Les demandes de règlement (réclamations payées) pour des services de professionnels en santé mentale ont plus que doublé entre 2019 et 2023, révèle le plus récent rapport Objectif santé de Sun Life. On y découvre aussi que ces demandes ont progressé de 20 % en 2023, par rapport à 2022.
Le rapport de Sun Life reflète les données de l’assureur sur les demandes (réclamations) en soins paramédicaux et frais de médicaments de plus de 3 millions de personnes couvertes par ses régimes d’assurance collective.
Selon le rapport, le nombre de participants de régimes ayant présenté des demandes de règlement pour des soins en santé mentale a augmenté de près de 70 %, entre 2019 et 2022, année des plus récentes données de l’assureur à ce sujet. « Nous recevons plus de demandes liées aux spécialistes en santé mentale parce que plus de participants présentent des demandes », peut-on lire dans le rapport.
Ruée vers les paramédicaux
On voit plus de gens utiliser la couverture paramédicale en santé mentale — Marie-Chantal Côté
Dans cette foulée les demandes de règlement de frais paramédicaux ont rebondi, après les creux de la pandémie de COVID-19, observés en 2020. Le rapport montre que le rebond a été plus marqué entre 2020 et 2021, et que la tendance demeure à la hausse en 2022.
« On voit plus de gens utiliser la couverture paramédicale en santé mentale. Cette tendance continue. Les gens font aussi un plus grand nombre de réclamations par personne. Autre tendance, les gens soumettent des réclamations à un plus grand nombre de fournisseurs de soins de santé paramédicaux », a affirmé Marie-Chantal Côté, vice-présidente principale des garanties collectives de Sun Life, lors d’une entrevue exclusive avec le Portail de l’assurance.
Recul des demandes aux psychologues
En conséquence, la part des consultations chez des psychologues a reculé dans les demandes réglées par Sun Life. La consultation de psychologues représentait 60 % du coût total des demandes en 2021. En 2023, elle en représentait moins de 50 %, souligne Mme Côté.
La vice-présidente des garanties collectives de Sun Life attribue cette tendance à l’élargissement des types de fournisseurs paramédicaux admissibles à des remboursements au sein des régimes de Sun Life. « Il y a quelques années, ce que nous couvrions était assez restreint. Avec les besoins de plus en plus larges, nous ne pensons pas que cette courbe a atteint son sommet », estime-elle à propos de la tendance à consulter des spécialistes autres que des psychologues.
Parmi les paramédicaux consultés par les participants de régime de Sun Life figurent en premier lieu les psychothérapeutes, suivis des conseillers cliniques et des travailleurs sociaux.
Recul du stigma
Le recul du stigma joue aussi un rôle dans l’augmentation des demandes pour soins en santé mentale, selon Marie-Chantal Côté. Le stigma en santé mentale est la réticence d’une personne à demander des soins par crainte d’être jugée. Elle dit que l’assureur a davantage fait connaître aux participants ce qui était disponible. « Le marché a bien entendu que les besoins sont très élevés en soins psychologiques et nous en parlons plus, alors les gens savent ce qui est disponible », ajoute Mme Côté.
Marie-Chantal Côté croit que l’industrie s’est ajustée à ces besoins. En ce qui touche l’accès à un psychologue, elle rappelle que dans le réseau de la santé, « il y a plus de demandes que de possibilités de rendez-vous » avec un psychologue. Mme Côté constate que les normes sociales ont évolué : les gens n’hésitent plus à consulter un large éventail de spécialistes, selon leurs besoins.
Les jeunes demandent plus
C’est chez les personnes de 30 à 39 ans que la courbe des demandes de règlement par participant pour des services de professionnels en santé mentale est la plus prononcée, selon le rapport de Sun Life. Leurs demandes ont connu la plus forte augmentation, tant au chapitre de la croissance que du volume de demandes, de 2019 à 2022. La courbe de croissance de ces demandes chez les 40 à 49 ans, suivent de près. Vient ensuite la croissance de la demande des personnes de moins de 30 ans.
Les moins de 35 ans écopent particulièrement. Le rapport de Sun Life cite l’organisme Recherche en santé mentale Canada, selon lequel 12 % des Canadiens âgés de 18 à 34 ans ont reçu un nouveau diagnostic d’anxiété ou de dépression pendant la pandémie de COVID-19, contre 7 % des 35 à 54 ans, et 3 % des 55 ans et plus.
La sensibilisation a un rôle à jouer dans les demandes accrues des jeunes, estime Mme Côté. Elle croit aussi que les 30 à 39 ans évoluent dans un monde où ils se sentent moins stigmatisés que leurs pairs plus âgés. « Ils ont plus de facilité à aller chercher de l’aide. Avoir un rendez-vous avec un psychologue semble plus commun dans leur langage », soutient Mme Côté.
« S’il y a moins de stigmatisation, on peut quand même imaginer que cette population vit beaucoup de stress », signale-t-elle en mentionnant les tendances en consommation de médicaments. Les frais de médicaments contre la dépression ont été les plus importants chez les moins de 60 ans en 2022, selon le rapport de Sun Life. Ces frais ont augmenté de 40 % depuis 2019, poursuit le rapport. « Ce chiffre a doublé chez les moins de 30 ans », signale Marie-Chantal Côté.
« Que cela soit une situation financière précaire, la situation environnementale, les événements mondiaux, la pandémie qui arrive au moment de terminer des études universitaires et d’entrer sur le marché du travail… », énumère Mme Côté comme facteurs. « Il y a des raisons d’être positif, mais aussi des raisons d’être un peu préoccupé par rapport à la santé mentale des plus jeunes », ajoute-t-elle.
Communiquer davantage
Dans une infographie sur son coach en santé mentale, dont les services sont fournis par CloudMD, Sun Life soulève l’importance d’une intervention précoce envers les troubles de santé mentale. Pour les participants ayant rencontré un coach, Sun Life a observé le taux de demandes de règlement passant à de l'invalidité baisse de 50%.
Durant l’entrevue, Marie-Chantal Côté a abordé la question des programmes d’aide aux employés (PAE). Elle a cité au passage des données d’une recherche présentée par Dialogue, selon lesquelles les PAE sont utilisés pour des problèmes de santé mentale dans 65 % des cas. Dialogue est un fournisseur de soins de santé virtuels acquis par Sun Life au quatrième trimestre de 2023.
« Dialogue a vu une augmentation de leur utilisation, mais on pense qu’il reste encore du travail à faire par les employeurs. Il faut continuer d’en parler. Les données de Dialogue montre que parmi ceux et celles qui ont accès (à un programme d’aide aux employés), 35 % croient ne pas en disposer ou en ignorent l’existence », rapporte-t-elle.
Ce résultat provient d’une recherche d’Environics Research, parrainée par Dialogue. Intitulé La santé et le bien-être en milieu de travail au Canada, le rapport repose sur le sondage de plus de 1000 employés, du 1er au 16 février 2024. On y apprend aussi que parmi les employés qui disposent d’un programme d’aide aux employés, 53 % n’y ont jamais eu recours et 29 % n’y ont pas recouru dans les 12 derniers mois.