Un groupe de conseillers demande une nouvelle fois au ministre des Finances du Québec, Éric Girard, de régulariser la situation du représentant en épargne collective qui partage une commission avec son cabinet d’une autre discipline, incorporé en société par actions.
Depuis plusieurs années, Revenu Québec fait planer une ombre sur la tête des représentants en épargne collective qui partagent leurs commissions en fonds communs avec leur cabinet (souvent en assurance de personnes ou en planification financière). Le fisc québécois a semé l’émoi chez plusieurs représentants dans les dernières années en leur émettant des avis de cotisation salés.
Les représentants s’estiment pourtant en droit de faire ce partage, puisque l’article 160.1.1 de la Loi sur les valeurs mobilières le permet (voir intertitre D’erreur en erreur). Traité comme un revenu d’entreprise, la commission partagée jouit ainsi d’un traitement fiscal privilégié.
Le fisc québécois ne le voit pas du même œil. Il exige en effet des représentants qu’ils justifient le montant du partage. Souvent, il n’en reconnaît qu’une partie et cherche ensuite à récupérer le reste, en lui appliquant le taux d’impôt propre aux particuliers.
Nous avons des consœurs et des confrères qui ont reçu des avis de cotisations de plusieurs dizaines de milliers de dollars – Conseil des Partenaires du réseau SFL
L’industrie demeure suspendue aux lèvres de l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI), qui prévoit de revenir avec une solution lorsqu’il aura fini d’analyser les 39 mémoires reçus le 25 mars 2024, au terme de sa consultation. La consultation a porté sur le choix entre trois options pour uniformiser les règles de rémunération des représentants en épargne collective avec celle des conseillers en placement.
L’OCRI a déjà manifesté dans son document de consultation qu’il préfère l’option 2. Cette option permettrait au courtier en épargne collective de rémunérer un conseiller en versant cette rémunération à une société qu’il détient.
Cotisation de plus de 400 000 $
En attendant la confirmation de l’OCRI, la guerre de tranchées se poursuit entre un regroupement de conseillers et Revenu Québec.
Dans une lettre adressée le 28 janvier 2025 au ministre des Finances du Québec, Éric Girard, le Conseil des Partenaires du réseau SFL l’exhorte à régulariser la situation des représentants en épargne collective. Le groupe de conseillers le presse d’intervenir auprès de Revenu Québec. Sa précédente demande au ministre Girard au printemps 2022 est restée lettre morte. Celle-ci lui avait d’ailleurs été remise en main propre au ministre, suivant une correspondance du 5 février 2022.
« Nous avons des consœurs et des confrères qui ont reçu des avis de cotisation de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Pour d’autres, ce sont des sommes dépassant les 250 000 $ et pour un cas particulier plus de 400 000 $ », peut-on lire dans la lettre signée par Gilles Garon, président ex officio du Conseil des Partenaires du réseau SFL.
Représentant en épargne collective auprès du courtier en épargne collective Desjardins Sécurité financière Investissements (DSFI), M. Garon exerce aussi en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et en planification financière. Les membres du Conseil traitent avec SFL Placements, cabinet de services financiers.
D’erreur en erreur
Au Québec, l’article 100 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) permet le partage d’une commission entre un cabinet et, entre autres, un représentant en épargne collective régi par la Loi sur les valeurs mobilières.
En 2009, l’adoption par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) du Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites a fait passer la discipline de représentant en épargne collective sous la coupe de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM).
En raison de ce changement, le titulaire d’un permis de conseiller en sécurité financière et d’un permis de représentant en épargne collective s’est retrouvé encadré par deux lois différentes, souligne la lettre du Conseil des Partenaires du réseau SFL. Elle ajoute que cela a mis un terme au partage de la rémunération en épargne collective avec un cabinet inscrit sous la LDPSF.
Dans une volonté de rétablir le partage de commission, la LVM a ensuite été corrigée en 2018 par l’ajout de l’article 160.1.1, dans la foulée de l’adoption du projet de loi 141 (Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières).
La lettre du regroupement de conseillers explique que la LVM ne précise toujours pas la proportion d’une commission qui peut être partagée par le représentant en épargne collective à un cabinet incorporé dans une autre discipline. D’où un flou qui a selon lui encouragé Revenu Québec à remettre en question les montants partagés à leur cabinet par les représentants en épargne collective.
Une forme de vendetta
La lettre à Éric Girard reproche à Revenu Québec une situation inéquitable « qui s’approche d’une certaine forme de vendetta ». Elle dit souhaiter que le ministre des Finances intervienne pour que cesse le traitement fiscal actuel du partage de commissions, et que les actions en cours d’exécution deviennent caduques.
Le Conseil des Partenaires du réseau SFL veut que le ministre « fasse reconnaître et préciser le sens du partage des revenus générés par la distribution des produits en épargne collective » entre le représentant et son cabinet. Il souhaite aussi le voir collaborer aux démarches de l’OCRI, « en proposant rapidement l’incorporation des revenus en épargne collective ».
En réponse par courriel à des questions du Portail de l’assurance, Gilles Garon ne cache pas son exaspération. « Cela fait cinq correspondances que nous adressons pour obtenir une rencontre et lui témoigner des drames financiers que cette situation apporte à grand nombre d’honnêtes citoyens qui font les frais des poursuites de revenu Québec », dit-il à propos du ministre des Finances.
M. Garon ne veut plus attendre. « Il faut que cela arrête maintenant, plutôt que de faire preuve d’attentisme aux recommandations futures de l’OCRI. Prendront-elles 1, 3, 6, 12 mois à être déposées ? » Il déplore que trop de gens soient imposés injustement « et en souffrent depuis trop longtemps », lance-t-il.