Desjardins Sécurité financière (DSF) se retirera des produits individuels autonomes d’assurance soins de longue durée le 15 juin 2018. Ce retrait et celui d’autres joueurs du marché, comme Manuvie, découlent en majeure partie du retrait de Munich Re comme réassureur.

Ce créneau stagnait, malgré plus de 20 ans de promotion du produit au Canada, a expliqué en entrevue au Journal de l’assurance Cedric Thibault, directeur principal, développement des affaires, réassurance individuelle, de Munich Re. « L’assurance soins de longue durée représentait moins de 1 % des ventes d’assurance de personnes au Canada. Les ventes n’étaient pas au rendez-vous. Leur croissance demeurait faible, tout comme l’intérêt de la force de vente. »

Il ne s’agit pas d’un désaveu de Munich Re envers la pertinence du produit, assure M. Thibault. Le réassureur a plutôt décidé de concentrer ses efforts vers la recherche et développement. Notamment en modélisation prédictive, en sélection des risques automatisée, en données massives, notamment.

Le retrait du Canada n’est pas non plus une question de mauvaise expérience. Il souligne par ailleurs que le marché américain de l’assurance soins de longue durée, dans lequel Munich Re continue de réassurer les nouvelles affaires, a lui aussi ses problèmes, malgré un volume de vente important.

Le 2e plus gros joueur quitte

Desjardins quitte ce marché alors qu’il en était le deuxième meilleur vendeur. Les ventes n’étaient toutefois pas assez robustes au gout de l’assureur.

Nathalie Tremblay, chef des produits d’assurance vie et de prestations du vivant de DSF, précise toutefois que le retrait de Munich Re comme réassureur est ce qui a fait pencher la balance au final. Elle ajoute que l’assureur avait envisagé d’autres avenues avant de se retirer.

« Nous avons pensé à ramener la rente du produit de 10 000 $ à 5 000 $ par mois. Sauf que nos actuaires nous ont signalé que sans réassurance, il n’y a plus de gestion des risques externe. Desjardins aurait pu combler ce manque, mais le réassureur fournit aussi de la recherche et du développement. Pour les soins de longue durée, qui n’ont qu’un court historique au Canada, c’est très important. »

La probabilité qu’une personne perde son autonomie durant sa vie fait partie de l’expérience essentielle à la tarification de ce produit. « Les taux d’incidence se fondent sur les données américaines adaptées au marché canadien. Par exemple, l’âge moyen de perte d’autonomie a été fixé à 78 ans, selon une étude américaine crédible »

Une expertise trop lourde à combler

Desjardins utilisait des tables de Munich Re sur la probabilité de perte d’autonomie d’une population assurable. « Elles permettent à nos actuaires de tarifer le produit. Sans ces tables, l’assureur doit lui-même prendre en charge de les créer », dit Mme Tremblay. Outre les taux d’incidence, le réassureur fournit aussi l’expertise en sélections des risques, en matière d’exigences et de lignes directrices, explique la chef des produits d’assurance santé.

Elle a ajouté que les ventes d’assurance soins de longue durée de DSF avaient baissé de 27 % depuis le début de l’année. « On aurait pu investir bien des ressources en gestion des risques financiers, en recherche et développement et en sélection des risques, mais les ventes n’étaient pas là. Munich Re s’est retiré faute de volume et les autres assureurs sont arrivés à la même conclusion ».

DSF maintiendra plutôt sa présence dans ce marché par le biais de son produit hybride Vie Option Autonomie, qui permet à l’assuré en perte d’autonomie de toucher chaque mois une prestation équivalant à 1 % de son montant d’assurance vie. Mme Tremblay rappelle également que son produit d’assurance maladies graves individuel comporte une protection en cas de perte d’autonomie, comme c’est le cas de plusieurs autres produits de maladies graves dans le marché.

Question de prix

En entrevue avec le Journal de l’assurance, Claudine Cloutier, vice-présidente ventes et responsable principale, prestations du vivant, de Groupe Cloutier, s’est dite peu surprise de cette décision. Elle rappelle qu’avec le retrait de Desjardins, il ne restera comme produits autonomes de soins de longue durée offerts au Canada que ceux de Croix Bleue du Québec, Financière Sun Life et La Capitale.

Elle souligne que compte tenu du faible volume de vente, les assureurs ont réalisé que le produit n’aurait pu être viable à long terme, sans en augmenter le prix. Un choix difficile pour les assureurs dont les ventes n’étaient pas au rendez-vous au Canada, contrairement aux États-Unis, où il s’agit d’un produit couramment vendu. Elle signale de plus que les primes des produits ne sont pas garanties et que des assureurs les ont déjà augmentées par le passé.

Mme Cloutier continue de croire à l’importance de l’assurance de soins de longue durée. Elle mise sur les produits qui combinent cette protection à une autre protection de prestations du vivant. Elle invite ainsi les conseillers à offrir un produit hybride s’ils sont en mesure de le faire.

Les produits combinés dont la base est une assurance invalidité permettent que l’assuré transforme sa protection en assurance soins de longue durée, lorsqu’il atteint 65 ans. RBC et Manuvie en offrent, rappelle Mme Cloutier. Desjardins a aussi annoncé son intention de poursuivre les ventes de son produit hybride, qui combine assurance vie et soins de longue durée, rappelle-t-elle.

Un produit méconnu

Elle signale par ailleurs un produit méconnu qui constitue selon elle une excellente alternative : Tangible, de Croix Bleue. « Il offre automatiquement une transformation de l’assurance invalidité à l’assurance soins de longue durée à 65 ans, et l’assuré n’a plus à payer de primes par la suite », a expliqué Mme Cloutier.