Le débat entourant l’interprétation de l’article 2503 du Code civil du Québec pourrait prendre fin cet automne. Cet article détermine l’obligation des assureurs de défendre et d’assumer les frais de défense en sus des limites de garantie en matière de responsabilité civile.

L’article amendé visait à régler la problématique que vivaient certaines grandes entreprises, qui, depuis plusieurs mois, étaient obligées de débourser de fortes sommes pour maintenir leur couverture d’assurance de responsabilité civile, faisant même en sorte que certaines envisageaient de déménager leur siège social hors du Québec.

Le 8 septembre, le ministère des Finances du Québec a présenté un projet de règlement en le publiant dans la Gazette officielle du Québec. Le gouvernement a convié les parties intéressées à partager leurs commentaires et leurs observations sur le Projet de règlement proposé d’ici le 25 octobre 2021. Ensuite, la version officielle du règlement entrera en vigueur dans les 15 jours suivant sa publication.

Quelles entreprises sont visées ?

La principale nouveauté du projet de règlement est qu’on délimite quelles grandes catégories d’assurés sont visées par le Projet de règlement :

  1. Les fabricants de médicaments et leurs administrateurs et dirigeants ou fiduciaires ;
  2. certaines sociétés et fonds d’investissement en capital, tels que la C.R.C.D., Fondaction, la F.T.Q., leurs filiales et leurs administrateurs et dirigeants ou fiduciaires ;
  3. les grandes entreprises, les sociétés publiques, les sociétés étrangères, les sociétés qui exercent une activité à l’extérieur du Canada et leurs administrateurs et dirigeants ou fiduciaires ; et
  4. les établissements visés par la Loi sur les services de santé et services sociaux (S. 4.2), les ressources intermédiaires en soutien à l’autonomie des personnes âgées, les résidences privées pour aînés (RPA), les établissements de santé et de services sociaux exploitant un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou de réadaptation et leurs administrateurs et dirigeants ou fiduciaires.
Changements « considérables et historiques »

Nathalie Durocher

Pour Me Nathalie Durocher, avocate-entrepreneure chez Delegatus, spécialisée en droit des assurances, le Projet de règlement contient des « changements considérables, et même historiques », à l’obligation de défendre, de payer les frais de défense en sus du montant de la limite d’assurance, ainsi qu’à la prérogative de l’assureur quant au choix de l’avocat et le contrôle de la défense de l’assuré.

Elle rappelle que le Projet de règlement propose d’autres changements quant aux couvertures d’assurance actuellement disponibles sur le marché, l’étendue des garanties offertes de même qu’aux pratiques actuelles de l’industrie de l’assurance au Québec. Selon Me Durocher, le tout aura des effets sur :

  • Le partage ou non des frais de défense entre les polices de première ligne et les polices excédentaires ainsi que les garanties offertes par certaines polices excédentaires ;
  • les modalités, conditions et pourcentage du montant d’assurance qui devra être affecté exclusivement au paiement d’indemnités aux tiers lésés et conservés par les assureurs à cette fin dans certaines circonstances.

« Sur ce point, un nouveau mécanisme est d’ailleurs proposé au Projet de règlement », fait-elle remarquer.

Problèmes résolus ?

Le gouvernement résoudra-t-il tous les problèmes soulevés au fil des derniers mois ? Me Durocher se questionne sur deux points à cet égard.

Tout d’abord, elle fait remarquer qu’à certains égards, les changements proposés se démarquent des conditions qui prévalent dans le reste du Canada. « Cela semble s’éloigner de l’objectif initial qui était essentiellement de créer un meilleur équilibre entre les dispositions législatives applicables à l’assurance au Québec et dans les autres provinces canadiennes ».

Puis, elle ajoute qu’étant donné la complexité et les zones grises du Projet de règlement dans son libellé actuel, des assureurs et des souscripteurs pourraient opter pour le statu quo s’il est adopté tel quel, le temps que les dispositions soient clarifiées ou interprétées par les tribunaux. « Cela ne réglerait peut-être pas le problème d’exode des sièges sociaux vers d’autres provinces et d’assureurs étrangers qui pensent à se retirer du marché de l’assurance au Québec », affirme-t-elle.

Réaction des assureurs

Du côté de la division Québec du Bureau d’assurance du Canada (BAC), on dit prendre connaissance du projet de règlement qui fait suite aux modifications apportées aux art 2500 et 2503 du C.c.Q. par le PL-82. « Après en avoir terminé l’analyse, le BAC fera ses commentaires au ministère des Finances », a indiqué le BAC au Portail de l’assurance.