Un regain de la COVID-19 dans des États américains a assombri temporairement les marchés et la pandémie continue de forcer la contraction des économies mondiales. Des économistes voient toutefois des signes que la reprise se maintient.

La COVID-19 a ainsi provoqué un recul à Wall Street en fin de journée le jeudi 25 juin 2020, en raison de la progression des nouveaux cas dans plusieurs États américains. De plus, la principale bourse américaine a vu son indice reculer sous l’influence de titres de grandes compagnies aériennes et de vente au détail.

Au moins 27 000 cas par jour

Dans son dernier survol économique du 26 juin, Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef d’iA Groupe financier rapporte que Wall Street est préoccupé par l’impact sur la croissance économique de la montée des nouveaux cas de COVID-19 aux États-Unis.

En dollars canadiens, l’indice américain du S&P 500 a reculé de 0,22 % dans la semaine couverte dans le bulletin d’iA. L’indice S&P/TSX du marché canadien a pour sa part reculé de 0,17 % et l’indice internationale EAEO de 1,02 %. Depuis le début de l’année, le S&P 500 a progressé de 1,19 % en dollars canadiens mais a reculé de 3,62 % en dollars américains. L’indice EAEO a pour sa part battu en retraite de 6,97 % en dollars canadiens.

Du côté des obligations canadiennes, le survol d’iA révèle que l’indice des obligations à long terme FTSE TMX Long a reculé de 0,22 % pendant la semaine observée. « Les obligations longues (30 ans) ont souffert un petit peu plus, car la ministre des Finances, Bill Morneau, laisse entendre qu’il pourrait émettre plus d’obligations à long terme, pour financier le déficit fédéral », a observé M. Gignac dans son survol de l’économie.

« Cette semaine (semaine du 22 juin 2020), la surprise vient de l’accélération du nombre de cas aux États-Unis », observe M. Gignac. Selon une moyenne mobile de 7 jours se terminant le 21 juin montre qu’il y a eu quotidiennement 27 000 nouveaux cas de COVID-19 aux États-Unis, comparativement à 4 000 dans toute l’Union européenne. « Certains disent que les nouveaux cas américains ne sont pas une nouvelle vague, mais la première vague qui n’a pas été contrôlée. C’est en pleine accélération », commente l’économiste en chef d’iA.

Alors que cette moyenne a presque une semaine de décalage, M. Gignac observe qu’il y avait quotidiennement 40 000 cas aux États-Unis dans les deux derniers jours avant la publication de son survol économique. Il fait remarquer que les États-Unis ont déconfiné rapidement leur économie, et qu’il y a eu des problèmes de distanciation. « Cela a affecté les marchés. De plus en plus de jeunes sont touchés », dit-il. Selon les données de Centers for Disease Control and Prevention, la moyenne est passée de 80 ans à 65 ans, et les jeunes de 18 à 39 ans comptent pour 33,6 % des cas. Le taux de décès de cette tranche d’âge est toutefois très bas, signale M. Gignac (4,6 %).

La cote du Canada abaissée

Un malheur ne vient jamais seul. Si la reprise en V de Wall Street demeure sur les rails, les États-Unis et le Canada mettront un bon bout de temps avant de retrouver la croissance du produit intérieur brut (PIB) qu’ils avaient avant la pandémie, croit Clément Gignac. Il indique que le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une contraction de l’économie mondiale de 4,9 % en 2020

Le soubresaut des marchés et cette prévision du FMI s’accompagnent d’une décote du Canada. Fitch Ratings a abaissée la cote du Canada de AAA à AA, parce qu’elle prévoit une contraction de son économie. L’annonce a fait réagir le ministre des finances, Bill Morneau, qui a souligné à La Presse du 24 juin que « le Canada est dans une situation financière plus solide que de nombreux autres pays du G7 et du G20 ».

« Cette annonce de Fitch Ratings n’a pas eu beaucoup d’impact sur les marchés, remarque M. Gignac. Des agences qui suivent le Canada depuis beaucoup plus longtemps, comme Standard & Poor’s et Moody’s, ont maintenu sa cote AAA. » Il ajoute que la dette brute canadienne qui est passée de 88 % à 120 % du PIB en raison de l’aide accordée en temps de pandémie a pesé sur la décision de Fitch Ratings.

Clément Gignac Gignac rapporte aussi que la Réserve fédérale pourrait forcer les banques américaines à couper leurs dividendes. « La Fed met des restrictions sur le versement de dividendes par les banques. Des stress tests (test de résistance à une crise financière hypothétique) ont allumé des lumières rouges face à la pandémie », rapporte-t-il.

Reprise en V soutenue

Malgré tout, plusieurs économistes constatent la vigueur de la reprise. Ils rappellent la grande volatilité des marchés financiers et que le mouvement des marchés ne correspondent pas à ceux de l’économie. « Tous les jours, on me dit ‘Ça n’a pas de sens!’ », a lancé dans un bulletin financier du 12 juin Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et premier vice-président Groupe Plante | Financière Banque Nationale.
« Contrairement au consensus, je crois que le niveau du marché est soutenable… à travers des soubresauts relativement mineurs », dit-il.

Selon lui, la principale raison pour laquelle la croissance boursière sera soutenue est qu’il n’y a pas d’autres options d’investissements. « Avant la crise, les obligations du gouvernement canadien ayant une échéance de 10 ans, se négociaient autour de 1,65%. Aujourd’hui, ce taux est sous les 0,55%. Il en est de même pour les obligations canadiennes 30 ans, qui se négocient à un niveau inférieur de 1,10%, ajoute M. Plante. Dans un système où il y a des liquidités record sur les lignes de côté, beaucoup opteront pour investir en Bourse, car les autres choix sont peu attrayants, offrant des rendements potentiels sous le niveau de l’inflation. »

Miser sur la recherche fondamentale

Fonds d’investissement d’envergure mondiale, Capital Group estime qu’en ces temps houleux, les acheteurs devront être sélectifs et s’appuyer sur la recherche fondamentale. Dans ses perspectives semestrielles de juin 2020 (Outlook Mid-Year issue), Capital Group voit de la croissance et des occasions d’achat à l’horizon, entre autres en raison de la numérisation du commerce.

Le rapport de Capital Group mentionne que la recherche fondamentale demeure aussi la clé du côté des obligations, « car la croissance économique et l’inflation faibles indiquent que les bas taux d’intérêt persisteront », peut-on lire. De nouvelles occasions d’obligations corporatives se profilent aux États-Unis, ajoute Capital Groupe qui parle d’un envol vers la qualité (flight to quality).

Dans un monde de bas taux d’intérêt et de coupures du dividende, Capital Group croit en outre que l’intérêt des investisseurs se portera sur les compagnies qui peuvent soutenir le versement de leurs dividendes. Capital Group est confiant que l’investisseur peut faire face à la volatilité potentielle des marchés boursiers en se dotant d’un noyau dur de titres solides, et à des obligations bien réparties.

Les temps durs sont plus court…

Comparativement aux ralentissements, son analyse macroéconomique de la durée et de la force des rebonds passés montre que ceux-ci sont plus importants que les déclins, révèlent des données accumulées depuis 1950. « Attendez-vous à des sommets et à des vallées sur la route vers la reprise économique », écrit le vétéran gestionnaire de portefeuille Rob Lovelace.

Le rapport révèle qu’en termes d’actions américaines, la reprise moyenne a offert un rendement cumulatif de 279 % et a duré 72 mois, alors que le marché baissier moyen a entrainé un déclin de 33 % et a duré 14 mois. Du côté de l’économie, Capital Group croit probable une reprise en U mais n’écarte pas la possibilité d’une reprise en W (par exemple si la deuxième vague de COVID-19 ralentit l’économie après une première reprise). Il croit aussi possible que la reprise soit solide.

… et créent des occasions

Les temps durs créent également des occasions, relate également l’étude de Capital Group. Elle mentionne que c’est durant la crise de stagflation (situation d’inflation dans une économie qui stagne) des années 70 que ce sont créées des compagnies telles que Airbus (1970), Microsoft (1975) et Starbucks (1971), une décade qui a connu deux récessions. Autre exemple, Uber a été fondé en 2009.

Au terme de ce temps dur appelé pandémie, Capital Group croit que les entreprises mèneront la prochaine reprise. Le fonds d’investissement estime que la numérisation des activités quotidiennes est là pour rester. En Chine et en Inde, la pénétration du paiement mobile (mobile wallet) affiche un taux de pénétration de 35 % et 30 % respectivement. Encore beaucoup de place pour la croissance, alors que ce taux n’est que de 9 % aux États-Unis et de 7 % au Royaume-Uni.

La recherche d’un vaccin

Autre opportunité de marché, KPMG Canada signale pour sa part que l'investissement en capital de risque dans des sociétés émergentes a été transformé par la COVID-19 en 2020. La firme rappelle l’effort sans précédent que consentent plusieurs entreprises à la recherche d’un vaccin. « Bien que l'incertitude sur les marchés ait ralenti l'ensemble des investissements dans le secteur canadien, le financement des entreprises qui mettent au point des technologies visant à combattre les effets du coronavirus se maintient », a affirmé Sunil Mistry, associé, KPMG Entreprise, Technologie, médias et télécommunications, de KPMG au Canada.

Selon M. Mistry, le fait que trois des plus importantes transactions du trimestre soient liées à la pandémie souligne l'importance de développer des solutions pour combattre le virus. Énumérant les principales transactions au deuxième trimestre, il signale le financement à hauteur de 142 millions de dollars (M$) d'AbCellera, une société de biotechnologie de Vancouver qui recherche et développe des anticorps humains pour lutter contre les pandémies et les maladies courantes.

À Montréal, une entente de financement de 81 M$ est intervenue auprès de Ventus Therapeutics, une société qui met au point des médicaments ciblant le système immunitaire. M. Mistry souligne en outre le financement de 68 M$ millions de dollars de WorkJam, également de Montréal, pour l’aider à poursuivre l'expansion de sa plateforme numérique à l'intention des travailleurs de première ligne.

Il note également un financement de 74 M$ pour ApplyBoard, une entreprise de Waterloo, « le dernier membre en date du club exclusif des licornes canadiennes ». « La société fait valoir que sa plateforme logicielle pour le monde de l'éducation a désormais une valorisation de 2 G$, ajoute M. Mistry.

« En réalité, la recherche d'un vaccin contre la COVID-19 est l'un des plus importants enjeux pour notre économie, et il est donc encourageant de voir des investisseurs se tourner vers des entreprises en démarrage canadiennes dans ce domaine », ajoute M. Mistry. L’associé de KPMG Canada souligne que la pandémie a enseigné une dure leçon sur la capacité de chacun de répondre à ses besoins médicaux en temps de crise. « Cette réalité devrait donner l'impulsion à des investissements publics et privés additionnels dans le secteur », croit M. Mistry.