La santé financière des régimes de retraite à prestations déterminées atteint un sommet, selon des indices de deux firmes d’actuaires-conseils.
Selon l’outil de suivi des risques liés aux régimes de retraite d’Aon plc, le ratio de capitalisation global des régimes de retraite canadiens associés à l’indice composé S&P/TSX a augmenté. Le ratio selon l’outil appelé Pension Risk Tracker est passé de 101,8 % à 102,1 % au cours des trois premiers mois de 2023.
La capitalisation de ces régimes continue d’augmenter. L’analyse quotidienne réalisée par l’outil révèle que la capitalisation des régimes s’est portée à 102,5 % le 5 juillet 2023. L’outil des risques liés aux régimes de retraite calcule l’état global de capitalisation sur une base comptable. Il le fait pour les sociétés de l’indice composé S&P/TSX qui offrent des régimes à prestations déterminées (PD). L’outil permet aux promoteurs de régimes de suivre individuellement et quotidiennement l’état de capitalisation de leur régime.
Selon Aon, les actifs des régimes ont gagné 1,2 pour cent au cours du deuxième trimestre de 2023. Pendant cette période, le rendement des obligations à long terme du gouvernement canadien a augmenté de 7 points de base (soit 0,07 %), et les écarts de crédit se sont creusés de 4 points de base (soit 0,04 %). Aon précise que la combinaison de ces deux facteurs « a entraîné une augmentation des taux d’intérêt utilisés pour évaluer les engagements du régime de retraite, passant de 4,60 % à 4,71 % ».
Occasion de réduire le risque
« Le rendement modéré des actifs et la faible augmentation des taux d’actualisation ont soutenu une légère augmentation du niveau de financement au cours du trimestre, dans un contexte de volatilité », déclare Jason Malone, associé principal, solutions pour le patrimoine d’Aon.
M. Malone observe qu’au cours du dernier trimestre, les régimes de retraite se sont maintenus à des niveaux de capitalisation sains. « Ce qui donne aux promoteurs des régimes le temps d’envisager des activités de réduction du risque et de prendre de meilleures décisions », ajoute M. Malone.
Rendement et taux élevés
Pour sa part, l’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite a terminé le deuxième trimestre de 2023 à 119 %, en hausse par rapport à la fin du premier trimestre au trimestre précédent (116 %). L’indice de Mercer suit le degré de solvabilité médian des régimes de retraite à prestations déterminées (régimes PD) qui figurent dans sa base de données, soit près de 500 régimes au Canada.
Avec un tel degré de solvabilité, on peut être assuré que les régimes ont les moyens de payer – F. Hubert Tremblay
Au deuxième trimestre, les rendements des placements des fonds de retraite ont été majoritairement positifs, signale aussi Mercer. Combinés à l'augmentation des taux obligataires, qui a réduit les engagements des régimes PD, ils ont permis d'améliorer la situation financière de la plupart des régimes PD.
Parmi les régimes figurant dans la base de données, 85% sont estimés avoir un excédent d’actif au deuxième trimestre de 2023 selon l’approche de solvabilité, contre 83% à la fin du premier trimestre, révèle en outre l’indice de Mercer. « La position des régimes PD continu de tirer parti des taux d’intérêt élevés, et bon nombre de régimes affiche actuellement un excédent d’actif », indique F. Hubert Tremblay, membre du partenariat, domaine avoirs, de Mercer à Montréal.
« C’est le niveau médian le plus élevé de notre indice depuis sa création il y a plus de 20 ans », précise M. Tremblay lors d'une entrevue avec le Portail de l’assurance à propos du deuxième trimestre de 2023. Il illustre ainsi la signification du degré de solvabilité de 119 % reflété par l’indice de Mercer au deuxième trimestre de 2023 : « Ce degré de solvabilité veut dire que le régime médian selon l’indice aurait 1,19$ dans sa caisse de retraite pour payer chaque dollar d’obligation envers ses participants, si le régime se termine. Avec un tel degré de solvabilité, on peut être assuré que les régimes ont les moyens de payer. »
M. Tremblay ajoute que l’approche sur base de solvabilité vise à évaluer la sécurité des prestations pour les participants. « On prend une photo des régimes en supposant qu’ils se terminent à une certaine date, à laquelle les prestations promises aux participants seraient réglées par la souscription d’une rente ou que l’obligation envers les participants soit satisfaite en un paiement unique », explique l’actuaire.
Ne pas rejouer dans le mauvais film
Grâce à la solvabilité qui établit un nouveau record chaque trimestre, les promoteurs de caisses de retraite peuvent souffler. « La prévalence des congés de cotisations est en augmentation. C’est l'une des façons dont les promoteurs utilisent les surplus actuariels des régimes de retraite », révèle F. Hubert Tremblay.
Or, F. Hubert Tremblay les invite à la vigilance. « Les promoteurs doivent maintenant décider de la façon optimale de gérer, voire de cristalliser cet excédent pour ne pas revivre la sombre époque des régimes nettement déficitaires », dit-il.
M. Tremblay rappelle que pendant de nombreuses années, les promoteurs ont dû verser des cotisations spéciales pour combler les déficits de solvabilité. L’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite avait atteint un creux en 2009, la solvabilité passant en dessous des 70 % un bref moment. Après une chute en 2020 au début de la pandémie de COVID-19, la solvabilité s’est ensuite redressée et croît presque sans interruption depuis.
« Les promoteurs ont versé des cotisations tellement importantes dans le passé qu’ils sont heureux de pouvoir réduire le niveau de leurs cotisations au régime de retraite sans mettre à mal la sécurité des prestations pour les participants », observe M. Tremblay. L’actuaire croit que l’utilisation des excédents de l’actif pour prendre des congés de cotisation continuera de façon assez généralisée chez les promoteurs de régimes en 2023.
Pour éviter de rejouer dans le mauvais film dont il parlait plus tôt, M. Tremblay précise que les promoteurs s’assurent d’avoir une exposition optimale aux risques des régimes de retraite. D'après lui, beaucoup se demandent si leur stratégie de placement et leurs mesures de contrôle des risques sont les bonnes. « Est- ce que l’on veut continuer de prendre des risques, et les risques que l’on prend sont-ils rémunérés en termes de rendement? »
Meilleur appariement
L'actuaire de Mercer dit faire présentement beaucoup d’étude avec les promoteurs, sur l’appariement des actifs de leur régime au passif de leur régime. « En pratique, cela signifie une révision de la politique de placement du régime. Certains voudront diminuer les risques en investissant davantage en obligations qu’en actions », souligne M. Tremblay.
Il explique que les promoteurs veulent ainsi mieux apparier l’actif du régime à son passif, pour se protéger contre une éventuelle baisse des taux d’intérêt. Il dit que cette stratégie est aussi « très généralisée » chez les promoteurs actuellement.
« Nous avons l’impression qu’il y a eu tellement une embellie dans la solvabilité des régimes de retraite que ça ouvre plusieurs portes. Tous les promoteurs devraient à ce point-ci bien comprendre leur exposition aux risques et l’appariement de leur actif-passif. De fait, plusieurs font présentement cette analyse », note-t-il.
Selon lui, les promoteurs peuvent ensuite évaluer le mérite de prendre des congés de cotisations à plus long terme, ou de se tourner vers des compagnies d’assurance pour assurer les rentes des retraités. Plusieurs répondent oui à la question des rentes collectives présentement, confie F. Hubert Tremblay.