Les assureurs vivent des transformations jamais vues auparavant, alors que la révolution numérique et les attentes en matière d’expérience client fixées par des entreprises comme Amazon les obligent à se réinventer.
Des dirigeants de plusieurs compagnies d’assurance se sont réunis pour discuter de l’avenir de l’assurance au Canada lors d’une conférence virtuelle organisée par Reuters Events. Ils affirment que la plupart des assureurs se rendent compte du besoin d’investir massivement dans la technologie. Ils ajoutent que certains sont en bonne voie, tandis que d’autres ont encore du chemin à parcourir.
« Le plus grand défi est que la transformation numérique n’est pas une question de distribution. Il ne s’agit pas uniquement d’engagement client. La transformation numérique consiste à transformer l’ensemble de l’entreprise, a affirmé Rob Wesseling, PDG de Co-operators. Nous ne sommes pas habitués à de tels changements. Au cours des deux dernières décennies, il n’y a pas eu de transformation de cette taille et de cette échelle. C’est le plus grand défi pour notre organisation, mais aussi pour beaucoup d’autres »
Percées en intelligence artificielle
Louis Gagnon, président des opérations canadiennes d’Intact Corporation financière, affirme que les assureurs doivent aligner le développement de toutes leurs plateformes avec le développement de la connectivité des courtiers et des clients, mais aussi le développement d’initiatives d’intelligence artificielle. Tout cela en même temps, spécifie-t-il.
« Le client s’attend au même type d’expérience qu’avec tous les autres outils qu’il utilise. Ils ne s’attendent pas à quelque chose de différent ou de pire. Ils veulent quelque chose de comparable au meilleur. C’est un grand défi. »
La façon dont les assureurs communiquent avec leurs clients, en particulier, est un domaine qui est mûr pour le changement, dit M. Gagnon. « Tout ce qui est lié au climat va créer une réelle incitation à donner plus d’information pour mieux préparer les gens, le gouvernement, les différents intervenants, à être mieux conscients et préparés à ce que Dame Nature nous apporte. »
Rendre l’assurance plus compréhensible
Christian Bieck, leadeur de la recherche en assurance au IBM Institute for Business Value, affirme que le manque de compréhension de la part du consommateur fait partie d’une tendance plus large de l’industrie à se fier à l’asymétrie des informations lors du développement de la couverture d’assurance. « En facilitant la compréhension de ce qui se trouve réellement ou non dans la couverture d’une police d’assurance, les assureurs pourraient résoudre de nombreux problèmes sur le champ. Il existe des solutions et des manufacturiers d’assurance qui le font à travers le monde, mais trop peu empruntent cette voie. C’est l’une des choses qui va changer. »
Qu’en est-il de la réputation de l’industrie, Rob Wesseling convient qu’un changement est nécessaire dans la manière dont l’industrie explique et discute des risques. Plutôt que de créer des messages axés sur les marchés difficiles et sur les raisons pour lesquelles les taux doivent augmenter ou sur la façon dont les critères de souscription changent, il dit que les assureurs devraient plutôt communiquer d’une manière qui aide les clients à mieux gérer les risques auxquels ils sont confrontés.
« Nous n’avons pas fait cela aussi bien que nous aurions pu, dit le PDG de Co-operators. Être plus transparent à cet égard pourrait avoir un impact significatif. Cela pourrait aussi avoir un impact significatif du point de vue de la réputation. Ça devient une exigence si nous voulons jouer le rôle que nous devons jouer à l’avenir. »
Conformité croissante
Rowan Saunders, PDG d’Assurances Economical, dit s’attendre à une augmentation des interventions réglementaires dans les années à venir. « Nos régulateurs réalisent qu’il y a un besoin d’innovation. Nous devons être plus réactifs aux tendances. Nous devons pouvoir être plus flexibles sur des produits, comme la télématique. Nous devons être plus flexibles avec nos prix et le rythme auquel nous modifions nos modèles de tarification. »
Des réformes automobiles sont aussi nécessaires, dit M. Saunders. Particulièrement en assurance automobile, précise-t-il. « Nous aurons besoin de réformes dans de nombreuses provinces pour rendre l’assurance automobile plus abordable », a-t-il mentionné.
Le PDG d’Economical ajoute que l’industrie voit des capitaux étrangers se retirer du Canada dans des segments particulièrement sous pression en assurance des entreprises. Les réassureurs commencent à avoir des normes plus strictes et des capacités plus limitées.
« Ils peuvent déplacer leurs ressources ailleurs dans le monde là où ils sont correctement récompensés. Ce sera plus serré pour nous dans un an ou deux », dit M. Saunders, qui croit aussi que les assureurs se tourneront vers l’analytique avancée et l’intelligence artificielle pour prendre leurs décisions.
Réduction des primes
Sasha Sanyal, leadeure de la pratique d’assurance du think tank Genpact, dit qu’un nombre important de dirigeants en assurance s’attendent à ce que l’analytique avancée alimente la croissance des revenus, en plus d’améliorer la souscription, la tarification, la sélection des risques et les réclamations. À court terme, les assureurs viseront à développer des produits avec une couverture et des options de paiement plus flexibles, une hyperpersonnalisation et fournir plus de produits simplifiés, dit-elle.
« Dans certains segments, les primes diminuent. Les couts opérationnels augmentent en raison de la nécessité de gérer les crises et de la volatilité accrue des marchés financiers. De plus, la cybercriminalité est en forte augmentation, ce qui signifie qu’il faut dépenser beaucoup plus en sécurité de l’information. Cela nécessite une attention particulière sur les frais d’exploitation et la résilience de l’entreprise », dit Mme Sanyal.
Connectivité et consolidation : deux tendances lourdes
Qu’en est-il de la relation des assureurs avec les courtiers ? Deux assureurs ont répondu à cette question.
« Les courtiers vivent un changement très intéressant, dit Rowan Saunders, d’Economical. Nous assistons à une tendance à la consolidation du marché, qui fera que les courtiers seront plus gros en taille. Les courtiers seront plus spécialisés qu’aujourd’hui, en particulier en assurance des entreprises. Les offres numériques des courtiers seront beaucoup plus importantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ils seront plus intégrés aux compagnies d’assurance. »
Louis Gagnon, d’Intact, croit que fournir aux courtiers les outils numériques dont ils ont besoin pour gérer ce nouveau paradigme est la prochaine étape du développement numérique des assureurs. Cela pose toutefois un défi, dit, car les courtiers ne sont pas tous au même stade dans leur développement numérique.
« La connectivité n’est pas toujours facile pour eux. S’assurer qu’ils disposent des meilleurs outils et que nous pouvons nous connecter à eux, et pour eux de se connecter à leurs clients, sera un grand pas en avant », dit M. Gagnon.