Sarah Berkane

Visibles à court terme, les effets positifs sur l’humain créeront la véritable valeur d’un programme de santé et mieux-être au travail, croit Sarah Berkane, directrice des programmes de santé et mieux-être au travail chez Groupe entreprises en santé.

Mme Berkane a tenu ces propos à titre de conférencière au Sommet de la santé durable, le 27 janvier 2023. Organisé par l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), l’événement s’est déroulé du 25 au 27 janvier, en ligne et en personne au Musée de la civilisation du Québec

En moins d'un siècle, travailler est passé d’une question de survie à la quête de sens et de l’équilibre entre travail et vie personnelle, selon un tableau que Mme Berkane brosse de la révolution du travail qui s’est jouée du début du 20e siècle à nos jours. Alors que la société commençait à peine à songer au chevauchement entre le travail et la vie personnelle il y a 50 ans, les travailleurs veulent maintenant plus d’autonomie, de flexibilité, observe-t-elle.

« La santé et le mieux-être du personnel deviennent un enjeu majeur, et une responsabilité partagée entre l’employeur et l’employé », pense Mme Berkane. Elle ajoute que les deux doivent agir en prévention. 

D’après Mme Berkane, l’employeur doit créer un environnement favorable, impliquer ses gestionnaires et consulter les employés. Ceux-ci doivent faire connaître leurs besoins, participer aux interventions de l’employeur et prendre soin de leur santé. « L’employeur n’est pas responsable de la santé de l’employé, il a un rôle de soutien », explique-t-elle. 

Pas le choix 

Il ressort de sa conférence que les entreprises n’ont pas le choix de prendre l’initiative en santé et mieux-être. « Aujourd’hui, les défis des organisations sont très nombreux. Leurs principaux défis sont la non-santé psychologique, le stress grandissant parmi les employés et la pénurie de main-d’œuvre. Cela devient un enjeu d’attirer les talents, mais aussi de leur donner envie de rester », remarque Sarah Berkane.

S’ajoute à ce cocktail la transformation du travail entraînée par le télétravail, la gestion à distance et la transformation numérique, d’après Mme Berkane. Elle ajoute que les employés sont quant à eux affectés par la charge de travail, les problèmes de santé mentale et la sédentarité. « La promotion de la santé en milieu de travail joue un rôle crucial pour faire face à ces défis : c’est avec des employés en santé que nous atteindrons une saine performance organisationnelle. L’organisation atteindra ses objectifs et va croître, mais pas aux dépens de l’humain », dit Mme Berkane. 

Jusqu’à 3,80 $ sur chaque dollar investi 

Promouvoir la santé et le mieux-être en milieu de travail est un geste gagnant pour tous aux yeux de Sarah Berkane, et pas seulement l’entreprise. « L’employé sera plus productif, concentré et engagé. Il reviendra chez lui énergique, heureux et en bonne santé pour accomplir ses tâches ménagères, ses loisirs ou passer du temps en famille. Les gestionnaires auront moins de conflits à gérer au travail. C’est aussi gagnant pour le client, car un employé heureux, c’est un client satisfait », croit-elle.

Au-delà des effets positifs, Mme Berkane estime que la démarche en santé et mieux-être au travail a prouvé sa rentabilité. « C’est connu que chaque dollar investi en santé et mieux-être au travail rapporte un retour sur l’investissement de 1,50 $ à 3,80 $. L’organisation aura moins de coûts en santé et sécurité au travail, en assurance collective et en absentéisme », soutient-elle. 

Valeur avant rendement 

Sarah Berkane pense que l’impact sur l’humain d’un programme est plus important que son rendement. « On voit le à court terme, alors que le retour sur l’investissement se voit à moyen ou long terme », explique-t-elle. D’après Mme Berkane, une approche axée sur l’humain entraîne moins de présentéisme dysfonctionnel (lorsque l’employé se présente malade au travail). Elle fait observer que la qualité du service et la créativité de l’entreprise seront plus grandes, et la rétention du personnel meilleure.

C’est ce qui crée pour Mme Berkane la valeur de l’investissement (VOI pour value on investment). Pour dégager cette valeur, l’entreprise doit selon elle déployer un programme structuré, qui se fonde sur les meilleures pratiques.

La directrice des programmes de santé et mieux-être au travail de Groupe entreprises en santé rappelle qu’une norme existe pour reconnaître ces programmes. Il s’agit de la norme CAN/BNQ 9700-800/2020 Entreprise en santé — Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé et au mieux-être en milieu de travail. Initiée par Groupe entreprises en santé et élaborée par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), cette norme est reconnue par le Conseil canadien des normes.

Clés du succès 

Pour atteindre sa cible, le programme doit enclencher une approche d’amélioration continue, selon Sarah Berkane. « Les initiatives ponctuelles ne marchent pas à long terme. Il faut respecter des facteurs clés. Si vous n’avez pas l’engagement de la direction, ça ne fonctionnera pas. L’engagement doit être sincère : la direction va lancer le projet, le financer, y participer et montrer l’exemple », dit-elle.

Ensuite, tous doivent s’impliquer : les employés, les gestionnaires, les ressources humaines, le syndicat, le conseil d’administration et les actionnaires. Pour assurer la réussite du programme, l’entreprise doit aussi consulter ses employés sur leurs besoins prioritaires avant de mettre le programme en place. Ne pas le faire est un piège dans lequel tombent souvent les entreprises, selon Mme Berkane. 

Les entreprises peuvent intervenir dans 4 sphères pour promouvoir la santé durable 

Durant sa conférence, Sarah Berkane a énuméré les quatre sphères dans lesquelles l’entreprise peut intervenir pour favoriser la santé globale de ses employés. Elle définit la santé globale comme étant la santé physique, mentale, sociale, financière et spirituelle (sens au travail). 

Elle présente des exemples d’initiatives que peuvent prendre les entreprises dans chacune des sphères : 

Saines habitudes de vie 

  • Ateliers ou formations pour la gestion du stress (yoga, méditation, etc.) 
  • Remboursement des inscriptions pour les activités physiques ou sportives 
  • Temps sur les heures de travail pour effectuer de l’activité physique 
  • Visite d’une nutritionniste ou cours de cuisine 

Conciliation travail / vie personnelle 

  • Flexibilité des horaires et des modalités de travail (télétravail / présentiel) 
  • Géoflexibilité (ex. offrir la possibilité de travailler d’un autre pays) 
  • Achat de vacances / autofinancement des congés
  • Élaboration d’une politique de déconnexion 

Pratiques de gestion 

  • Intégration des employés dans les comités de gestion du changement 
  • Formation des gestionnaires sur la rétroaction 
  • Événement / prix de reconnaissance des employés 
  • Évaluation régulière de la charge de travail 

Environnement de travail 

  • Interventions en ergonomie sur les lieux de travail 
  • Remboursement des frais pour l’achat d’équipement ergonomique pour le télétravail 
  • Amélioration de la luminosité et du niveau de bruit dans les bureaux 
  • Mise en place d’une salle d’activités / relaxation / repos 
Qu’est-ce que la santé durable ? 

Au sujet de la santé durable, Sarah Berkane a rappelé la définition qu’en donne Alliance Santé Québec, regroupement d’experts de la grande région de Québec dans lequel est impliqué l’Université Laval : « État complet de bien-être physique, mental et social atteint et maintenu tout au long de la vie grâce à des conditions de vie saines, enrichissantes et épanouissantes et grâce à l’accès à des ressources appropriées, de qualité, utilisées de façon responsable et efficiente, et ce, au bénéfice des générations actuelles et futures. » 

Mme Berkane souligne la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon laquelle la santé n’est pas que l’absence de maladie. Elle signifie aussi un état de bien-être complet, physique, mental et social.

« Nous sommes tous leaders en matière de santé durable. On peut agir individuellement et collectivement pour changer les choses. Les milieux de travail sont une formidable opportunité de le faire », conclut-elle.