Don Forgeron, président et chef de la direction du Bureau d’assurance du Canada (BAC), estime que l’industrie de l’assurance devra faire face à pas moins de cinq « problèmes urgents » d’ici la fin de l’année 2020. Il les a exposés à l’occasion du National Insurance Conference of Canada (NICC), qui s’est déroulé à Montréal, les 23 et 24 septembre. Tout en restant réaliste, il a avancé des scénarios idéals pour répondre à ces enjeux majeurs, qui tournent autour du climat, du numérique et de l’automobile.

L’assurance automobile

Entre la Colombie-Britannique a les primes d’assurance automobile les plus chères, l’Ontario qui enregistre les couts de réclamation les plus élevés dans ce segment, ou encore l’Alberta et son manque de concurrence, le système canadien de l’assurance auto est en difficulté, estime Don Forgeron.

Pour pallier le problème en Colombie-Britannique, le BAC aimerait voir tomber le monopole de la Insurance Corporation of British Columbia (ICBC), envers laquelle il est très critique. En Ontario, en Alberta et dans les provinces de l’Atlantique, le BAC veut « des réformes concrètes et constructives pour stabiliser les couts des sinistres à court terme et les réduire à long terme ».

En clair, le BAC plaide pour que les différents gouvernements du Canada donnent plus de marge de manœuvre aux assureurs d’ici la fin de 2020. Cela dit, Don Forgeron est plus particulièrement « optimiste » en ce qui concerne l’Alberta et l’Ontario, où le gouvernement a déjà promis une réforme, bien que les conversations en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick soient « encourageantes ». En ce qui concerne la Colombie-Britannique, il « soupçonne que le gouvernement attendra que soient appliquées ses récentes réformes avant de prendre toute décision quant à l’avenir du monopole de la ICBC ».

La fraude

« Ils trichent, nous payons. » Alors que la fraude constitue un autre enjeu majeur de l’industrie, Don Forgeron place la fraude à l’assurance automobile au sommet de la pile des escroqueries. « Ses conséquences sont énormes », dit-il, affirmant que « si vous conduisez et possédez une assurance automobile, vous êtes une victime ». Engagé dans la lutte contre la fraude, le BAC dispose d’ailleurs d’un Bureau de la lutte contre la fraude grave en Ontario, province où la fraude sera également combattue par la toute nouvelle Autorité ontarienne de règlementation des services financiers (ARSF).

Pour contrer le problème, Don Forgeron demande trois choses. Une « plus grande implication des forces de l’ordre pour poursuivre les auteurs de fraude à l’assurance », des « pénalités plus élevées contre ceux qui le commettent » et que les assureurs aient « une plus grande liberté de partager des données dans le but de prévenir et de détecter les activités frauduleuses ».

Conscient de la sensibilité de ce dernier point, du fait de la nécessité de protéger la vie privée des Canadiens, Don Forgeron estime que des « progrès réels » seront quand même réalisés en matière de partage d’information, en Ontario notamment.

Les véhicules autonomes

L’automobile est également au cœur du troisième défi que devra affronter l’industrie au cours des prochains mois. Alors que la « nature de la conduite » change, la « nature du risque » évolue elle aussi, dit Don Forgeron. Avant d’entrer dans l’« ère des véhicules autonomes », l’industrie de l’assurance passera les 20 prochaines années dans un entredeux, où la route sera partagée par des véhicules autonomes et traditionnels. Surplombée par l’enjeu de la responsabilité, « la transition sera difficile », dit le chef du BAC.

« Dans un monde parfait, les gouvernements commenceraient à examiner les implications des changements à venir et commenceraient à mettre à jour les lois sur les assurances afin de garantir une indemnisation rapide et équitable au lendemain des collisions impliquant des véhicules automatisés », dit Don Forgeron. Une première étape sera cependant franchie en 2020, avec la consultation sur les véhicules autonomes menée par le Conseil canadien des responsables de la règlementation d’assurance (CCRRA).

Don Forgeron en est cependant convaincu : « Les gouvernements seront lents à agir », excepté en Nouvelle-Écosse, où une loi visant à régir les véhicules autonomes a déjà été adoptée.

Le défi de la règlementation

La règlementation est le quatrième enjeu évoqué par Don Forgeron. Il sévit dans le domaine du numérique, notamment. Alors que la preuve électronique d’assurance automobile est désormais acceptée dans plusieurs provinces, dont le Québec, l’industrie de l’assurance est à la traine par rapport aux autres industries en ce qui concerne l’offre dématérialisée. « Nous devons ressembler à des dinosaures », plaisante ainsi M. Forgeron.

Idéalement, « les gouvernements et les organismes de règlementation de tout le pays devraient être conscients et donner aux assureurs une plus grande liberté de communication avec leurs clients », dit le chef du BAC. De là à ce que cela se fasse d’ici les 16 prochains mois ? « Peut-être en Ontario, ou en Alberta, ou les deux », avance-t-il.

Les catastrophes naturelles

Avec les changements climatiques et le nombre croissant de catastrophes naturelles, l’industrie de l’assurance devra prendre part au « défi de l’adaptation ». En juin dernier, le BAC a d’ailleurs présenté ses solutions pour protéger les Canadiens contre les inondations. « Nous avons clairement indiqué au gouvernement que le Canada avait besoin d’un plan d’action national contre les inondations » qui devrait passer par « une meilleure cartographie des zones inondables », « une meilleure éducation des consommateurs », « une meilleure planification de l’utilisation des sols » et un « plan pour aider financièrement les Canadiens fortement exposés à ce risque », résume Don Forgeron. 

Bien qu’il s’agisse « d’une transformation importante, qui peut prendre une génération ou plus pour être pleinement réalisée », M. Forgeron estime que, sur le court terme, le dialogue se poursuivra et qu’un plan adéquat sera bien mis en place au niveau national, dans le futur.