Une réforme d’envergure amorcée par les régulateurs pancanadiens dans l’industrie financière aura un impact majeur au Québec dès janvier 2008. Les quelque 22 500 conseillers en épargne collective du Québec cesseront d’être encadrés par la Loi sur la distribution des produits et services financiers et glisseront sous la juridiction de la Loi sur les valeurs mobilières. Le projet de réforme, qui sera publié en janvier 2007 pour discussion, pourrait toutefois engendrer une confusion quant à l’encadrement des cabinets.Les conseillers en épargne collective, en plans de bourses d’études et en contrats d’investissement sont les trois disciplines visées par cette réforme.
L’harmonisation des règles d’inscription en matière de valeurs mobilières à travers le Canada explique ce changement pour les conseillers en épargne collective du Québec. Pour l’instant, à part le Québec, tous les individus exerçant en fonds d’investissement au Canada sont régis par la Loi sur les valeurs mobilières. Les fonds d’investissement sont des valeurs mobilières au terme de la Loi sur les valeurs mobilières.
« Le but de cette mesure est de ramener ensemble les professions en valeurs mobilières sous l’égide des valeurs mobilières, explique Daniel Laurion, directeur général des mandats spéciaux à l’Autorité des marchés financiers et membre du comité national sur la réforme du régime d’inscription. La nouvelle structure facilitera la vie des groupes qui veulent prendre de l’expansion en fonds communs et transiger plus facilement dans les autres provinces. Les structures actuelles d’encadrement en assurance et en fonds d’investissement doivent donc être modifiées. Cette réforme facilitera aussi la mise en place du régime de passeport.»
Le « régime du passeport » est la réponse du Québec et de neuf autres provinces canadiennes aux ambitions du Gouvernement du Canada et de celui de l’Ontario de créer au Canada une seule et unique Commission de valeurs mobilières. Le débat fait rage depuis des années. Fort de l’appui de bon nombre de joueurs des milieux financiers au Canada, et de l’Ontario, Ottawa tient à créer cette commission afin de rendre le marché des valeurs mobilières au Canada plus sécuritaire, plus efficace, plus accessible et moins réglementé.
Le hic est que, dans la Constitution canadienne, le commerce des valeurs mobilières relève du champ de juridiction des provinces. Ottawa affirme que cette situation doit être revue aujourd’hui compte tenu de la transformation radicale du commerce des valeurs mobilières dans le monde.
De nos jours, les capitaux n’ont plus de frontières, voyagent électroniquement et circulent continuellement. Les tenants de la Commission unique affirment que les multiples commissions de valeurs mobilières provinciales au Canada forment autant d’obstacles réglementaires aux flux de capitaux. Ces barrières ont pour résultat de chasser les capitaux internationaux vers des pays moins réglementés.
La réponse des provinces : le passeport. Chaque province harmonise ses réglementations avec celles des autres. Comme toutes les provinces ont les mêmes règles, l’autorisation de transiger accordée par un régulateur dans une province est reconnue valable par les autres.
Le régime de passeport a été approuvé par le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Colombie-Britannique, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan, l’Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador, les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut. Dans l’autre camp, on retrouve Ottawa et l’Ontario.
Le passeport permettra ainsi aux représentants en fonds communs ainsi qu’aux cabinets de passer par leur régulateur provincial pour faire affaires partout au Canada. L’inscription donnée aux cabinets québécois sera donc valable dans toutes les autres provinces.
« Le simple fait d’avoir un règlement pancanadien va simplifier la vie des conseillers en fonds communs de façon considérable. Un représentant en valeurs mobilières basé à Gatineau aura donc plus de facilité à œuvrer en Ontario avec le passeport. Toutes les catégories d’inscription seront donc harmonisées à travers le pays pour atteindre ce but. Il n’y aura donc plus une virgule de différente d’une province à l’autre », mentionne M. Laurion.
Impact sur la CSF
Cette réforme d’envergure entraînera aussi des conséquences pour la Chambre de la sécurité financière (CSF). À l’heure actuelle, les conseillers en épargne collective, en plans de bourses d’études et en contrats d’investissement sont régis par l’Autorité, tandis que la Chambre veille sur eux pour le maintien de la discipline et de l’encadrement de la formation et de la déontologie.
« Ce n’est pas appelé à changer, affirme M. Laurion. Nous sommes en discussion avec la Chambre pour voir quelles sont les procédures à suivre pour qu’elle continue à s’occuper de ces personnes malgré le changement de juridiction », affirme-il.
Le directeur général des mandats spéciaux à l’Autorité assure que la réforme ne vise pas à réduire les pouvoirs de la Chambre.
Cette réforme d’envergure exigera cependant des modifications complexes à la Loi sur la distribution des produits et services financiers, pour déplacer les conseillers, ainsi qu’à la Loi sur les valeurs mobilières pour reconnaître la compétence de la Chambre sur eux.
Des modifications légales devront aussi être apportées au Régime d’encadrement de l’ensemble des courtiers et gestionnaires de portefeuilles pour permettre à la CSF de poursuivre son action auprès de ces trois types de conseillers financiers.
Le Conseil des fonds d’investissement du Québec a également mis en place un comité pour évaluer les changements. M. Laurion affirme que ceux-ci sont somme toute bien accueillis par les quelques personnes consultées avant a publication du projet.
Hausse du coût du permis
M. Laurion ne cache cependant pas que le passage des trois catégories de conseillers de la Loi sur la distribution des produits et services financiers vers la Loi sur les valeurs mobilières aura un impact sur le coût de leur permis.
« Il est clair qu’il y aura des changements au niveau des coûts. On tente d’examiner les divers impacts au niveau des droits actuels. Les droits en valeurs mobilières sont plus élevés que ceux en assurance. Les exigences risquent donc d’être modifiées dans certains secteurs. On prévoit une certaine hausse, mais nous ne pouvons pas la chiffrer pour le moment », indique M. Laurion.
La réforme du régime de l’inscription ne touchera pas les individus qui n’œuvrent qu’en assurance. Les représentants en assurance qui travaillent également en fonds communs seront cependant touchés. Seuls ceux-là seront dorénavant régis par les deux lois.
M. Laurion souhaite voir le projet de réforme entrer en vigueur au début de l’année 2008, mais souligne qu’il pourrait y avoir des retards.
« Tout dépend des questions de transition. Des aspects de tout acabit peuvent entrer en ligne de compte. Il est donc possible que la réforme soit retardée un peu », mentionne-t-il.
Le projet de réforme devrait cependant être disponible pour une première lecture à la mi-janvier 2007. Par la suite, l’industrie financière aura 120 jours pour le consulter et pour émettre ses commentaires. Selon les avis reçus, une deuxième rédaction pourrait être envisagée, suivie d’une nouvelle période de consultation, avant son adoption finale.