Le pic de la pandémie de COVID-19 est derrière nous depuis près de deux ans, mais cette pandémie a entraîné plus de 14 000 décès excédentaires au Québec au cours des quatre dernières années. En pourcentage, cette surmortalité a toutefois été moins importante au Québec que dans le reste du Canada, indique une étude récente publiée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et des données toutes fraîches mises en ligne par l’Institut de la statistique du Québec.  

Selon les experts de ces deux organismes qui ont participé à ce rapport, la COVID-19 a ébranlé la tendance historiquement observée de la mortalité au Québec. Elle a provoqué une surmortalité dès son apparition dans la province. Elle a causé un pic de 56 % de décès en plus au plus fort de la première vague au printemps 2020. La pandémie a entraîné ou accéléré la mort de beaucoup de gens dans les années qui ont suivi son éclosion.

« Au total, écrit l’Institut de la statistique sur son site, entre le début de la pandémie et le 30 décembre 2023, on recense environ 19 400 décès liés à la COVID-19 (en cause initiale), relativement à 14 500 décès excédentaires. » 

Et ce n’est pas terminé. On meurt toujours des suites de la COVID-19 au Québec en 2024, plus de quatre ans après l’apparition du virus : le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), qui tient ces chiffres à jour, faisait état de 10 décès récents au 29 juin dernier.

La surmortalité des deux dernières années n’est toutefois pas attribuable uniquement au virus du SRAS-CoV-2, soulignent les auteurs de l’étude de l’INSPQ. D’autres facteurs démographiques et de santé publique tels que le trio de virus respiratoires VRS-influenza-COVID, apparu l’an dernier, y ont contribué.

14 500 décès de plus au Québec 

Entre le 23 février 2020 et le 26 août 2023, 249 261 décès auraient dû survenir dans la province selon la courbe historique de mortalité naturelle, indiquent les auteurs. Les autorités en ont plutôt recensé 261 661 pour cette période, soit 12 551 de plus qu’anticipé. Ce chiffre s’est toutefois accru dans les mois qui ont suivi. 

Au 30 décembre 2023, le nombre de décès supplémentaires s’est élevé à 14 500 selon l’Institut de la statistique, soit 5,3 % de plus qu’en période hors COVID-19. Ces 14 500 décès représenteraient le bilan net de la surmortalité survenue dans le sillage de la pandémie dans la province. 

Statistiquement, les hommes meurent plus tôt que les femmes et ce phénomène s’est reproduit lors de cette vague. Le pourcentage de surmortalité a été de 4 % chez les premiers et de 6 % chez les deuxièmes, un état qui pourrait s’expliquer par le fait que les hommes présentent un plus grand nombre de comorbidités. Le nombre de décès excédentaires a dépassé 5 300 chez les femmes et 7 200 chez les hommes. 

Les sommets les plus importants de décès sont survenus lors des vagues 1 de la COVID-19, du 23 février au 11 juillet 2020, et 5, du 5 décembre 2021 au 12 mars 2022, qui a suivi l’arrivée du variant Omicron. Selon l’Institut de la statistique, les effets de ce variant ont été beaucoup plus ressentis en Amérique du Nord qu’en Europe. 

Comparaisons avec le Canada et l’étranger 

Le taux de surmortalité de 5,3 % enregistré au Québec serait proche de celui de l’Australie, de la Norvège et de la Suède, mais il serait plus élevé qu’au Danemark (3 %) et au Japon (3 %). 

Il est toutefois très inférieur à celui du reste du Canada, qui s’établit en moyenne à 11 %, cite l’étude de l’INSPQ. Selon les chiffres de Statistiques Canada cités par les chercheurs québécois, la surmortalité la plus élevée au pays s’est élevée à 14 % en Alberta et à 15 % en Saskatchewan ainsi qu’en Colombie-Britannique.

Le Québec fait aussi beaucoup mieux que l’Italie (14 %) et la surmortalité a été beaucoup plus faible qu’aux États-Unis où elle s’est située en moyenne à 16 %.

Quelques pistes ont été soulevées par les chercheurs québécois pour expliquer l’écart favorable de la surmortalité entre le Québec, le reste du Canada et d’autres pays. Ils avancent la conjoncture démographique et épidémiologique ; la mise en œuvre et le respect des mesures sanitaires dans la province qui auraient pu limiter la transmission des agents favorables même si cette explication devra être confirmée ; la protection sociale au Québec et son impact sur l’état de santé des populations. 

« Les résultats qu’on obtient montrent une mortalité qui a été plus basse dans la province que dans le reste de l’Amérique du Nord et dans plusieurs pays à travers le monde. Si l’objectif était de limiter le nombre de décès, on peut considérer que les résultats ont été plus favorables au Québec », considère Frédéric Fleury-Payeur, démographe à l’Institut de la statistique, en entrevue avec le Portail de l’assurance

Aucun groupe épargné par la surmortalité 

Au Québec, aucun groupe d’âge de la population n’a été épargné par la surmortalité. 

Compte tenu de la taille de leur population, ce sont les personnes les plus âgées, soit les 89-90 ans et les 90 ans et plus, qui ont été les plus affectées 

  • Au niveau du nombre excédentaire de décès, c’est surtout chez les 60 à 69 ans et les 70-79 ans que la COVID-19 a provoqué le plus de décès, ce qui s’explique notamment par le poids démographique des membres de ces deux groupes. 
  • C’est toutefois chez les moins de 50 ans que la surmortalité relative a été la plus élevée dans tous les groupes d’âge, une situation qui aurait été notamment causée non pas par le virus, mais par les surdoses de substances nocives psychoactives, telles que les opioïdes, observées auprès de cette population et qui se maintient depuis. Les plus récentes données de l’Institut de la statistique indiquent toutefois qu’elle a été légèrement plus faible que celle indiquée dans l’étude de l’INSPQ. 

Frédéric Fleury-Payeur croit que la surmortalité liée à la période de la COVID-19 est maintenant derrière nous. « On semble, dit-il, être revenus dans un contexte où le nombre de décès totaux est conforme à ce qui serait normalement attendu. »