Les résultats financiers trimestriels des assureurs présentés conformément à la nouvelle norme internationale d’information financière (IFRS 17) créent encore de l’incertitude et de la confusion. Selon l’économiste en chef de la Société d’indemnisation en matière d’assurance (SIMA), la compréhension passe par le principal indicateur qui a toujours fourni l’information la plus pertinente sur la solvabilité d’une société d’assurance, soit la rentabilité. 

La SIMA (PACICC pour son acronyme anglais) est l’organisme de compensation qui intervient en cas de faillite d’un assureur de dommages. L’organisme a publié en septembre son plus récent bulletin trimestriel « Parlons solvabilité » (« Solvency Matters »). L’économiste en chef Grant Kelly y signe deux articles particulièrement révélateurs.

Le premier traite de l’analyse des états financiers présentés selon la norme IFRS 17. M. Kelly compare la période d’adaptation en cours à celle qui a suivi le passage du système impérial au système métrique au Canada dans les années 1970. Même si la distance entre Montréal et Toronto n’avait pas changé lorsqu’on a adopté le nouveau système de mesure, les conducteurs ont eu besoin de temps pour s’adapter. 

« Le passé nous montre qu’une rentabilité durable est le déterminant le plus important de la solvabilité d’une société d’assurance. Un assureur rentable est en mesure d’honorer les engagements des contrats d’assurance et d’accroître son capital de base », indique M. Kelly. 

Résultat d’assurance 

Au cours du premier semestre de 2023, quelque 31 assureurs parmi les 168 membres de la SIMA ont déclaré un résultat net négatif, soit 18 % d’entre eux. Ce pourcentage correspond à la moyenne des cinq années précédentes, précise l’économiste en rappelant qu’il est normal qu’une partie des assureurs de dommages déclare des pertes. 

Les assureurs ont deux sources principales de revenus : les ventes sous la forme de souscriptions d’assurance et les placements. M. Kelly présente les résultats à partir des données fournies par MSA Research

Quelque 127 assureurs ont déclaré un résultat positif tant au chapitre des résultats d’assurance que des résultats de placement. Le terme « résultat d’assurance » est la nouvelle appellation découlant de la norme IFRS 17 qui était autrefois présentée par le bénéfice ou la perte technique.

Quelque 25 assureurs ont souligné que leurs placements avaient compensé leurs résultats d’assurance négatifs. Neuf autres assureurs ont déclaré des résultats de placement négatifs, mais tous ont déclaré des résultats d’assurance positifs. Cela signifie donc qu’aucun assureur membre n’a déclaré des pertes dans les deux volets pour le premier semestre de 2023. 

« En général, la norme IFRS 17 a donné lieu à une petite augmentation ponctuelle du résultat des membres au test du capital minimal (TCM) ou au test de suffisance de l’actif des succursales (TSAS) », souligne Grant Kelly.

Le test a donc été adapté par les autorités de réglementation afin de préserver la cohérence du capital de base de l’industrie. Au cours des six premiers mois de 2023, tous les assureurs exerçant leurs activités en dommages au Canada ont maintenu un niveau suffisant de capital d’après cette norme. 

« Même s’il faudra du temps pour mettre au point de nouvelles mesures de rendement pour l’industrie, les fondamentaux n’ont pas changé. La rentabilité technique durable et les niveaux de capital prudents sont les critères essentiels que la SIMA continuera de surveiller », indique M. Kelly. 

Au premier semestre 

Dans un autre article du bulletin trimestriel, Grant Kelly commente les résultats des assureurs de dommages du Canada au premier semestre de 2023 en les comparant avec ceux de 2022, avec les ajustements requis par la norme IFRS 17.

Il rappelle que les « produits des activités d’assurance » sont tirés de la valeur totale des primes perçues par les assureurs. Cette notion est comparable à ce qu’on présentait autrefois par « primes brutes émises » ou « primes brutes souscrites », mais elle n’est pas équivalente. Elle se rapproche ce qui était autrefois désigné par le terme « primes acquises », explique l’économiste. 

Les « charges afférentes aux activités d’assurance » cumulent les sommes versées pour régler les réclamations et les charges connexes. La progression des dépenses a été plus forte que celle des revenus, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous. Le résultat net des activités d’assurance a atteint 4,4 milliards de dollars (G$) au premier semestre de 2022, en hausse de 4 % par rapport à la même période en 2022. 

Le ratio net des activités d’assurance est assez similaire à l’ancien ratio sinistres-primes, mais les chiffres sont plus élevés, car il englobe aussi les frais d’acquisition, en incluant les commissions et la réassurance ainsi que l’impact des contrats déficitaires. 

En assurance des biens des particuliers, le ratio net des activités d’assurance des biens des particuliers s’est établi à 94,1 %, tandis que le ratio net en assurance automobile s’est établi à 92,7 %. En assurance des entreprises, le ratio net a été de 86,1 % en assurance des biens et de 82,3 % en assurance responsabilité. 

Revenus de placements 

Dans le plus récent rapport annuel de la SIMA, publié l’été dernier, le président du conseil d’administration, Glenn Gibson, soulignait que pour la première fois en 48 ans d’histoire, les assureurs de dommages allaient probablement déclarer des pertes annuelles sur leurs placements. Les chiffres fournis par Grant Kelly confirment cette prévision faite à partir des résultats des neuf premiers mois de 2022. 

La baisse des revenus de placement résulte directement de la montée rapide et imprévue des taux d’intérêt. Quand les taux grimpent, la valeur du portefeuille obligatoire de l’industrie suit la courbe inverse. Les obligations représentent environ 75 % des placements des assureurs de dommages, indiquait M. Gibson dans le rapport annuel. 

Durant le premier semestre, le rendement des placements des assureurs a rebondi pour atteindre le taux annualisé de 3,5 %, soit un rythme plus normal. 

Le rendement des capitaux propres (RCP) annualisé de l’industrie a atteint 11,6 % au premier semestre, ce qui est assez proche de la moyenne à long terme de 10,5 % qui a été obtenue par les assureurs de dommages au Canada entre 1975 et 2022, rapporte Grant Kelly. 

Selon ce dernier, malgré les changements importants apportés aux états financiers, l’exercice 2023 s’annonce comme une activité moyenne pour les assureurs de dommages au pays, car les catastrophes naturelles auront probablement un impact sur le troisième trimestre. 

Le climat chez Intact 

D’ailleurs, le 31 août dernier, Intact Corporation financière avait chiffré l’impact des sinistres liés aux catastrophes à 570 millions de dollars (M$) pour les deux premiers mois du troisième trimestre. Le 12 octobre 2023, Intact a révisé cette estimation pour la chiffrer désormais à 611 M$, dont 600 M$ pour les catastrophes au Canada.

Plus de 90 % des sinistres au Canada découlent de 14 phénomènes météorologiques violents, souligne l’assureur. Environ le tiers des sinistres est attribuable aux feux de forêt en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest.