Les réclamations découlant des grèves, des émeutes et des troubles civils sont en forte hausse et ont même atteint un sommet record, constate Swiss Re dans un blogue récent.
Ce type de sinistre, connu sous l’acronyme anglais SRCC, pour « strikes, riots and civil commotion », est devenu une préoccupation pour les assureurs et les réassureurs, souligne Mohit Pande, de Swiss Re.
Ce dernier est chef de la souscription en assurance des biens du réassureur. Dans un texte publié le 12 mars dernier, M. Pande rapporte que les réclamations pour les SRCC ont grimpé de 3 239 % entre 2000 et 2020.
Il constate que dans le passé, il est très rarement arrivé qu’un sinistre de ce type ait causé des dommages de plus d’un milliard de dollars. L’exemple qu’il donne est celui des émeutes de 1992 à Los Angeles qui ont suivi l’acquittement des policiers responsables du passage à tabac de Rodney King.
Plus récemment, les émeutes en France en 2023, les manifestations associées au mouvement Black Lives Matter en 2020 aux États-Unis et les manifestations qui ont perturbé le Chili de 2019 à 2021 ont atteint ce plateau du milliard de dollars de dommages.
Selon l’indice de Carnergie Endowment for International Peace, plus de 132 pays ont été secoués par des manifestations depuis 2017. Dans 23 % des cas, les manifestations ont duré plus de trois mois.
« Face à la fréquence croissante des événements, les mouvements populistes et anti-establishment ont déclenché une polarisation croissante des populations et une plus grande volonté de protester », indique M. Pande.
Parallèlement, la situation économique difficile vécue dans plusieurs pays, avec la hausse des coûts en alimentation, en énergie et en logement, force les gouvernements à prendre des décisions impopulaires, comme hausser les revenus fiscaux.
Si l’on additionne l’impact des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement découlant de nombreux conflits, notamment en Ukraine et au Proche-Orient, les pressions inflationnistes seront maintenues.
Mobilisation et réseaux sociaux
Mohit Pande souligne l’effet de mobilisation accrue permis par l’utilisation grandissante des réseaux sociaux comme source d’information. En 2023 en France, la diffusion de la séquence vidéo où l’on voyait un policier tiré sur un automobiliste lors d’une simple vérification a contribué à exacerber les tensions sociales et à mobiliser les protestataires.
L’impact potentiel des événements de ce genre est beaucoup plus grand qu’il ne l’était il y a 50 ans, poursuit l’auteur, en raison de la proportion grandissante des populations résidant dans les villes. Le même constat est fait pour les dommages liés aux catastrophes naturelles, où les coûts explosent lorsque le climat frappe une agglomération densément peuplée.
« En milieu urbain, les détaillants et les infrastructures publiques sont particulièrement vulnérables aux vastes manifestations simultanées et peuvent accumuler des pertes très rapidement », écrit M. Pande.
Des solutions
La suite de sa réflexion porte sur les solutions visant à mitiger l’exposition au risque découlant de tels événements.
L’évaluation et la tarification adéquate du risque de SRCC sont cruciales pour les assureurs et les réassureurs et constituent un domaine qui devrait continuellement s’améliorer.
Les couvertures doivent également être prises en compte, en comparant la garantie implicite par rapport aux extensions explicites, ainsi que l’étendue des dispositions spécifiques telles que les exclusions ou les limitations.
Le libellé des polices couvrant ce risque doit être amélioré, ajoute le souscripteur. La révision des définitions du SRCC qui sont incluses dans les contrats est requise afin de limiter la garantie aux paramètres attendus. Tracer des limites précises n’est pas évident, selon Mohit Pande, par exemple si l’on veut distinguer les émeutes des événements terroristes.
« Nous devons nous préparer à un monde dans lequel les foyers potentiels d’apparition du SRCC se sont multipliés et peuvent se propager plus rapidement et plus largement. Alors que les facteurs socio-économiques augmentent l’ampleur des pertes et l’imprévisibilité du risque, il est primordial que l’industrie exploite les données et la technologie pour gérer ce risque croissant grâce à une meilleure évaluation de l’exposition, une tarification adéquate des risques, un meilleur contrôle de l’accumulation et des formulations contractuelles claires », conclut-il.