Après avoir vendu ses activités en assurance de dommages, Anne Martel a pris une pause.

Celle-ci lui a permis de réfléchir à comment faire évoluer son modèle d’affaires en tant qu’entrepreneure. Un point clé en est ressorti : le besoin du client pour des conseils.

Elle a alors décidé de renoncer aux commissions offertes par les assureurs et de plutôt facturer des honoraires aux clients qui voudront profiter de son conseil. L’entrepreneure a aussi cessé de vendre de l’assurance.

Elle vend plutôt des capsules Web offrant des conseils personnalisés aux gens magasinant une protection pour leurs biens ou leur entreprise. Ceux qui veulent profiter de ses conseils pour qu’elle fasse le magasinage peuvent payer une rétribution supplémentaire si tel est leur souhait. Tous les tarifs sont établis à l’avance, prend-elle soin de préciser, en fonction d’honoraires facturés à l’heure.

Avec son fils Charles-Hugo Lecomte, elle a ainsi créé Alcor&Mizar. Son fils sera responsable de tout le volet numérique de l’entreprise.

Mme Martel a passé les douze derniers mois à échanger avec l’industrie pour mesurer l’accueil face à son nouveau modèle d’affaires. L’entreprise est ainsi en rodage depuis quelques semaines, ayant déjà des clients provenant du bouche-à-oreille. Le lancement officiel se fait aujourd’hui, le mardi 14 septembre.

Transformer le monde de l’assurance

Avec ce lancement, Mme Martel ne cache pas son ambition : transformer le monde de l’assurance. Le motto de l’entreprise se présente ainsi : « L’art de déjouer les ruses de l’assurance ».

Doit-on y voir une critique des façons de faire de l’industrie ? Non, dit-elle. Avec son nouveau modèle, l’entrepreneure dit vouloir avant tout permettre aux consommateurs et aux dirigeants d’entreprise de se battre à armes égales avec les assureurs. Par ses capsules, ses clients pourront poser les bonnes questions à leur courtier ou à leur agent. Ceux qui le souhaiteront pourront par la suite souscrire aux services de consultation pour réaliser leur magasinage, qui fera autant appel à des courtiers qu’à des agents.

Alcor&Mizar ne se limitera pas au courtage. L’entreprise magasinera ainsi tant auprès d’assureurs à courtage que d’assureurs directs.

L’idée de proposer ses services ainsi germait déjà dans sa tête lorsqu’elle s’était associée avec son frère Richard Martel pour lancer Martel & Martel. L’entreprise se positionnait comme un guichet unique pour les entrepreneurs visant à combler leurs besoins en assurance des entreprises et en assurance collective. L’entreprise offrait aussi un service de consultation à honoraires pour les entrepreneurs privilégiant cette option.

En 2016, elle a pris la décision de passer à Applied epic comme système de gestion de courtage. Cela lui a permis de suivre les données qu’elle voulait pour ses clients, comme le temps qu’il lui fallait en moyenne pour renouveler les couvertures d’assurance d’un client ou le temps pour l’accompagner dans le choix d’un avenant ou du traitement d’une réclamation.

« Je reviens à l’essence du conseil en lançant ce nouveau modèle. Je goûte de nouveau à ce que c’est que d’être un vrai courtier. » - Anne Martel

« Ça m’a permis de déterminer le bon taux horaire pour les services que j’offrirai. Je vends ainsi mes services comme dans une boutique », explique-t-elle.

Sa réflexion a aussi porté sur l’évolution des relations entre courtiers et assureurs. Mme Martel en est venue à la conclusion qu’un jour, les courtiers seraient une épine au pied des assureurs et que ces derniers pourraient être tentés de les éliminer. D’où l’urgence de se redéfinir selon elle. C’est là que lui est venue l’idée de vendre ses conseils tirés de son expérience de 30 ans en assurance, avec un tarif à l’heure.

« Je reviens à l’essence du conseil en lançant ce nouveau modèle. Je goûte de nouveau à ce que c’est que d’être un vrai courtier. Les assureurs à courtage m’ont transformée en vendeuse parce qu’ils se sont sentis menacés dans leur modèle d’affaires compte tenu de la montée des assureurs directs, qui sont venus chercher leurs clients. Plusieurs courtiers trouvent cela difficile d’évoluer dans les modèles actuels. Quand le seul et unique objectif tourne autour de la rentabilité et de la performance, ça ne peut plus tenir la route en 2021 », dit-elle.

En lançant Alcor&Mizar, Mme Martel dit ainsi s’éloigner des modèles de vente inculqués par les assureurs à courtage. « On se devait de performer pour vendre de nouvelles polices, se préoccuper des renouvellements, en amenant des pourcentages d’augmentation des primes chaque année, tout en nous demandant de développer de la nouvelle clientèle. Pour un courtier, ça ne peut pas être une motivation le matin », dit-elle.

Comment déjouer les ruses de l’assurance

La nouvelle entreprise de Mme Martel est donc un cabinet d’assurance régi par l’Autorité des marchés financiers, mais qui ne fait pas de vente d’assurance. Elle dit redonner ce bonheur aux agents et aux courtiers d’avoir un rôle-conseil exclusif, puisque son modèle d’affaires repose sur des honoraires facturés à l’heure. C’est de cette manière qu’elle dit souhaiter mettre un terme aux ruses de l’assurance.

Quelles sont ces ruses ? Les stratégies de mises en marché des assureurs, répond Mme Martel. « Chaque assureur a la sienne. Les consommateurs et les entrepreneurs y sont complètement perdus. L’assurance est une jungle dans laquelle il est difficile de se retrouver. En 2021, nous sommes encore en train d’expliquer quelle est la différence entre un courtier et un agent. La ruse, c’est que ce sont les assureurs qui dictent les règles de mise en marché. Pour un courtier, c’est difficile de les défier, car il n’y a presque plus d’assureurs. »

C’est aussi là qu’elle dit voir le bonheur de mettre Alcor&Mizar au monde. Son entreprise ne mettra plus des assureurs en concurrence. Des cabinets pourraient appeler à l’être, donnant en exemple que pour un client, elle pourra comparer l’offre offerte par Lussier Dale Parizeau à celle du Groupe DPJL pour illustrer son propos. Si un deuxième courtier est sollicité, c’est souvent pour accéder à des soumissions que le premier n’a pas. Un assureur direct pourra alors être contacté dans la même veine, précise-t-elle.

« Mon modèle s’établit sur la consultation, comme l’est un avocat ou un comptable. Je n’ai pas de compte à rendre aux fournisseurs. Je n’ai aucun lien avec l’assureur, qu’il soit direct ou à courtage. J’ai les deux mains sur le volant. Je redonne le pouvoir au consommateur et à l’entrepreneur qui prennent conscience de leurs choix », dit-elle.

Mme Martel affirme aussi que son modèle permet à ses clients de réaliser des économies. Elle estime qu’elles sont en moyenne de 26 % pour un client en assurance des particuliers qui achètent une capsule et qui en appliquent les conseils entendus.

Mme Martel tire cette moyenne des clients qui ont utilisé ses services jusqu’à présent, en mettant l’accent sur les rabais que connaît le courtier, mais pas nécessairement le client lors de son renouvellement. Idem pour le maintien de certaines garanties, dit l’entrepreneure.

« Si je conseille à un client de poser telle question ou de faire tel geste, c’est toujours en gardant son intérêt sous les yeux. C’est la mission du courtier. En lançant Alcor&Mizar, je revis la situation du courtage tel que je la connaissais à mon arrivée dans l’industrie, mais en me faisant rémunérer par le client et non plus par l’assureur. C’est très gratifiant ! »

40 collaborateurs pour bâtir les capsules

Pour développer ses capsules, Mme Martel a fait appel à environ 40 collaborateurs. Quelle est leur principale force, selon elle ?

Les capsules n’obligent pas le consommateur à magasiner son assurance, mais plutôt à poser les bonnes questions à son agent ou à son courtier. C’est là que ses clients économisent des sous, rappelle-t-elle.

« Les capsules viennent donner le contrôle de la conversation au client. Elles donnent accès à du contenu qui lui permet d’échanger d’égal à égal avec lui. Nous aidons le client à aller chercher les primes payées en trop plutôt que de l’obliger à magasiner. Il ne sait pas qu’en assurance de dommages, les renouvellements sont automatisés, mais pas les rabais qui vont avec », dit-elle.

Mme Martel ajoute que si le consommateur économise lorsqu’il change d’assureur au renouvellement, c’est parce que l’on fait la mise à jour de son dossier, qui n’est pas aussi complète s’il reste avec le même assureur. « En lui faisant repasser tous ces points, c’est là qu’on trouve des économies pour lui », dit-elle. Elle souligne que pour les gens ayant demeuré sept ou huit ans chez le même assureur, les économies dépassent parfois la barre des 50 %.

Comment expliquer un tel écart ? « Parce que les intérêts du client ont été mis au cœur de la démarche, dit-elle. Ça ne veut pas dire que les courtiers ne travaillent pas pour leurs clients. Toutefois, les modèles d’affaire des assureurs les empêchent de mettre cet intérêt du client au cœur de leurs démarches. »

En rodage depuis un an, Anne Martel s’attend à ce qu’Alcor&Mizar génère un achalandage important. Elle affirme que grâce à l’outil numérique Calendly, qui permet la prise de rendez-vous virtuelle, elle pourra s’adapter à la demande pour ses services (débordant les conseils offerts dans les capsules). Quatre professionnels certifiés ont été embauchés pour l’épauler au départ à titre de stratèges. D’autres pourraient s’ajouter si la demande est au rendez-vous, dit-elle.

Avec Alcor&Mizar, Anne Martel a ainsi l’impression d’amener en assurance la transformation qui a eu lieu dans d’autres industries. Elle en prend pour exemples nesto et Proprio Direct dans le secteur immobilier.

« L’assurance est un mal nécessaire. Les gens sont tannés et frustrés de leur incompréhension face à l’assurance. Je les réconcilie avec une industrie difficile avec ses petites clauses et ses petites subtilités. L’assurance n’a jamais été quelque chose qui est clair net et précis. Il y a toujours un sentiment de crainte et de peur qui y est associé. Ont-ils obtenu un prix juste ? Qu’arrive-t-il lors d’une réclamation ? Les gens découvrent parfois qu’ils ne sont pas assurés. Ce n’est pas une expérience client que l’on souhaite », dit celle qui offre aussi des capsules portant sur les réclamations sur son site Web.

Mme Martel ajoute que la notion d’assurance tous risques qui est proposée par l’industrie ajoute de la confusion dans l’esprit des gens. Elle en prend pour exemple le refoulement d’égouts. « Les gens ne le prennent pas, soit parce qu’ils n’ont pas bien compris le processus au départ ou parce qu’ils n’ont pas compris l’importance de la chose lorsque leur courtier leur a présenté. On vient réconcilier tout cela. »

« On réconcilie aussi les gens avec leur courtier ou leur agent, car ils ont une meilleure vision de leur actif financier sur lequel ils travaillent toute leur vie au bout du processus », dit-elle.

Par ailleurs, Mme Martel lance un appel à la collaboration à l’industrie. Elle a ainsi partagé les grandes lignes d’un message destiné à l’industrie de l’assurance, qui sera publié sur son site Web. « Nous désirons collaborer, comprendre les enjeux, rectifier le tir et faire en sorte que les intérêts des clients passent en premier. Nous souhaitons que nos clients communs aient une meilleure compréhension de notre industrie afin de pouvoir traiter d’égal à égal avec leur assureur. Nous sommes impatients d’échanger avec vous, dans un esprit de bienveillance et la perspective de nos objectifs communs, afin que notre industrie soit mieux comprise et mieux aimée des entrepreneurs et des consommateurs », peut-on y lire.

Mme Martel y relate aussi qu’Alcor&Mizar est née du « désir profond » d’aider les entrepreneurs à surmonter leurs défis, comme la gestion des liquidités et la hausse des primes d’assurance, dans le contexte de la pandémie de COVID-19. « Cette volonté d’offrir un accompagnement personnalisé a coïncidé avec la demande d’une entrepreneure qui cherchait à mieux comprendre notre industrie très complexe. Ayant à cœur de ¨passer au suivant¨, de servir les PME et de répondre concrètement à leurs besoins, nous avons donc lancé ce nouveau service innovateur, qui leur permettra de mieux s’y retrouver dans ce secteur difficile », indique-t-elle.

Pourquoi Alcor&Mizar ?

D’où vient le nom Alcor&Mizar ? Anne Martel a partagé la réflexion qui l’a mené à choisir ce nom pour son entreprise avec le Portail de l’assurance.

Alcor et Mizar sont deux étoiles de la Grande Ourse difficilement perceptibles à l’œil nu. Les meilleurs explorateurs qui arrivaient à les apercevoir dans le ciel étaient reconnus comme des explorateurs possédant une vision plus que parfaite. « Cela symbolise la vision du milieu de l’assurance que nous voulons transmettre », dit-elle.

Aussi, si elle a choisi cette notion de bonne étoile, parce qu’elle réfère aussi au second fils d’Anne, Justin, décédé après sa naissance. « Ce fut une épreuve terrible, mais Justin est aujourd’hui l’étoile qui brille pour nous et représente la source même du nom et de la raison de l’entreprise », confie l’entrepreneure.