Lancée le 25 janvier 2025, la consultation de l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) sur le choix entre trois options pour uniformiser les règles de rémunération des représentants de courtier en épargne collective avec celles des représentants de courtiers en placement a suscité 40 commentaires de courtiers, de représentants et d’associations. Elle a pris fin le 25 mars 2024. 

L’OCRI souhaite faire disparaître une inégalité : les représentants de courtier en épargne collective sont autorisés à verser la rémunération qu’ils reçoivent à un tiers. Les représentants de courtier en placements ne le peuvent pas. Dans son énoncé de position intitulé Options politiques pour équilibrer le terrain de jeu de la rémunération des conseillers, le régulateur propose trois approches.

  1. Approche consolidée fondée sur le versement de commissions à des tiers 
  2. Approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées (représentants)  
  3. Approche fondée sur des sociétés inscrites  

Le régulateur a déjà fait son lit. Dans son énoncé de position, il écrit privilégier la deuxième approche, soit l’approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées. 

Préserver la multidisciplinarité 

Les courtiers principalement actifs au Québec font consensus : le représentant doit pouvoir exercer ses activités en épargne collective à travers un cabinet incorporé dans une autre discipline. Cela lui permet de verser à ce cabinet les commissions reçues de son courtier en épargne collective. 

Pour plusieurs courtiers et représentants en épargne collective, il en va du respect du modèle multidisciplinaire propre à l’environnement réglementaire québécois. Au Québec, la Loi sur les valeurs mobilières permet au représentant en épargne collective de partager une commission reçue du courtier qu’il représente à son cabinet incorporé et inscrit dans une autre discipline, par exemple en assurance de personnes.

L’article 160.1.1 de la Loi sur les valeurs mobilières stipule que le courtier inscrit à titre de courtier en épargne collective ou de courtier en plans de bourses d’études ne peut partager la commission qu’il reçoit qu’avec un autre courtier ou conseiller régi par la présente loi, un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome régie par la Loi sur la distribution de produits et services financiers ». 

Courtier de l’agent général Groupe Cloutier, Groupe Cloutier Investissements rappelle dans son commentaire à l’OCRI que cet amendement de 2018 à Loi sur les valeurs mobilières visait « à encourager le développement de modèles d’affaires multidisciplinaires ». 

Le problème de fiscalité demeure 

Or, les participants à la consultation veulent être rassurés davantage. Lors du Colloque des fonds d’investissement du Conseil des fonds d’investissement du Québec, tenu le 8 mai 2024, l’OCRI a relaté que plusieurs demandaient plus de certitude fiscale. Le régulateur a alors précisé que cela n’est pas de son ressort. 

Dans son commentaire, MICA Capital, courtier en épargne collective de l’agent général MICA Cabinets de services financiers, cerne le problème. « Actuellement, le principal enjeu pour les courtiers en épargne collective et les représentants du Québec est plutôt un enjeu fiscal vis-à-vis de Revenu Québec quant à l’imposition de ces sommes ainsi versées en application de l’article 160.1.1 », écrit-il à propos du partage de commissions. 

Imaginons un instant l’humeur des conseillers qui ont le malheur de devenir « des clients de Revenu Québec » - Conseil des Partenaires du réseau SFL 

Société sans but lucratif qui regroupe quelque 550 conseillers, le Conseil des Partenaires du réseau SFL illustre dans son commentaire ce que vivent nombre de conseillers. « Imaginons un instant l’humeur des conseillers qui ont le malheur de devenir “des clients de Revenu Québec” en recevant un appel téléphonique un vendredi après-midi à 16 h pour obtenir une liste de documents, parce qu’ils ont osé effectuer, en toute logique d’affaires, un partage de revenus avec leur cabinet », écrit Gilles Garon, président du Conseil des Partenaires du réseau SFL et conseiller en sécurité financière, ainsi que planificateur financier.

Gilles Garon

En 2022, le Conseil des Partenaires du réseau SFL avait pressé le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, d’agir dans ce dossier. Sa demande est jusqu’à maintenant restée lettre morte. 

Pour MICA Capital, il serait primordial que les éventuelles lignes directrices de l’OCRI n’entrent pas en contradiction avec la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, « et ainsi éviter qu’elles restreignent les cas d’applications qui y sont prévus ».

MICA souhaite aussi en arriver à ce que l’ensemble des activités professionnelles d’une personne exerçant dans le domaine financier puisse être réalisé dans une seule et même société de personnes autorisées. La personne ne serait donc plus obligée de créer une société additionnelle et distincte de la première. 

Arbitrage et relève 

De son côté, Groupe Cloutier Investissements salue le désir de l’OCRI de trouver une solution durable pour résoudre la question de l’imposition de la rémunération des représentants en épargne collective et celle des conseillers en placements. « Il est indéniable qu’il est temps de régler non seulement l’aspect fiscal de cette question, mais également de traiter d’autres enjeux, tel que l’arbitrage réglementaire pour les conseillers qui sont également inscrits dans le domaine de l’assurance de personnes », soutient-il dans son commentaire. 

Un arbitrage survient quand un conseiller vend un fonds distinct, qui est un produit d’assurance, plutôt qu’un fonds commun pour éviter que sa commission soit imposée par Revenu Québec. 

Groupe Cloutier Investissements fait valoir d’autres avantages de verser les commissions à une société, comme celui de faciliter l’entrée de nouveaux représentants en épargne collective dans la profession.

En outre, Groupe Cloutier Investissements croit que verser les commissions à une société pourrait simplifier l’acquisition de portefeuilles de clients par des conseillers qui désirent prendre leur retraite. La société incorporée rend plus accessible le financement nécessaire à l’acquisition, croit le courtier. Plusieurs autres courtiers et des représentants québécois ont fait ces remarques à l’OCRI. 

Pas d’horizon de temps 
Claudyne Bienvenu

Jointe par le Portail de l’assurance pour connaître le degré d’avancement des travaux, Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec et l’Atlantique de l’OCRI, n’a pas voulu avancer un horizon de temps quant à la proposition que soumettra le régulateur. « Nous avons évalué et étudié les réponses aux questions soulevées », assure-t-elle. Mme Bienvenu ajoute que l’OCRI est en discussion avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) quant à la forme que prendra sa publication pour commentaires. 

Le régulateur des fonds d’investissement a plusieurs travaux en cours, dont sa réflexion autour des réponses à sa consultation sur un modèle de tarification intégrée pour les courtiers, qui s’est terminée le 25 juin 2024.