Christopher Skeete

Le gouvernement du Québec continue ses efforts pour alléger le fardeau administratif et réglementaire imposé aux entreprises, assure le ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete. Le projet de loi 85 (Loi modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau réglementaire et administratif) qu’il a déposé en décembre dernier à l’Assemblée nationale est une nouvelle étape en ce sens, déclare-t-il au Portail de l’assurance.

Député de Sainte-Rose à l’Assemblée nationale, M. Skeete est aussi ministre responsable de la région de Laval et ministre responsable de la Lutte contre le racisme. Nous l’avons joint pour qu’il commente le Rapport sur la paperasserie publié par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui estime à plus de 51 milliards de dollars (G$) le coût administratif et réglementaire imposé aux entreprises, et près de 11 G$ pour le Québec seulement.

La FCEI estime qu’environ 35 % de ces sommes relèvent de la paperasserie inutile, ce qui vaut 3,8 G$ par année au Québec seulement. La Fédération ajoute que ce fardeau est particulièrement lourd pour les petites et moyennes entreprises (PME) qu’elle représente.

Lors du breffage de presse qui a suivi le dépôt du projet de loi 85 le 4 décembre dernier, le ministre Skeete soulignait les efforts de son gouvernement en matière d’allègement. Il estimait que les gestes déjà posés représentaient des économies d’environ 200 millions de dollars (M$) par année.

Christopher Skeete reconnaît que l’effort de réduction de la paperasserie n’est pas terminé. « Non, ça ne va pas assez vite à mon goût », dit-il.

Plan d’action

En déposant en décembre 2019 son Plan d’action gouvernemental en matière d’allègement réglementaire et administratif, qui couvre la période 2020-2025, le gouvernement Legault prévoyait 47 mesures. Celles-ci visaient à réduire de 15 % le nombre de formulaires et de 20 % le coût de ces formalités.

« Quand on a déposé le plan, c’était la première fois qu’un gouvernement s’engageait à répéter l’exercice chaque année », indique M. Skeete. « Oui, il reste du travail à faire et on pense déjà à ce qu’il faudra inscrire dans la prochaine version du Plan d’action », poursuit-il.

Le gouvernement du Québec fait des efforts et ceux-ci sont reconnus par la FCEI dans son bulletin annuel où elle donne une note aux différentes provinces. « J’ai même déjà reçu le prix Ciseaux d’or de leur part », souligne-t-il.

À cet égard, le 31 janvier 2025, toujours dans le cadre de la 16e édition de la Semaine de sensibilisation à la paperasserie, la FCEI n’a pas attribué son Prix Ciseaux d’or. C’est la première fois en 10 ans que ce prix, visant à souligner la contribution d’un gouvernement dans la réduction du fardeau administratif durant l’année précédente, n’est pas attribué.

Les timbres sur la bière

Le 4 décembre dernier, M. Skeete se réjouissait particulièrement de la nouvelle disposition du projet de loi 85 concernant le marquage des contenants de boissons alcooliques. « On propose de retirer l’obligation de marquer les contenants de bière qui sont vendus et livrés notamment dans les restaurants et les bars du Québec et qui sont fabriqués par une microbrasserie », disait-il alors.

Le marquage sera supprimé pour les entreprises qui produisent moins de 15 millions de litres par année. « Ça a quand même pris deux ans pour enlever les timbres sur la bière », insiste-t-il.

« Tout le monde aime ça être là quand on coupe le ruban, quand on dépose un projet de loi. Mais quand vient le temps de faire le ménage dans les lois, il n’y a pas beaucoup de gouvernements qui s’attardent à le faire », ajoute Christopher Skeete.

Le projet de loi 85 prévoit notamment de supprimer la nécessité de détenir un permis pour exploiter un commerce au détail de matériel vidéo. « Ça a l’air d’un détail, mais ça représentait des formalités inutiles pour les gens qui continuent de vendre des DVD en vrac », explique-t-il.

Chaque loi adoptée est accompagnée de sa réglementation ; éliminer des règlements « est un travail de moine qui nécessite beaucoup d’interventions auprès des autres ministères », dit-il. Certaines formalités semblent être peu de choses, mais le total des exigences peut devenir très lourd pour les entreprises. « On vient livrer 20 M$ en économies supplémentaires avec le projet de loi 85 », dit-il.

La Commission de l’économie et du travail tiendra des consultations particulières sur le projet de loi 85 les 11 et 12 février prochains. La FCEI fait partie des organismes qui viendront présenter leurs observations aux députés.

Christopher Skeete a aussi parrainé le projet de loi 17, adopté en 2023, qui visait aussi à alléger le fardeau réglementaire. Il souligne que le ministre des Finances Éric Girard inclut aussi des mesures à cet égard chaque fois qu’il dépose un projet de loi omnibus.

À la FCEI

François Vincent

Joint par le Portail de l’assurance, François Vincent reconnaît les efforts de Christopher Skeete, avec lequel il copréside le comité-conseil sur l’allègement administratif et réglementaire du gouvernement du Québec. Ses membres se réunissent deux fois par année. Vice-président de la FCEI pour le Québec, M. Vincent souligne d’ailleurs l’amélioration de la note globale du Québec dans le plus récent classement des provinces publié par la FCEI.

« Le Québec fait bien et l’allègement fait partie des priorités. Les initiatives sur le logement aussi lui ont valu des points bonis », dit-il.

Le gouvernement s’était effectivement engagé à réduire les formalités. « Le gros problème de sa démarche demeure la méthodologie », ajoute-t-il. Pour être considéré comme une formalité administrative ou réglementaire, le document demandé doit être exigé par une autorité administrative ou gouvernementale.

Par exemple, le processus imposé par l’Office québécois de la langue française (OQLF) passe par le site web de l’organisme.

Cependant, selon M. Vincent, toutes les obligations qui découlent de la loi 25 ne sont pas comptabilisées. Une partie des formalités a été externalisée et ne relève pas de l’OQLF, mais au total, les entrepreneurs sont néanmoins ensevelis dans la paperasse s’ils veulent respecter les obligations légales en matière de francisation. « Ça fait partie des changements que nous demandons dans le prochain plan d’action. »

Les décrets de convention collective

Le 20 septembre 2023, lors des consultations parlementaires sur le projet de loi 17, François Vincent avait invité le gouvernement à abolir la Loi sur les décrets de convention collective. Quelque 3,7 % des entreprises comptant des employés — elles seraient 10 240 selon la FCEI — étaient alors assujetties à cette loi.

Les dispositions d’un décret sont d’ordre public. Le décret fixe les conditions de travail minimales qui doivent être offertes à l’ensemble des salariés concernés, incluant des gens qui ne sont pas syndiqués. Parmi les comités paritaires qui discutent du contenu de ces décrets, l’exemple le plus souvent cité par la FCEI est celui qui encadrait les salons de coiffure pour hommes.

Le dernier qui existait couvrait la région de Gatineau. Le ministre du Travail Jean Boulet a réussi à le faire abolir durant le premier mandat du gouvernement Legault. « On n’en entend plus parler et l’apocalypse qui était appréhendée n’a pas eu lieu », dit-il.

Il existe encore de tels décrets pour encadrer les services automobiles dans plusieurs régions. La FCEI a obtenu des signatures de quelque 1 500 entrepreneurs qui réclament l’abolition de ces vestiges des lois qui ont précédé la Loi sur les normes du travail.

« Les entreprises sont assujetties aux normes de ces conventions collectives même si elles ne les ont pas signées. On ne les invite même pas aux assemblées générales des comités paritaires. Les entrepreneurs découvrent le décret quand c’est publié dans la Gazette officielle. »

On leur impose des obligations de formation continue, une taxe sur la masse salariale, etc. « C’est la quintessence de ce qu’est la paperasserie », dit-il. « Les comités paritaires ne sont même pas assujettis à la Loi sur l’accès à l’information. Ils sont juges et parties en même temps » et ce type de fonctionnement est unique en Amérique du Nord.

« Ce sont de grandes entreprises qui sont derrière ces comités paritaires et qui créent des barrières à l’entrée pour étouffer la concurrence des plus petites entreprises », ajoute François Vincent. Il promet de répéter cette demande lors des travaux parlementaires sur le projet de loi 85.

Une priorité

François Vincent estime que le ministre délégué à l’allègement administratif devrait répondre de ses actions auprès du ministère du Conseil exécutif, donc du bureau du premier ministre, et non pas au ministre de l’Économie. La FCEI en a déjà fait la recommandation dans ses représentations antérieures et « ça sera aussi dans notre mémoire sur le projet de loi 85 », note M. Vincent.

« L’allègement réglementaire, ce n’est pas juste d’avoir moins de règlements, mais c’est d’avoir une saine gouvernance. Comment peut-on améliorer l’efficacité gouvernementale et la prestation de services ? Ça prend un responsable du dossier, avec un plan, des indicateurs de mesure et des résultats, et ça, le gouvernement du Québec le fait. »

Il donne en exemple les dispositions relatives au transport des boissons alcooliques, qui seront assouplies par le projet de loi 85. « On ne parle pas de matières dangereuses ici. »

« Réduire la paperasserie ne coûte pas un sou au gouvernement, mais cela a un impact direct sur la productivité des entreprises », insiste-t-il.