L’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) a dit avoir beaucoup de pain sur la planche, lors du Colloque des fonds d’investissement du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ). L’Événement s’est déroulé à Montréal, le 8 mai 2024. L’OCRI doit intégrer les activités que supervisaient l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM), avant leur fusion dans l’OCRI.
C’est l’une des six priorités que s’est données l’OCRI dans son premier plan stratégique triennal, récemment publié. Lors de la séance portant sur l’OCRI, Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec et l’Atlantique de l’OCRI, a cité le projet de modèle de tarification intégrée comme exemple d’avancement des travaux. L’OCRI a proposé ce modèle le 25 avril et attend les commentaires de l’industrie d’ici au 24 juin 2024.
Mme Bienvenu explique que le modèle proposé vise à harmoniser et uniformiser la levée de cotisations et autres frais imputables aux courtiers en épargne collective, pour les services rendus par l’OCRI. En vertu du futur modèle, les produits générés et le nombre de personnes autorisées du courtier détermineront désormais son montant de cotisation. Dans le modèle actuel, les cotisations reposent sur les actifs administrés.
Le modèle touche trois volets :
- Les cotisations annuelles des courtiers membres de l’OCRI ;
- Les droits d’adhésion et les frais s’il y a des changements dans l’entreprise du membre ;
- La réduction accordée aux teneurs de marché. Les teneurs de marché ont la responsabilité d’augmenter la liquidité et d’assurer le bon fonctionnement de l’offre et la demande d’un marché. Par exemple, les courtiers des grandes banques canadiennes tiennent ce rôle à la Bourse de Toronto (TMX).
Transition au Québec
La vice-présidente pour le Québec et l’Atlantique de l’OCRI a dit que le principe de proportionnalité est au cœur du futur modèle. Parmi les conditions de décisions de reconnaissance énoncées dans sa proposition, l’OCRI exigerait que toutes les cotisations imposées soient imputées de façon équitable, et être proportionnelles aux activités des courtiers membres.
Autre condition, les courtiers en épargne collective qui exercent des activités au Québec doivent bénéficier d’une période de transition adéquate, dont la durée sera convenue avec l’Autorité des marchés financiers (AMF). Pendant cette période, les cotisations seront réduites proportionnellement aux services qui leur sont offerts.
Claudyne Bienvenu a précisé comment cette transition s’appliquera aux courtiers du Québec, selon qu’ils exercent ou non des activités ailleurs au Canada. Lors de la première année du modèle, débutant en 2025, « la proposition pour les firmes ayant un siège social au Québec et des activités hors Québec est de percevoir le plein montant de la cotisation pour les activités hors Québec, mais de donner un congé de cotisation sur la valeur calculée des revenus (produits) générés au Québec par cette firme ».
La deuxième année (2026), la cotisation sera calculée selon 50 % de la valeur des revenus générés au Québec par le courtier, explique Mme Bienvenu. Ce calcul durera jusqu’à la fin de la période de transition, qui sera déterminée avec l’Autorité, mentionne-t-elle.
Les 17 courtiers inscrits au Québec qui n’exercent pas d’activités hors Québec ne se verraient pas imposer de frais durant la période de transition, poursuit Claudyne Bienvenu. L’OCRI recouvrera les frais qu’ils ont encourus durant la transition, notamment en matière d’inspection. « Nous devrons nous assurer d’avoir un recouvrement des frais. Différentes alternatives sont considérées », a ajouté Mme Bienvenu.
Plus cher au Québec ?
Modératrice de lors du panel, Elisabeth Chamberland, chef de la conformité de Services en placements PEAK, a demandé à Mme Bienvenu si le modèle de tarification intégrée proposé coûtera plus cher aux courtiers du Québec que ce qu’il en coûtera dans le reste du Canada. « Le recouvrement des frais fait partie de notre obligation de décision de reconnaissance. Donc, oui, on s’ajoute », répond la vice-présidente de l’OCRI pour le Québec et l’Atlantique.
« Il y a des discussions avec les différents intervenants, et ce qu’on veut éviter, c’est la duplication », poursuit Claudyne Bienvenu. « Nous travaillons très fort avec la Chambre de la sécurité financière et l’Autorité des marchés financiers. » Elle ajoute que l’OCRI discute également avec le Fonds canadien de protection des investisseurs (FCPI) et le Fonds d’indemnisation des services financiers de l’Autorité.
Elle rappelle que le Fonds d’indemnisation de l’Autorité, exclusif au Québec, offre une plus grande protection aux investisseurs québécois, alors que la protection offerte au Canada par le FCPI se limite aux courtiers devenus insolvables.
Le 13 juin 2018, l’Autorité a élargi la couverture du Fonds d’indemnisation pour englober les victimes de fraude dans les produits d’assurance, d’investissement, de plans de bourses d’études ou de prêts hypothécaires offerts entre autres par un conseiller, un cabinet ou un courtier. Rétroactif au 12 juin 2015, l’élargissement a aussi permis d’indemniser une personne lésée, même si le représentant visé par la plainte agissait en dehors des limites de sa certification.
Le Fonds d’indemnisation finance ses activités en percevant une cotisation annuelle par représentant, selon les disciplines détenues. Elle est par exemple de 160 $ par représentant de courtier en épargne collective. L’excédent cumulé du Fonds d’indemnisation est passé de 10 M$ au 31 mars 2013 à 87,4 M$ au 31 mars 2023.
Dans sa proposition de modèle de tarification intégrée, l’OCRI plaide que les droits d’adhésion n’ont pas changé depuis plus de 20 ans. Ils sont bien inférieurs aux coûts assumés pour l’examen des demandes. L’OCRI fait ainsi valoir que son modèle fait mieux correspondre le montant des droits aux coûts qu’il assume pour la prestation de ses services de réglementation. « On ne peut pas faire le travail si nous n’en avons pas les capacités. Cela veut aussi dire aller chercher de nouvelles personnes, formées pour le faire », a invoqué Claudyne Bienvenu, lors du colloque du CFIQ.
Inspections dès septembre
Avec la délégation des pouvoirs de l’Autorité à l’OCRI, le transfert des responsabilités se fera très bientôt, a souligné de son côté Marie-Lyne Côté, directrice de la règlementation des membres, de l’OCRI, et panéliste à la même séance.
Elle explique que le transfert se déroulera en deux phases. « Dans la phase 1, il s’agit des neuf firmes qui étaient membres de l’ACFM avant notre fusion, dont le siège social est au Québec et qui sont inscrites dans d’autres provinces ou territoires. Les responsabilités seront transférées du bureau de Toronto à celui de Montréal dès cet été. Nos premières inspections sont prévues dès septembre », dit Mme Côté.
Dans la phase 2, l’OCRI utilisera ses pouvoirs délégués de l’Autorité pour inspecter les 17 firmes uniquement inscrites au Québec, ajoute la directrice de la règlementation des membres de l’OCRI. Ces firmes sont actuellement encadrées par le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites.
L’Autorité des marchés financiers réduira-t-elle ses frais en fonction des responsabilités déléguées à l’OCRI ? « Les décisions ne sont pas toutes prises dans le détail », a dit lors du colloque Hugo Lacroix, surintendant des marchés de valeurs et de la distribution de l’Autorité. Il a toutefois précisé que les frais d’inspection perçus par l’Autorité ne le seront plus lorsque l’OCRI prendra le relais au cours de 2024.
D’autres frais devront être partagés. « On paie quand même des frais au niveau de l’inscription, prévu au règlement sur les valeurs mobilières », signale Hugo Lacroix. Il explique que l’Autorité devra distinguer la partie des frais qui couvre les responsabilités transférées à l’OCRI de celle que conservera l’Autorité pour assumer ses responsabilités. « Entre autres, l’Autorité restera maître de la politique réglementaire », ajoute M. Lacroix, qui reconnaît ne pas avoir toutes les réponses quant à l’impact sur la future tarification.