Le 5 juin dernier, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a annoncé la création de la Chaire de recherche en sciences actuarielles et climatiques (ClimACT). Elle sera dirigée par Mathieu Boudreault, actuaire et professeur au Département de mathématiques de l’UQAM.
Les travaux qui seront menés par les chercheurs de la Chaire ClimACT visent à créer des outils concrets qui soutiendront les gouvernements, les institutions financières, les régimes de retraite et la société dans leur préparation aux défis climatiques. Le lancement officiel de la chaire aura lieu le 24 septembre prochain.
L’annonce de la création de la chaire a été faite par voie de communiqué le 5 juin dernier. Joint quelques jours plus tard par le Portail de l’assurance, Mathieu Boudreault précise que le temps a manqué pour lancer officiellement la chaire avant l’arrivée de l’été. « Les ententes officielles de financement ont été signées tout récemment. Cela nous donne le temps de nous assurer que les personnes clés seront présentes au lancement », ajoute-t-il.
L’UQAM consacre déjà des efforts importants en recherche de pointe sur les changements climatiques. M. Boudreault est lui-même membre du Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale (Escer). Les autres professeurs associés au Centre Escer relèvent principalement du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère.
Son collègue Philippe Gachon, du Département de géographie, est aussi membre du Centre et les deux professeurs sont aussi membres du Réseau Inondations intersectoriel du Québec (RIISQ).
1,5 million $ en cinq ans
Trois compagnies d’assurance de dommages ont accepté de financer les travaux de la Chaire ClimACT : Intact, Definity et Co-operators. Chacune d’elles investira la somme de 500 000 $ pour un montant total de 1,5 million de dollars (M$) en cinq ans.
« La croissance des risques climatiques menace la sécurité financière des Canadiens », affirme Mathieu Giguère, vice-président, intelligence d’affaires et chef de l’analytique en assurance de dommages de Co-operators, tandis que Liam McFarlane, chef de la gestion des risques et actuaire en chef de Definity, prévient que leurs « effets sur nos infrastructures, nos communautés, notre économie et notre santé ne feront que se multiplier ». Isabelle Girard, vice-présidente principale et cheffe du numérique et des données d’Intact, insiste pour sa part sur « la nécessité de collaborer avec différents acteurs de la société pour trouver des solutions qui vont au-delà de l’assurance ».
L’investissement consenti par le secteur privé facilitera la recherche d’autres sources de financement public, notamment auprès de l’Organisation canadienne de l’innovation (Mitacs) et du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie (CRSNG), selon le professeur Boudreault.
« Pour accélérer l’adaptation au Canada, le fait d’avoir plusieurs assureurs qui viennent soutenir la chaire est une bonne chose. Si l’on veut avoir les conversations qui sont nécessaires en matière d’adaptation et de mitigation, il faut mieux quantifier les risques financiers », explique le directeur de la chaire.
État d’avancement
Durant l’été, le comité aviseur de la chaire sera créé et le site web sera conçu. Les grandes priorités de recherche seront confirmées et annoncées lors du lancement en septembre.
D’autres établissements universitaires comme Western Ontario et Waterloo ont aussi des programmes de recherche axés sur l’adaptation au climat et qui contribuent à améliorer les politiques publiques. En quoi la Chaire ClimACT se distinguera-t-elle de ce qui se fait ailleurs ?
« Mon expertise est dans la modélisation actuarielle des risques climatiques. On cherche à mieux comprendre le comportement des risques financiers, que ce soit le risque physique ou le risque de transition », explique Mathieu Boudreault. La modélisation et la compréhension des risques climatiques seront au cœur des activités.
Le risque physique découle d’un événement météorologique extrême qui peut porter atteinte aux actifs matériels et affecter la santé. Le risque de transition vise à évaluer l’atteinte à la valeur financière d’une entreprise ou de ses actifs si le virage vers la carboneutralité est fait de manière trop lente au goût des investisseurs.
M. Boudreault collabore déjà avec plusieurs chercheurs du Centre Escer et certains ont participé à l’élaboration des axes de recherche qui seront menés à la Chaire ClimACT. « C’est aussi une bonne façon d’intégrer les travaux menés par les chercheurs du Centre Escer au sein de l’industrie des services financiers », dit-il.
« Les programmes de l’UQAM en actuariat et en sciences de l’atmosphère sont bien reconnus pour leur expertise », poursuit-il. Le caractère multidisciplinaire des travaux réalisés par la chaire devrait aider l’institution à recruter des candidats aux études supérieures à la sortie de leurs études au baccalauréat.
Le financement sur cinq ans contribue à stabiliser les effectifs de recherche. Le mode de financement de la recherche en milieu universitaire force les professeurs à occuper une bonne partie de leur temps à chercher des fonds. « L’UQAM s’engage à créer cette structure qui dépassera cette période de cinq ans. Cela nous apporte du soutien administratif, à moi comme titulaire de la chaire et aux autres professeurs, ce qui nous permet de développer des connaissances et d’aider les parties prenantes à les intégrer », dit-il.
Mathieu Boudreault avait déjà obtenu du financement de Co-operators pour certains travaux de recherche. Le fait d’avoir pu convaincre d’autres assureurs de se joindre à la chaire lui permet d’élargir le spectre des travaux. À moyen terme, d’autres assureurs, voire le Bureau d’assurance du Canada (BAC), pourraient trouver leur intérêt à soutenir les travaux de recherche, reconnaît-il.
« La stabilité du financement nous aidera à réagir plus rapidement aux situations qui se présentent », poursuit-il en donnant l’exemple du programme national d’assurance contre les inondations, promis depuis plusieurs années par le gouvernement canadien, mais dont les détails ne sont pas encore connus.
La profession
L’Institut canadien des actuaires (ICA) a précédemment publié, au début de 2023, une déclaration du conseil d’administration sur le thème des risques climatiques. Outre le risque physique et le risque de transition, l’Institut soulignait aussi l’existence du risque de responsabilité associé à l’exposition potentielle à des litiges liés au climat. Par exemple, l’immobilier commercial et résidentiel dans les régions côtières canadiennes peut être menacé par l’élévation du niveau de la mer.
L’Institut a également publié à la fin d’avril 2025 une déclaration d’intention intitulée « Bâtir un avenir résilient : améliorer l’adaptation et la résilience climatiques au Canada ».
En tant que fellow de l’Institut et chercheur, le professeur Boudreault « trouve important de contribuer à la profession en développant des outils pour intégrer les risques liés au climat afin que cela soit fait dans le respect des normes de pratique ».