En ses dix ans d’exercice à titre d’assureur, dont sept en assurance de personnes, au moment des faits qui lui sont reprochés, monsieur Jean-Michel Simard (certificat no 187 492) est loin de s’être démarqué, dans la région de Charlevoix, par ses aptitudes à remplir des formulaires.
Déjà, le 7 décembre 2016, la syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière lui a transmis une mise en garde en lien avec son obligation de procéder à une analyse complète et conforme des besoins financiers de son client au moment de faire remplir une proposition d’assurance.
Ce premier avertissement, de nature administrative, n’a toutefois pas suffi à empêcher les multiples lacunes dans le traitement de trois formulaires d’une même cliente, entre le 8 juillet 2020 et le 11 avril 2022. Il en a résulté une plainte disciplinaire, constituée de trois chefs d’accusation, déposée au comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière le 12 janvier 2023.
Des analyses de besoins incomplètes
Lors de l’audience du 18 avril 2023, l’intimé a plaidé coupable et les parties ont proposé une recommandation commune au Comité, que ce dernier a entérinée.
Les chefs se détaillent ainsi. Le 8 juillet 2020, l’intimé a rempli le formulaire nommé « Analyse des besoins contre la maladie ou les accidents », complémentaire à la police d’assurance, sans y indiquer les passifs de la cliente ni les noms et caractéristiques associés à trois contrats d’assurance qu’elle possédait.
Ces manquements contreviennent au sixième article du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, qui spécifie explicitement qu’avant de faire remplir une proposition d’assurance, « le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l’assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis ». Ce premier chef d’accusation est puni par une amende de 4 000 $.
Ces erreurs se répètent lorsque, le 4 avril 2022, le représentant fait remplir à nouveau ce même document. Non seulement, cette fois-ci, les passifs et les caractéristiques de deux contrats d’assurance de la cliente n’y figureront pas, mais le type de son assurance vie ainsi que les caractéristiques d’un contrat d’hospitalisation qu’elle détenait ne sont pas mentionnés. Ce second chef, en référence au même article de loi, lui vaut cette fois une amende de 2 000 $.
D’autres erreurs et omissions
Il ne faut ensuite que sept jours avant que s’ajoutent d’autres lacunes au dossier. Le représentant rencontre alors à nouveau sa cliente afin de remplir le document « Préavis de remplacement d’un contrat d’assurances de personnes », qui sert à assurer les démarches de remplacement des trois polices d’assurance existantes par une nouvelle proposition. Cette fois encore, les passifs de la cliente devraient y être mentionnés, et ils ne le sont pas.
Mais d’autres inexactitudes apparaissent, dont certaines sont plus susceptibles d’induire la cliente en erreur. Dans la première partie des renseignements généraux, quatre manquements (touchant une date de couverture, un renoncement, des montants ou des conditions de paiement) sont relevés, dont l’omission d’informer la cliente que la police à laquelle elle renonce lui aurait permis de doubler la rente ou de se faire indemniser des frais de convalescence.
Cette ambiguïté à propos de la convalescence se perpétue dans la seconde partie de ce formulaire. À sa question 2.2, où il est demandé d’expliquer « en quoi le contrat proposé répond mieux aux besoins de votre client », la réponse de l’intimé, d’après ce qu’en rapporte le jugement, « laisse croire que les contrats actuels n’offrent pas d’indemnité journalière dans un centre de convalescence ». Ni la perte de garantie d’un réaménagement après un accident ni la diminution de la couverture des soins complémentaires ne sont indiquées non plus à la question 2.3, exigeant explicitement de mentionner les désavantages du remplacement de la police d’assurance.
L’amende de 2 500 $ de ce troisième chef sera alors justifiée par la contravention à l’article 22 du Règlement. Le troisième paragraphe de cet article porte sur l’obligation du représentant d’assurance d’expliquer le contenu d’un formulaire relatif à un remplacement « en faisant la comparaison des caractéristiques des contrats en vigueur par rapport à ceux proposés et la description des avantages et désavantages du remplacement », si celle-ci peut amener une réduction de bénéfices.
Amende honorable
Bien qu’il s’agisse d’une seule victime et que les deux derniers chefs reprochés se soient déroulés à quelques jours d’écart, aucun arrêt conditionnel des procédures ni autre principe de réduction des peines n’est avancé pour réduire l’amende de cette recommandation commune, totalisant 8 500 $. Le paiement des déboursés relatifs à l’instruction de la plainte incombe également à l’intimé.
Dans la rédaction de son jugement, Me Marco Gaggino précise, à la liste des facteurs à considérer pour l’infraction, que M. Simard a reçu la somme de 2 043,67 $ à titre de commissions et bonis pour ces différentes interactions à l’intérieur de ce mandat. Il ajoute toutefois que ces infractions tiennent davantage du manque de compétence que de la malveillance.
D’ailleurs, aux alentours du 23 février 2023, donc, environ deux mois avant son audience, l’intimé aurait bonifié son savoir-faire par deux formations de quatre heures à la Chambre de sécurité financière, touchant l’analyse des besoins et les préavis de remplacement. Et si le fait que l’intimé voit les sentences, de ses deux premiers chefs, aggravées par le fait qu’ils soient directement liés au motif de l’avertissement administratif de 2016, ces huit heures de formation, complétées avec succès, seront mentionnées parmi les éléments à sa faveur.