Un dentiste qui surfacturait ou facturait des actes qu’il n’avait pas réalisés a pu frauder un assureur durant une dizaine d’années. Finalement débusqué, le Dr Pierre Cyr a été condamné à une longue suspension et plus de 22 000 $ d’amendes, mais il a présenté une demande de rectification de la décision disciplinaire dont il a fait l’objet. 

Même s’il a vendu sa clinique pour payer ses dettes et ses avocats, qu’il est aujourd’hui à la retraite et dit n’avoir comme seule source de revenus que ses pensions de retraite fédérale et provinciale, le Dr Cyr n’a pas échappé aux conséquences de ses gestes. Il a fait l’objet d’une trentaine de chefs devant le Conseil de discipline de son ordre professionnel et a été trouvé coupable sur l’ensemble des gestes qui lui étaient reprochés. 

Une avocate a rappelé lors de sa comparution pour décision devant son Conseil de discipline que cet ancien dentiste avait utilisé sur une période de 10 ans, pour maximiser son propre bénéfice, les couvertures d’assurance de certains de ses patients assurés chez Manuvie

La valeur de la fraude envers l’assureur a été évaluée par la syndique adjointe, la Dre Martine Masson, à 21 500 $. 

Des gestes frauduleux par centaines 

Le subterfuge de facturation que le Dr Cyr avait développé lorsqu’il pratiquait à Deux-Montagnes l’avait amené à poser chez une dizaine de patients 129 diagnostics et à réaliser 83 actes sans raison suffisante et en avait facturé 336 qui étaient faussement décrits ou non dispensés. 

Ces interventions facturées mais non posées étaient le plus souvent des surfaçages radiculaires à certaines dents, des détartrages et des examens. En outre, il avait donné des directives à ses hygiénistes de multiplier les rendez-vous.

Les dossiers des patients ont mis aussi en lumière des inscriptions fausses et falsifiées quant aux classes de détartrage et que les score et chartes parodontales étaient notées aux dossiers pour justifier la facturation. 

Un exemple de fraude répétée 

Voici un exemple de fraude répétée réalisée par le Dr Cyr. Entre janvier 2011 et juin 2014, a décrit le Conseil, il avait réclamé à la compagnie d’assurance pour sa patiente, des honoraires pour des actes professionnels non dispensés ou faussement décrits tels que des surfaçages radiculaires, des détartrages ou encore un examen complet. 

Les fraudes en augmentation 

Lors d’une intervention dans le cadre de cette affaire, le syndic en chef au bureau du syndic de l’Ordre des dentistes, le Dr Mario Mailhot s’est dit préoccupé par la hausse de ce genre de cas de fraude chez des membres de cette profession.

« Avec ou sans la participation complaisante du patient, a-t-il commenté, l’existence de pratiques de facturations frauduleuses a un impact direct sur la protection du public et provoque inévitablement un impact sur l’augmentation des primes d’assurances », a-t-il commenté. 

Le Dr Mailhot a indiqué que le nombre d’enquêtes pour fraude est en constante augmentation chez les dentistes. Les chiffres lui donnent raison. En 2022-2023, neuf plaintes ont été déposées au Conseil de discipline pour des infractions de nature économique. C’est cinq de plus qu’en 2021-2022. 

Ce type d’enquête mobilise beaucoup de ressources en termes de temps et d’argent, a ajouté le Dr Mailhot. Elles nécessitent une importante cueillette d’informations, qu’il faut croiser et analyser. Un travail de moine, a-t-il ajouté. 

L’Ordre des dentistes comptait 5 400 membres en 2022-2023 et ne dispose que de quatre inspecteurs qui réalisent environ 320 visites par année. Il faudrait près de 19 ans afin que tous les dentistes soient vérifiés.

Pas de réaction chez les dentistes 

Même si cette affaire a éclaboussé toute cette profession et laisse à penser que la fraude envers les assureurs y serait très répandue, l’Association des chirurgiens-dentistes a refusé de commenter le cas du Dr Cyr et ses conséquences sur l’image de ses collègues.

L’Ordre des dentistes et sa nouvelle présidente, la Dre Liliane Malczewski, a aussi décliné notre demande d’entrevue, alléguant que la cause était toujours devant les tribunaux.

« Une demande de rectification de la décision a été soumise au Conseil de discipline, nous a expliqué sa porte-parole. Une date d’audition a été fixée pour entendre cette requête. La décision de faire appel par l’une ou l’autre des parties sera subséquemment prise une fois la décision finale obtenue ». 

Rehaussement des sanctions demandé 

L’an dernier, au moins deux autres dentistes, le Dr Pierre-Charles Généreux et la Dre Caroline Tabi, ont fait l’objet de radiations provisoires pour divers manquements, dont fraudes à l’endroit d’assureurs. 

Faisant le parallèle avec le régime de sanctions applicables en matière de sanctions applicables en matière d’inconduites à caractère sexuel, le syndic en chef Mario Mailhot a requis du Conseil de discipline un rehaussement des sanctions dans les cas de fraude afin que ses collègues comprennent qu’il s’agit d’une pratique inacceptable. 

À défaut de quoi il dit craindre une augmentation des cas qui auront forcément des impacts à la hausse sur les cotisations des membres de l’Ordre.