Plusieurs courtiers du Québec disent se questionner sur la suite de la transaction Applied Systems-Compu-Quote. Qu’un fournisseur de systèmes de gestion de cabinets (BMS) mette la main sur le seul fournisseur de données de tarification amène les courtiers à s’interroger sur la qualité du service qu’Applied offrira à ceux qui ne traitent pas avec lui.

Bruno Fortin, président du cabinet J. Gérard Fortin & Associés et membre du comité exécutif du Centre d’étude de la pratique en assurance (CEPA), dit souvent se faire aborder par des courtiers à ce sujet. Dans sa situation personnelle, il dit être moins inquiet, car Applied est justement son fournisseur de BMS.
« On demeure avec un seul joueur en tarification : Compu-Quote. Dans le Canada anglais, il y a d’autres solutions, mais au Québec, c’est un monopole. Compu-Quote peut donc changer son prix quand il veut. Il l’augmenterait de 10 % et nous serions obligés de suivre », dit-il.
M. Fortin ajoute que les courtiers ne traitant pas avec Applied sont inquiets du service et du soutien qu’ils recevront avec Compu-Quote. Il note toutefois que le fournisseur de BMS a développé divers outils pour faciliter l’intégration, notamment la possibilité d’attacher une soumission directement à partir d’une application, pour la sauvegarder. Auparavant, les courtiers devaient en faire une copie PDF.
Connie Ciccarello, présidente de Ciccarello Assurances, est l’une des courtiers qui ne traite pas avec Applied, et qui se questionne sur la suite des choses. Elle se demande si son fournisseur de BMS saura collaborer avec son compétiteur et lui remettra les informations relatives à son cabinet. Elle se demande aussi si les assureurs seront à l’aise de partager leurs algorithmes de tarification avec Compu-Quote, maintenant qu’il a été acquis par un fournisseur de BMS.
Selon Mme Ciccarello, les courtiers ne pourront pas éviter d’importants questionnements. Elle souligne que le poste de dépenses lié au BMS est le deuxième en importance au sein de son cabinet, juste après les salaires, et ce, même si elle fait affaire avec Power Broker, réputé pour être parmi les systèmes les plus économiques.
« Je vais vouloir voir comment Power Broker va évoluer au Québec. Est-ce que les courtiers qui ne traitent pas avec Applied devront abandonner leur système pour en acheter un nouveau? Le questionnement risque d’aller jusque là. Plusieurs milliers de dollars sont en jeu pour les courtiers », dit-elle.
Elle dit toutefois que, malgré les questionnements suscités par la transaction, elle voit le tout positivement. Mme Ciccarello se dit persuadée que la transaction forcera les courtiers à revoir leur façon de travailler et qu’elle leur ouvrira de nouvelles portes.
Elle donne en exemple l’outil RateBridge, qui permet au courtier d’avoir un prix en temps réel dans son BMS, à partir du portail d’un assureur. « Un assureur l’avait implanté, mais il s’est fait acheter. Une chose est certaine, on cherche des outils pour se parler entre assureurs et courtiers. C’est pourquoi je suis optimiste. On va se pencher pour voir s’il n’y a pas d’autres solutions », dit-elle.
Claude Pinsonneault, président d’Assurances Concordia, traite aussi avec Power Broker. Ils sont 85 cabinets de courtage, au Québec, à traiter avec cette firme de la Colombie-Britannique, sur un total de 1 000 au Canada. Il se demande, lui aussi, si les courtiers traitant avec Applied seront plus favorisés que les autres.
Il dit toutefois ne pas voir de problèmes à court terme. « Applied ne voudra pas perdre sa clientèle.

Néanmoins, les courtiers traitant avec Applied reprochaient souvent à l’entreprise de prioriser le développement des courtiers du reste du Canada et des États-Unis avant le leur. Avec le monopole de Compu-Quote, quel intérêt auront-ils pour le Québec? », se demande-t-il.
Solutions en vue chez Keal
Pat Durepos, président de Technologie Keal, ne cache pas que la transaction le place dans une situation un peu précaire. « Les gens d’Applied nous ont dit que tout continuerait normalement. De notre côté, on continue à soutenir nos clients avec l’intégration de Compu-Quote », dit-il.
Lui aussi croit que de nouvelles solutions vont émerger. « Power Soft compte rendre disponible son outil de tarification au Québec, au cours des prochains mois (voir encadré ci-contre). Je vois cela comme une grosse opportunité », dit-il.
Keal a aussi développé une solution qui permet aux assureurs d’envoyer leurs fiches de tarification au courtier, qui peut ainsi bâtir une soumission en temps réel dans son BMS. « Depuis l’annonce de la transaction, je reçois de plus en plus d’appels d’assureurs intéressés par cette approche. On va regarder cela de très près », dit-il.
M. Durepos affirme que sa solution présente un avantage très important pour les assureurs. En procédant ainsi, ils n’ont pas à dévoiler quels sont leurs algorithmes de tarification. Tout se fait à l’interne et un fichier XML est envoyé à l’assureur, selon la demande. Pour le courtier, l’avantage est de pouvoir travailler en temps réel.
« C’est une autre grosse opportunité, selon nous. Je crois même que la tarification se fera ainsi dans le futur. Le courtier n’aura plus usage de Compu-Quote ou de PowerQuote à terme. La transaction devrait même accélérer ce processus », dit-il.
Une occasion à saisir, selon le RCCAQ
Catherine Mainguy, présidente du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), croit aussi qu’il y a une occasion à saisir pour un joueur qui serait prêt à concurrencer Compu-Quote.
« On parle couramment de la transaction lors des réunions du conseil d’administration. On entend des choses et on suit cela de près. On comprend que les courtiers qui ne sont pas avec Applied soient inquiets. Les gens d’Applied nous ont dit que tout continuerait normalement. Néanmoins, on y voit une opportunité pour d’autres joueurs de percer le marché », dit-elle.