Alors que les activités annuelles de renouvellement des régimes d’assurance collective s’amorcent, la bonification de la rente d’invalidité qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024 complique les choses aux assureurs, en ce qui touche les assurés de 60 à 65 ans dans leurs régimes collectifs.
Actuellement, deux composantes servent à calculer la rente d’invalidité : une partie fixe indexée annuellement (558,71 $ en 2023) ; et une partie variable établie selon les revenus de travail inscrits au nom du cotisant au Régime de rentes du Québec (RRQ). La partie variable de la rente d’invalidité du RRQ correspond à environ 75 % de la rente de retraite créditée au participant. Deux composantes entrent dans son calcul, mais le RRQ ne verse qu’une seule rente d’invalidité.
À compter du 1er janvier 2024, un participant invalide âgé de 60 et 65 ans recevra plutôt la somme de deux rentes, explique SAI Services actuariels (SAI) dans une nouvelle publiée sur son site le 28 juin 2023 :
- Une rente d’invalidité d’un montant fixe
- Une rente de retraite
SAI rappelle que la modification découle de l’adoption par le gouvernement du Québec du projet de loi 17 en février 2022. Le projet de loi 17 a modifié plusieurs autres lois, dont la Loi sur le régime de rentes du Québec, et ses dispositions de la rente d’invalidité versée par le RRQ. Certaines modifications sont entrées en vigueur en 2022.
Impact significatif
La modification du 1er janvier 2024 pourrait toutefois avoir un impact plus significatif que celles de 2022, « sur le coût à long terme des protections d’invalidité offertes dans les régimes d’assurance collective », selon la firme d’actuariat.
SAI précise que la partie rente d’invalidité correspond au même montant uniforme que prévoit la rente d’invalidité actuelle (558,71 $ par mois pour l’année 2023). La nouvelle rente d’invalidité sera indexée annuellement.
La partie correspondant à la rente de retraite fait tiquer les assureurs. Son montant correspond à la rente de retraite du RRQ à laquelle le participant a droit à compter de 60 ans, mentionne SAI. Or, le participant invalide peut à partir de cet âge choisir entre toucher la rente de retraite bonifiée ou en reporter le versement jusqu’à ce qu’il atteigne 65 ans.
« Le participant invalide qui demandera le versement de sa rente de retraite avant 65 ans aura une réduction moindre que ce qui est prévu en cas de retraite avant 65 ans pour un participant qui n’est pas invalide. Cette nouvelle formule fait en sorte que le participant invalide qui fera sa demande de rente de retraite recevra du RRQ un montant total égal ou supérieur à ce qui est actuellement prévu par le régime pour une personne invalide entre 60 et 65 ans », illustre la firme d’actuariat.
Un assureur prend position
Le Portail de l’assurance a obtenu copie d’une communication de Beneva récemment envoyée aux intermédiaires en assurance collective du secteur privé. L’assureur y énonce sa position sur les modifications du RRQ au 1er janvier 2024.
À compter du 1er janvier 2024, les prestations versées par Beneva aux personnes invalides de 60 ans ou plus seront réduites de la somme de la prestation uniforme d’invalidité RRQ et de la rente de retraite RRQ, et ce, même si la personne invalide reporte la composante rente de retraite », peut-on lire.
Les régimes d’assurance collective privés coordonnent habituellement la rente d’invalidité de leur assuré avec celle qu’il reçoit du RRQ. Beneva a expliqué qu’afin de ne pas augmenter la tarification de ses régimes d’assurance salaire, les prestations d’invalidité ne doivent pas se substituer à celles actuellement versées par le RRQ.
Beneva dit que dans les cas où les prestations versées par l’assurance collective privée sont déjà réduites de la rente d’invalidité initialement versée par le RRQ, aucun recalcul des prestations versées par Beneva ne sera effectué. « Le montant des prestations versées par Beneva demeurera donc inchangé », précise l’assureur.
Un enjeu d’industrie
L’assureur a dit dans son message que l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) a fait des représentations auprès de Retraite Québec et d’autres instances gouvernementales.
« Toutefois, comme nous n’en connaissons toujours pas l’aboutissement à ce jour, Beneva prend dès maintenant les orientations (ci-dessus). Advenant que les démarches de l’ACCAP portent fruit, nos orientations n’en seront que clarifiées », écrit Beneva.
À temps pour les renouvellements
Le 1er janvier arrive rapidement. J’aime mieux agir maintenant et que nos preneurs sachent où nous allons - Éric Trudel
Dans son message aux intermédiaires, Beneva souligne qu’à compter de 2024, les contrats seront individuellement amendés lors de leur renouvellement afin d’apporter les précisions requises.
« Nous ajusterons nos textes contractuels pour intégrer l’ensemble des rentes de retraite Québec qui sont reliées à une invalidité. Nous précisons dans notre position que nous ne paierons pas plus qu’avant le 1er janvier 2024 », a dit en entrevue avec le Portail de l’assurance, Éric Trudel, vice-président exécutif et leader, assurance collective, de Beneva.
Il dit acheminer dans les prochaines semaines les libellés avec les nouveaux paramètres aux preneurs de régimes de grande taille, pour qu’ils puissent se préparer avant le 1er janvier 2024. Pour les plus petits groupes, il le fera au moins trois mois à l’avance. « On ne pouvait pas attendre la fin des démarches de l’ACCAP avant de faire nos modifications. Le 1er janvier arrive rapidement. J’aime mieux agir maintenant et que nos preneurs sachent où nous allons », ajoute M. Trudel. Il dit ainsi les prémunir d’une augmentation de leurs engagements envers leur régime.
Avant le 1er janvier 2024, Beneva entend aussi communiquer individuellement avec les assurés invalides concernés pour les aviser de l’orientation. Il les préviendra aussi que s’ils choisissent de reporter la nouvelle composante rente de retraite à 65 ans, leur régime d’assurance collective ne comblera pas le manque à gagner mensuel que ce report causera.
Question d’équité
M. Trudel revient au sujet de la future rente d’invalidité bonifiée. Il dit que la position de Beneva est aussi une question d’équité. « Ça ne ferait aucun sens que les régimes d’assurance collective privés doivent payer plus qu’avant, simplement parce que la rente actuelle d’invalidité de la RRQ est bonifiée et séparée en 2 composantes à partir de janvier 2024. Ce serait inéquitable par rapport aux générations antérieures de travailleuses et de travailleurs », fait valoir Éric Trudel.