L’écosystème entrepreneurial de Montréal se classe au premier rang mondial pour son dynamisme quand on le compare à dix autres régions du monde, selon les auteurs de l’édition québécoise du rapport annuel du Global Entrepreneurship Monitor (GEM).

Les chercheurs Étienne St-Jean et Marc Duhamel, de l’Institut de recherche sur les PME (INRPME) à l’Université du Québec à Trois-Rivières, ont rendu publiques les données du GEM pour l’année 2019 il y a quelques jours, lors d’une vidéoconférence. Depuis 2013, l’INRPME s’occupe de comparer le Québec et le reste du Canada (RDC) à 23 autres États, à partir d’une méthodologie commune.

Comme on l’avait constaté dans l’édition 2018 du rapport, l’entrepreneuriat hybride est toujours très élevé au Québec comparativement au RDC. On parle alors de gens qui ont lancé une entreprise tout en conservant un emploi salarié dans une autre organisation.

Le chapitre 4 du rapport du GEM est consacré à ces entrepreneurs hybrides. On constate que le phénomène est plus répandu au Québec que dans le RDC. Selon les auteurs, le resserrement du marché du travail au Québec a probablement retenu une proportion plus importante d’entrepreneurs dans leurs emplois mieux rémunérés. Il est possible aussi que cet entrepreneuriat complémentaire découle de la place plus importante de ce qu’on appelle « l’économie des petits boulots » (traduction libre de « Gig Economy »), axée sur le travailleur autonome au détriment du salarié.

Montréal au sommet

Le rapport 2019 du GEM Québec se distingue par sa comparaison de la vigueur de l’écosystème entrepreneurial de Montréal avec d’autres régions métropolitaines ailleurs dans le monde. L’INRPME animera d’ailleurs un colloque sur les écosystèmes entrepreneuriaux dans le cadre du cadre du congrès de l’ACFAS, les 4 et 5 mai 2021.

Les 10 piliers de l’écosystème entrepreneurial sont répartis, selon Stam (2015), dans deux catégories : les conditions-cadres, qui comprennent les institutions formelles, la culture, les infrastructures physiques et la demande ; et les conditions systémiques, où l’on évalue la qualité des réseaux, du leadership, de la finance, du talent, des nouveaux savoirs et des services de soutien et des intermédiaires. Quelque 98 variables sont mesurées pour chacun de ces piliers.

L’écosystème de Montréal a été comparé à d’autres métropoles ailleurs dans le monde : Madrid, Barcelone, Le Caire, Tel-Aviv, Bratislava, Riyad, Sao Paulo, Abu Dhabi, de même qu’avec la Nouvelle-Écosse et l’Alberta. Montréal arrive au tout premier rang pour la qualité de son réseautage et ses infrastructures. L’écosystème montréalais se classe au 2e rang pour le leadership, le financement et la demande, au 3e rang pour le talent, les savoirs, les services de soutien et les intermédiaires. Montréal est au milieu du peloton pour les deux autres paliers : institutions et culture entrepreneuriale.

La synthèse des notes pour chacun de ces piliers produit une note de 6,7 pour Montréal, à égalité avec Riyad, ce qui incite les auteurs à qualifier l’écosystème entrepreneurial le plus dynamique des régions participantes.

Méthodologie

Les données du GEM sont basées sur deux grandes enquêtes annuelles : l’enquête auprès de la population adulte (au moins 2 000 répondants par pays participant) et une autre auprès d’un échantillon d’experts. L’objectif est de comprendre l’effet des politiques publiques et des programmes de soutien à l’entrepreneuriat. Quelque 7651 personnes ont répondu à l’enquête au Canada, dont 757 au Québec.

Le total de l’activité entrepreneuriale émergente (TAE) est composé des entrepreneurs naissants, qui ont créé une entreprise et versé jusqu’à trois mois de salaires, et des nouveaux entrepreneurs, définis comme ayant versé des salaires sur une période allant de 4 à 41 mois. Le TAE atteignait 17,3 % au Québec, en forte progression sur l’année précédente, et 18,4 % au RDC en 2019.

Bon choix

Le Québec se distingue toujours en matière de valorisation de l’entrepreneuriat, avec 71,3 % des répondants qui estiment que cela est un bon choix de carrière, comparativement à 68,6 % pour le RDC. Le Québec n’est devancé que par quatre États dans le classement du GEM, derrière les Pays-Bas au premier rang, suivis par la Pologne, le Chili et le Portugal.

Cependant, l’écart entre le Québec et le RDC s’est considérablement rétréci depuis 2013, où le taux d’approbation était de 78,1 % au Québec contre 55,1 % au RDC. Même en 2018, l’écart était encore de plus de 14 points.

Étrangement, les Québécois connaissent personnellement assez peu d’entrepreneurs dans leur entourage comparativement aux pays membres de l’OCDE. Seulement 43,2 % des répondants du Québec disent connaitre une personne qui a démarré une entreprise au cours des deux dernières années, comparativement à 58,7 % des répondants du RDC.

Le rapport 2019 du GEM comporte une nouvelle mesure du talent entrepreneurial, basée sur les dispositions et les perspectives liées à la possibilité de devenir entrepreneur. On y évalue l’opportunisme, la proactivité, la créativité et la vision. Pour chacun de ces facteurs, le Québec se classe dans la médiane comparativement aux autres États.

L’intention de démarrer une entreprise dans les trois prochaines années a grimpé au Québec en 2019, atteignant 21,1 % comparativement à 18,4 % un an plus tôt. On constate que cette intention est très variable d’une année à l’autre au Québec, où le taux le plus bas était à 15 % en 2015 et le plus élevé a atteint 25,6 % en 2017. En comparaison, le taux constaté au RDC a été en progression constante pratiquement chaque année depuis 2013. La proportion d’entrepreneurs établis au Québec, à 5,3 %, est inférieure à celle du Canada (8,1 %) et sous la médiane des pays de l’OCDE. Depuis le sommet de 8,5 % constaté en 2014, ce taux est en constante diminution au Québec.

Les motivations

Dans le passé, le GEM distinguait les entrepreneurs qui ont ciblé une opportunité pour se lancer de ceux qui ont lancé leur entreprise parce qu’ils n’ont pu trouver une meilleure proposition d’emploi. Cette dichotomie était jugée trop réductrice pour comprendre la réalité plus complexe.

Pour l’édition 2019, on a suggéré aux répondants quatre motivations supplémentaires pour mieux comprendre ce qui provoque l’intention d’entreprendre :

1) pour faire une différence dans le monde ;

2) pour créer une grande richesse ou des revenus très élevés ;

3) pour poursuivre une tradition familiale ;

4) pour gagner sa vie parce que les emplois sont rares.

Chaque entrepreneur émergent devait indiquer sur une échelle de 1 (fortement en désaccord) à 5 (fortement en accord) s’il s’agissait d’une de ses motivations pour lancer son projet.

C’est au Québec où l’on trouve la plus grande proportion des entrepreneurs émergents qui veulent faire une différence dans le monde, à 74,1 %, comparativement à 65,4 % dans le RDC.

Le Québec devance aussi le RDC pour le volet de la poursuite de la tradition familiale (56,5 % contre 44,1 %), mais les entrepreneurs émergents du Québec sont moins nombreux que ceux du reste du Canada à vouloir créer plus de richesse ou à vouloir gagner leur vie.

Les chercheurs de l’INRPME ont déjà collecté leurs données pour l’année 2020, et ils reconnaissent qu’il faudra mesurer l’impact de la pandémie sur le dynamisme entrepreneurial.