Le 27 mai dernier, le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages a condamné Joanne Lefort (certificat no 174 020) et Sophie Fasciano (certificat no 159 953) à des amendes respectives de 2 000 $ et de 3 000 $. 

Les intimées exercent la profession d’expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers pour le compte du cabinet d’un assureur dans la région de Montréal. Elles ont admis leur culpabilité au seul chef de la plainte dans leur dossier respectif.

Les intimées sont condamnées à payer la moitié des déboursés en parts égales. La sanction a été l’objet de la recommandation commune des parties. 

On reproche à l’intimée Lefort d’avoir exercé ses activités de manière négligente et de ne pas avoir agi de manière consciencieuse, notamment dans le traitement des renseignements concernant la vocation de l’immeuble assuré. 

De son côté, l’intimée Fasciano a fait preuve de la même négligence, notamment en omettant de prendre connaissance du rapport de l’expert en sinistre indépendant mandaté par l’assureur contenant des renseignements sur l’utilisation de l’immeuble assuré. 

En agissant ainsi, les intimées ont contrevenu à l’article 10 du Code de déontologie des experts en sinistre. L’arrêt des procédures est ordonné pour les autres dispositions alléguées au soutien des chefs. 

Les faits reprochés sont survenus en août et septembre 2020 à la suite d’une réclamation de l’assurée. L’immeuble situé à Trois-Rivières a été la proie des flammes le 23 juin 2020. 

Un expert indépendant 

Le premier rapport rédigé par l’expert en sinistre indépendant mandaté par l’assureur révèle que le bâtiment était utilisé pour la location de chambres. Cette activité n’était pas assurée selon les critères de souscription et la police a été annulée ab initio par l’assureur. 

Le rapport a été livré à l’assureur le 28 juillet 2020. On y apprend que la propriété avait été acquise en novembre 2003 et était alors une copropriété indivise. Le bâtiment de deux étages construit en 1948 est occupé par sept locataires, dont six louent une chambre avec accès aux aires communes. Un logement de deux pièces est aménagé au sous-sol et est aussi offert en location. 

Après avoir rencontré plusieurs locataires et la propriétaire, l’expert indépendant de la firme Indemnipro conclut à la recevabilité de la perte subie par l’assurée.

En décembre 2020, l’assureur écrit à l’assurée pour lui souligner que la police a été annulée en raison d’un changement dans le matériel à risque. En souscrivant la police en mai 2016, la propriétaire déclarait que deux unités étaient louées dans la propriété en question. « On vous a également demandé si vous aviez des chambreurs ou des pensionnaires et vous avez répondu non », lit-on au paragraphe 16 de la décision.

Deux semaines plus tard, l’assureur transmet une lettre de négation de la couverture. Comme le contrat n’était pas en vigueur, l’assureur ne donne pas suite à la demande d’indemnité telle que soumise. La police a été résiliée le 19 avril 2017.

Selon la police, l’immeuble était grevé par une hypothèque auprès d’une institution financière. « Tel que stipulé par la clause relative aux garanties hypothécaires, notre décision de ne pas donner suite à votre demande d’indemnité n’est pas opposable à votre créancier hypothécaire. Afin d’honorer cette condition à votre contrat, veuillez demander à votre créancier hypothécaire de communiquer avec nous afin que le paiement leur soit émis directement », ajoute l’assureur. 

Impacts de la négligence 

Selon le comité, la situation exposée et les conséquences qui en ont découlé proviennent de la négligence des intimées dans l’exercice de leurs activités professionnelles. Les intimées n’ont pas pris connaissance du rapport de l’expert en sinistre indépendant « alors qu’il était impératif de le faire ».

Ce n’est que le 30 septembre 2020 que l’intimée Lefort en prend connaissance et réalise que la résidence est une maison de chambres qui n’est pas assurée selon les critères de souscription de l’assureur. La preuve montre que l’assurée a caché à l’assureur le fait qu’elle avait des locataires-chambreurs dans sa résidence. 

À la fin de novembre 2020, l’expert en sinistre indépendant écrit ceci à l’intimée Lefort : « Nous comprenons que l’utilisation du bâtiment pour la location de chambres a entraîné l’annulation de la police d’assurance ab initio et que la position en lien avec les paiements recommandés aux précédents rapports n’avait pas encore été confirmée à Mme Lefort. Nous avons donc avisé l’assurée et les intervenants impliqués qu’il nous était impossible pour le moment de confirmer la position de l’assureur et que les paiements recommandés précédemment n’avaient pas été libérés à ce jour. » 

Parmi les facteurs aggravants, la procureure de la syndique souligne le préjudice causé aux fournisseurs dont les services ont été retenus dans le cadre de l’expertise en sinistre.