L’assureur avait raison de ne pas indemniser les consommateurs qui ont omis de couper l’eau avant de s’absenter de leur domicile pendant plusieurs semaines durant la période des Fêtes. Le dégât d’eau provoqué par le gel d’un tuyau était l’une des exclusions prévues au contrat.
Dans un jugement rendu le 9 août dernier, la Cour supérieure du Québec a ainsi donné raison à l’assureur Allstate Canada. Léon Mereus et la succession de Suzanne Mereus sont les demandeurs dans ce litige.
La décision a été rendue par la juge Catherine Dagenais, du district judiciaire de Montréal. L’audition de la preuve s’est étalée sur trois journées en juin 2024.
Le contrat
Le même assureur couvre la résidence depuis 2013. Les clauses de la police, qui est un contrat d’adhésion classique, sont expliquées par un agent au moment de la souscription. Le libellé de la police est envoyé par écrit aux assurés.
Le mot-à-mot décrit expressément les clauses d’exclusion. Au renouvellement, s’il n’y a pas de changement au libellé, il n’est pas réexpédié aux consommateurs.
Un représentant de l’assureur confirme au tribunal que le libellé a été changé en 2019 et qu’une lettre a été transmise à tous les assurés pour expliquer les différences. Allstate affirme que le système mis en place fait en sorte que le libellé modifié est envoyé par courrier recommandé.
Dans son témoignage, Léon Mereus dit ne pas se souvenir d’avoir discuté des exclusions avec un agent de l’assureur. L’exclusion n’a pas non plus été expliquée à sa conjointe, qui ne s’occupait pas de la police d’assurance.
Il ne se souvient pas avoir reçu le libellé en vigueur en 2013. Il confirme avoir reçu le renouvellement qui devait entrer en vigueur le 30 juin 2019, mais il n’a pas lu l’offre, car elle était trop longue. Il ne se souvient pas avoir reçu une lettre de l’assureur l’informant du nouveau libellé.
Sa fille témoigne que le seul document que son père avait dans ses dossiers était l’offre de renouvellement au 30 juin 2019.
Le sinistre
Le 17 décembre 2021, la famille Mereus quitte son domicile à Montréal pour aller rendre visite à leur fille qui réside à Ottawa durant la période des Fêtes.
Avant de partir vers 11 h, M. Mereus ne coupe pas l’eau. De plus, il ne confie à personne le mandat de surveiller la maison en son absence et il ne remet pas la clé non plus à quiconque. Il affirme avoir laissé le chauffage et verrouiller la porte arrière.
Le sinistre survient le 6 janvier 2022. Le service de police joint M. Mereus pour l’informer d’un dégât d’eau à sa résidence et les policiers coupent l’eau et le courant avant de fermer la porte.
Le bris de tuyau a eu lieu sous l’évier de la cuisine et le dégât d’eau a touché principalement le sous-sol. L’équipe de l’assureur et un plombier viennent le 8 janvier pour constater les dégâts. Un autre plombier vient trois jours plus tard.
Le 31 janvier 2022, l’assureur informe la fille de l’assuré qu’il n’y aura aucune indemnisation en raison d’une exclusion à la police. La négation de la couverture est confirmée par écrit.
Malgré la mise en demeure soumise par les avocats de la famille, Allstate maintient la négation de la couverture en alléguant l’exclusion prévue au contrat.
La demande
La famille Mereus soutient que l’exclusion n’a pas été discutée ou portée à leur connaissance d’une quelconque manière avant le bris qui a provoqué le sinistre et la réclamation.
Le tribunal doit déterminer si Allstate a démontré que les clients sont informés de l’exclusion par la remise du libellé de 2019. La juge Dagenais note que les termes de l’exclusion du bris dû au gel inclus dans le libellé de la police « sont similaires à ceux issus de la migration du système en 2019, hormis un changement qui est à l’avantage de l’assuré ».
Le témoignage des représentants de l’assureur est crédible et le système mis en place montre que le mot-à-mot et les documents pertinents au contrat ont été transmis à chaque assuré.
De son côté, le témoignage de M. Mereus présente des contradictions quant à la réception des documents de l’assureur et à sa compréhension de leur contenu. L’exclusion leur est donc opposable, conclut le tribunal.
Le texte de l’exclusion est très éloquent. Au-delà de sept jours d’absence, l’assuré doit prendre les moyens pour qu’une personne compétente vienne chaque jour pour s’assurer que le chauffage fonctionne et que l’alimentation en eau a bel et bien été coupée.
C’est une voisine qui a alerté la police, le 6 janvier 2022. Elle pouvait voir l’arrière de la résidence assurée. Elle a constaté que la porte est entrouverte de quelques pouces peu après Noël, et est restée dans cet état les deux semaines suivantes. Selon la première policière arrivée sur place, il n’y avait aucune trace d’effraction et la porte était en bon état. Les policiers et les pompiers qui sont venus sur les lieux ont confirmé qu’il faisait froid dans la cuisine.
Les données météorologiques montrent que la température moyenne est demeurée sous le point de congélation durant l’absence de la famille, et la température moyenne oscillait entre -16 °C et -20 °C en janvier. Le tuyau qui a éclaté est en face et à moins de trois mètres de la porte arrière restée entrouverte.
Ces faits prouvés amènent le tribunal à inférer avec une certitude raisonnable que le froid qui régnait dans la résidence à la suite de l’ouverture de la porte arrière depuis un certain temps a causé le bris du tuyau.
Les allégations de mauvaise foi faites par les demandeurs à l’encontre des représentants de l’assureur sont aussi rejetées.