L’agence de notation AM Best a fait part de nombreux éléments positifs à propos des compagnies d’assurance qu’elle évalue, que ce soit dans les secteurs de l’assurance de personnes ou dans celui de l’assurance de dommages au Canada. Bien qu’il faille un certain temps pour que les entreprises et les utilisateurs s’habituent au nouveau régime comptable, l’agence affirme que les répercussions de l’IFRS 17 ont été minimes et qu’elles n’ont pas eu les effets négatifs que de nombreuses personnes craignaient.

Lors de la conférence Insurance Market Briefing d’AM Best, tenue le 25 octobre 2024 à Toronto, les analystes de l’agence ont abordé en profondeur les deux industries, incluant des points sur les risques cybernétiques ainsi que sur l’activité de fusions et acquisitions. 

Résultats et perspectives pour l’assurance de dommages 

Parmi les points positifs de l’industrie de l’assurance de dommages, AM Best souligne la solidité des bilans et des niveaux élevés de capital ajusté au risque détenus par l’industrie dans son ensemble. 

La performance opérationnelle a été favorable en 2023, largement soutenue par de bons rendements sur les investissements — une influence qui pourrait s’atténuer quelque peu en 2024. La reprise des marchés boursiers et obligataires a également contribué aux efforts de renforcement des réserves dans l’industrie. 

Les compagnies ont également réduit leur exposition aux actions, ce qui est prudent, selon Rosemary Mirabella, directrice chez AM Best. Elle ajoute que les réserves sont, dans la plupart des cas, jugées adéquates d’un point de vue actuariel.

Christian Sieria, analyste financier, explique qu’en 2023, les compagnies ont augmenté leurs rétentions, étant donné que le cycle de renouvellement de la réassurance a été difficile cette année-là, ce qui a conduit certains assureurs à prendre plus de risques dans les livres d’affaires par rapport aux années précédentes.

Fréquence accrue des catastrophes 

L’agence de notation observe également une hausse de la fréquence et de la gravité des catastrophes, précisant que l’année 2024 pourrait s’avérer particulièrement difficile en raison des événements survenus au troisième trimestre. « Cette tendance est très similaire à ce que nous observons sur le marché américain », indique Mme Mirabella. 

Même si les entreprises n’ont rencontré aucun problème rapporté de capacité en réassurance, l’augmentation de l’activité des catastrophes a entraîné une hausse des coûts de réassurance. Rosemary Mirabella ajoute : « En raison de la hausse des coûts de réassurance, les compagnies doivent conserver davantage de risques et prendre un peu plus de risques sur leur bilan, ce qui est un élément de considération qualitative pour le crédit. » 

Lors de la conférence, les analystes ont également évoqué les risques liés aux substances perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles (PFAs), qualifiant ces substances de « nouveau risque amiante ». « L’exposition est considérée comme très répandue au Canada, bien que non encore quantifiable », déclare Mme Mirabella. 

Intelligence artificielle 

Les analystes ont aussi évoqué l’attention portée par les régulateurs à la protection de la vie privée, à la gestion des données et à l’intelligence artificielle (IA). « Nous pensons que la réglementation continuera d’évoluer dans ce domaine », déclare-t-elle.

Dans le secteur de l’assurance automobile, les analystes notent que les problèmes réglementaires persistants poussent certains assureurs à se retirer du marché en Alberta. Ils mentionnent également le problème des vols de véhicules en Ontario et au Québec. Bien que les efforts des forces de l’ordre aient contribué à modérer la situation, les chiffres des vols demeurent élevés

Par ailleurs, le comportement des conducteurs reste problématique après la pandémie. « Les conducteurs de camions commerciaux, autrefois considérés comme les plus prudents, sont désormais aussi distraits que les autres », ajoute Mme Mirabella. 

Les analystes d’AM Best prévoient une croissance continue des revenus d’assurance et des positions de marché relativement stables. « Le marché canadien de l’assurance de dommages est resté stable et solide à long terme, ainsi que sur le court terme », déclare Michael Buckley, analyste financier chez AM Best, soulignant que la majorité des entités notées dans l’industrie bénéficient d’une bonne notation. 

Capitalisation favorable 

« La majorité des entreprises notées disposent d’une capitalisation favorable ainsi que de pratiques solides de gestion des risques d’entreprise », indique M. Buckley. 

Les segments de l’assurance des biens personnels, de la responsabilité automobile et des biens commerciaux ont tous enregistré des gains de souscription, ce qui est un exploit notable par rapport au marché américain, surtout dans le segment des biens, selon Rosemary Mirabella. Elle félicite également l’industrie canadienne pour sa gestion efficace des risques liés aux catastrophes. 

Les analystes remarquent que les ratios de pertes dans le segment des biens commerciaux demeurent historiquement bas grâce à une discipline de souscription continue et une bonne sélection des risques.

À l’avenir, ils s’attendent à ce que les conditions de marché difficiles s’atténuent dans une certaine mesure — le segment devrait bénéficier de la baisse de l’inflation et de son impact sur les coûts de construction — mais les conditions de marché difficiles devraient perdurer.

Dans l’ensemble, la performance opérationnelle est jugée solide et rentable. « Cela justifie les perspectives stables que nous avons pour le secteur », conclut Mme Mirabella. 

Impacts de la COVID-19 

Bien que le secteur continue de s’inquiéter de la mortalité après la pandémie de COVID-19 et qu’il faille la surveiller, et bien que certains secteurs de l’assurance vie collective aient connu une mortalité plus élevée que prévu (ces blocs d’affaires sont restés rentables), l’impact de la pandémie de COVID-19 a été minime en assurance de personnes, affirment les analystes.

L’inflation a entraîné une hausse des coûts opérationnels pour certains assureurs, mais des taux d’intérêt plus élevés ont soutenu des ventes robustes et de bons rendements sur investissement. Cependant, Ed Kohlberg, directeur chez AM Best, note que les réductions de taux pourraient exercer une pression sur certains blocs d’affaires si les entreprises ne réagissent pas rapidement. 

Dans le domaine de l’investissement, les inquiétudes concernant l’immobilier commercial persistent. Malgré le faible nombre d’impayés, le secteur, y compris les prêts commerciaux, doit être surveillé de près.

Les entreprises consacrent également beaucoup d’argent et de ressources aux défis opérationnels, y compris ceux posés par leurs cyberrisques. M. Kohlberg note que les assureurs dépensent de plus en plus pour moderniser les systèmes et former les employés, tandis que les risques de réputation restent difficiles à mesurer (et peuvent ne pas être entièrement couverts par l’assurance cybernétique).

Le besoin de ces ressources opérationnelles est devenu un plus grand défi pour les acteurs de petite et moyenne taille, dit-il, « mais parfois aussi, ils peuvent être plus agiles ». 

Tendances et perspectives pour l’assurance de personnes 

Les ventes d’annuités sont en forte croissance, de nouvelles compagnies pénètrent le marché et la digitalisation progresse. M. Kohlberg précise qu’il y a actuellement suffisamment de capacité et d’affaires, « à l’avenir, il est possible que la situation change en raison de l’évolution des stratégies commerciales ». 

AM Best affiche des perspectives stables pour le secteur vie et santé, soutenues par des bilans solides et des portefeuilles d’investissement en évolution. Les compagnies se concentrent sur des produits adaptés aux besoins des assurés, favorisant les ventes et le marché dans son ensemble. 

Les analystes notent également la croissance continue des primes en Amérique du Nord, y compris au Canada, ainsi qu’une croissance soutenue des dividendes et des rachats d’actions. Le capital est principalement investi dans la digitalisation et des acquisitions opportunistes. 

Outre la diversité géographique et des produits canadiens, ils notent également une croissance continue et cohérente des dividendes, tandis que les rachats d’actions continuent d’être populaires et que les ratios d’endettement diminuent. Selon eux, les capitaux sont généralement déployés dans le cadre des efforts de numérisation et des fusions-acquisitions opportunistes.

Dans l’ensemble, ils affirment que la capitalisation a été forte pour l’industrie, la qualité du portefeuille d’investissement et l’accent mis par les entreprises sur la réduction des risques de bilan au cours des dernières périodes ont tous bien positionné l’industrie à l’approche du changement comptable IFRS 17, qui a eu lieu le 1er janvier 2023.

IFRS 17 

Dans le marché de l’assurance de dommages, Mme Mirabella mentionne qu’il faudra quelques années avant de pouvoir comparer efficacement les régimes comptables, mais elle se dit satisfaite que la transition d’IFRS 4 à IFRS 17 ne modifie pas significativement l’interprétation des résultats. 

« Le Canada, encore une fois, se compare très favorablement (au marché américain) du point de vue du capital ajusté au risque et des capitaux propres absolus », dit-elle.

Les sociétés d’assurance vie et d’assurance maladie sont également rentables depuis le changement de méthode comptable. » Les entreprises ont fait un excellent travail de gestion de leurs engagements privés », ajoute M. Kohlberg.

» L’industrie canadienne de l’assurance vie s’est dotée depuis un certain temps d’une solide gestion des risques d’entreprise », ajoute-t-il. « Les entreprises continuent de se concentrer sur l’évolution des risques. Je pense que l’environnement réglementaire solide du Canada a permis à certains acteurs canadiens d’être plus avancés que certains acteurs dans d’autres juridictions. »