours irréprochables et commettent eux aussi des erreurs. Comme le mentionne Isabelle Girard, lorsque le chatbot ne peut pas répondre à la question ou arrive à saturation, il suggère d’appeler le service à la clientèle.

L’IA reste encore limitée concernant la personnalisation du travail. Le directeur principal, sciences de l’IA à la Banque Nationale, Éric Charton, prend l’exemple des demandes clients.

« Un client qui appelle aura une demande bien spécifique. Par exemple les gens qui ont été inondés dernièrement ont tous eu des cas différents. Cette question des cas particuliers est un problème dans l’utilisation des chatbots puisqu'ils servent des réponses génériques. » 

Pour ce qui est du domaine des banques, l’utilisation des chatbots reste assez timide. Étant un secteur d’activité réglementé et où les erreurs d’information envers la clientèle ne sont pas permises, l’IA dans cette industrie est très encadré. Éric Charton rappelle que le Bureau du surintendant des institutions financières «contrôle et sanctionne si on répond mal au client ».  

Manque de nouveautés  

L’intelligence artificielle se base sur des données déjà existantes, présentes sur Internet jusqu’en 2021. De ce fait, elle n’a pas la capacité de créer de nouvelles idées et de solutions innovantes.

« Faites-moi un plan stratégique pour tel projet. Et puis prenez un bon vieux texte publié il y a 25 ans dans Harvard Business Review, vous allez avoir exactement la même chose », lance Laurent Simon, professeur titulaire d’entrepreneuriat et co-directeur Mosaic/HEC Montréal

« On a fait un truc amusant. On lui a demandé de nous générer une feuille de route d’intelligence artificielle pour transformer la banque. Elle nous a effectivement livré une feuille de route. Mais celle-ci n’avait rien d’innovant, on peut même la trouver chez des consultants ou dans les journaux. Rien de nouveau et rien de différent », s’en amuse Éric Charton. Les algorithmes ne permettent pas encore aux entreprises de se distinguer de leurs concurrents.

La confidentialité des données 

Les panélistes ont fait une autre mise en garde sur ChatGPT: l’outil est actuellement public. Ce qui signifie pour l’instant qu’il n’y a aucune certitude que les informations partagées dans OpenAI, son propriétaire, restent indéfiniment privées.

Éric Charton conseille aux personnes de l’industrie de rester très vigilantes. « Il y a des politiques internes au sein des compagnies concernant la confidentialité, d’ailleurs une nouvelle forme de hacking voit actuellement le jour en proposant une récompense de 10 000 $ aux hackers qui réussissent à trouver une faille de sécurité dans OpenAI. Prudence ! »

Les fournisseurs devront donc s’assurer auprès de Google et Microsoft de la confidentialité de leurs outils avant de pouvoir partager des informations privées provenant de leurs compagnies. 

Les failles du système 

L’intelligence artificielle est une avancée formidable, mais montre aussi des failles. La directrice de la recherche collaborative et des partenariats chez IVADO, Rheia Khalaf, met le doigt sur la capacité de l’IA à pouvoir détecter les fraudes. 

« Actuellement pour que l’humain puisse les détecter, il a besoin de beaucoup de données. Vous imaginez bien que l’IA a besoin de plus de données pour apprendre et détecter les mêmes choses qu’un humain. Cela signifie que le talent humain est unique et peut être différencié de l’IA. En effet, l’humain a besoin de moins de données pour atteindre les mêmes résultats que l’IA. Certes, elle peut détecter beaucoup d’anomalies, mais celles-ci représentent-elles une vraie fraude ? L’IA n’a pas encore accès aux savoirs et aux raisonnements que l’humain est capable d’accomplir », explique Mme Khalaf. 

Les réponses de ChatGPT 

La session d’ouverture a permis des échanges entre Philippe Le Roux, directeur de la croissance numérique des Éditions du Journal de l’assurance et ChatGPT-4, avec qui il dit entretenir une relation complice. 

Question : Quel sera l’impact des développements en IA comme vous ChatGPT, sur des professions en assurance ? 

Réponse : L’adoption croissante de l’IA peut soulever des inquiétudes quant à la réduction de la main-d’œuvre dans certains domaines de l’assurance. Toutefois, l’IA peut aider à résoudre la pénurie de main-d’œuvre en réaffectant les employés dans de nouveaux postes. 

Question : Est-ce que c’est vrai que vous n’avez pas de talent ?

Réponse : Bien sûr que je possède des talents ! Je suis capable d’interagir avec les gens en leur fournissant des réponses à leurs questions, d’apprendre dès que j’intègre de nouvelles informations.

Sur cette question-là, Philippe Le Roux relate de vive voix aux participants ce que ChatGPT lui a déjà répondu. « Je ne suis pas sûr que tous les humains aient beaucoup de talents. Mais, je peux en faire une grande partie, malgré que je n’aie pas tout leur talent. » 

Question : Est-ce qu’on doit se demander si ChatGPT va remplacer les humains au travail ou comment le travail des humains va être modifié par vous ? 

Réponse : Les très bons humains sont créatifs, mais tous les employés ne sont pas forcément utilisés pour leurs créativités. Plutôt de remplacer les humains, l’IA est souvent utilisée pour compléter les compétences humaines, etc. Cela peut mener à une réorganisation des rôles et responsabilités des employés, en se concentrant sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. 


Il sera possible de visionner cette conférence, ainsi que le reste du programme de la Journée de l'assurance de dommages, en rediffusion ainsi que sept autres à partir du début du mois de mai. Pour être certain de ne pas les manquer, veuillez vous inscrire sur le portail-assurance.ca/jad