La requête de type Wellington, qui force l’assureur à prendre fait et cause pour couvrir la responsabilité civile de l’assuré, n’est pas souvent rejetée par les tribunaux. Cela est arrivé dans un jugement rendu en fin d’année 2023.
Desjardins Assurances générales a présenté une demande en irrecevabilité de la demanderesse en garantie, Martyne Saint-Pierre. La requête a été entendue en Cour supérieure à la mi-décembre.
Le 27 décembre dernier, la juge Marie-Paule Gagnon, du district judiciaire de Québec, a accueilli la requête de Desjardins, qui n’aura pas à défendre Mme Saint-Pierre.
L’avocat Pierre-Alexandre Fortin, du cabinet d’avocats Tremblay Bois, a attiré l’attention du Portail de l’assurance sur ce jugement*.
Le recours principal est intenté par Promutuel Portneuf-Champlain, société mutuelle d’assurance générale, l’assureur du propriétaire de l’immeuble, qui exerce un recours subrogatoire contre Mme Saint-Pierre et son fils, Raphaël Roy. Un incendie est survenu dans le logement dont la dame est signataire du bail, mais qui était alors occupé par M. Roy.
Le feu, survenu le 27 janvier 2022, a trouvé son origine dans l’huile de cuisson dans un chaudron laissé sans surveillance sur la cuisinière de l’appartement. Mme Saint-Pierre appelle en garantie Desjardins en vertu de la couverture en responsabilité civile de sa police d’assurance habitation.
L’appartement a subi des dommages, mais aussi l’immeuble. Ceux-là sont réclamés par Promutuel Portneuf-Champlain, qui recherche la responsabilité de M. Roy comme auteur de la faute qui a causé l’incendie, et celle de sa mère à titre de locataire, car elle a permis l’accès à l’appartement et a fait défaut à son devoir de surveiller les lieux.
L’article 1862 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit que le locataire est responsable des dommages résultant d’un incendie dû à sa faute ou celle d’une personne à qui il a donné accès.
La demande de type Wellington vise à forcer l’application de l’obligation de défendre de l’assureur prévue à l’article 2503 du C.c.Q. La couverture d’assurance responsabilité est d’ailleurs prévue à la police de la défenderesse.
L’exclusion
Le bail de l’appartement était valide du 1er février 2021 au 31 janvier 2022. Mme Saint-Pierre reconnaît que sa responsabilité civile générale est recherchée en raison de sa responsabilité légale en tant que locataire. Son procureur, Me Claude Roy, reconnaît que la responsabilité de sa cliente n’est recherchée à aucun autre titre.
L’analyse de la demande Wellington se fait en quatre étapes. L’incendie survient alors que la police d’assurance est en vigueur et la perte peut relever de la protection prévue au contrat.
Desjardins soumet trois exclusions pour écarter clairement et sans équivoque la protection prévue au contrat. L’une d’elles est retenue par le tribunal.
Les exclusions 12 et 14 visent toutes les conséquences de l’utilisation des lieux loués en vertu d’un bail de plus de six mois. Même si le procureur de la locataire parle de « vide d’exclusion », le tribunal estime qu’il n’y en a pas « même en faisant preuve d’une grande souplesse lors de l’analyse de la police ».
Mme Saint-Pierre bénéficie de la garantie E-3 qui couvre « la responsabilité civile relative à des lieux qui ne vous appartiennent pas ». Mais celle-ci ne s’applique pas aux lieux assurés. La définition de « lieux assurés » comprend les lieux utilisés temporairement par l’assurée comme demeure, pourvu qu’elle n’en soit pas propriétaire et qu’elle n’en soit pas locataire par l’entremise d’un bail de plus de 180 jours.
Mme Saint-Pierre échoue à démontrer qu’une exclusion aux exclusions est applicable. Sa demande Wellington est donc rejetée.
Un cas particulier
L’avocat Fortin souligne qu’il est très rare qu’une requête de type Wellington soit annulée à l’étape du débat sur une demande en irrecevabilité comme celle soumise par l’assureur qui intervient comme défenderesse en garantie.
Me Fortin ajoute un « commentaire éditorial » en résumant son analyse. Il note que l’agent qui a fait souscrire la police à la locataire « a le devoir de se renseigner sur la situation de l’assurée et de lui offrir le produit d’assurance qui lui convient le mieux ».
Selon lui, il y aurait peut-être lieu de se demander pourquoi les faits et gestes de l’assurée dans son appartement loué ne sont pas couverts par l’assurance responsabilité. Ce débat reste à faire, mais c’est tout de même une situation particulière « où la police n’a pas donné lieu à une garantie d’assurance », conclut-il.
* Il s’agit d’un des litiges qui a suscité son intérêt dans le cadre d’un webinaire sur la jurisprudence en assurance de dommages. La formation était offerte par l’Institut d’assurances du Québec (IADQ), tenue en février. L’IADQ a permis à l’auteur de ces lignes d’y assister.