Le courtier qui transfère une partie de son portefeuille d’affaires d’un assureur à un autre ne doit pas oublier que ses clients doivent conserver les mêmes protections. Même chose lorsqu’il suggère à un client de changer d’assureur. S’il ne le fait pas, les conséquences pourraient être fâcheuses pour lui.
Aldo Arcaro, président de la firme de consultation Valori, a vu des courtiers perdre des clients pour cette raison.

Il donne tout d’abord en exemple le cas d’un courtier qui avait souscrit un contrat d’assurance habitation accompagné d’un avenant lui permettant de faire appel aux services d’une aide-ménagère jusqu’à concurrence de 500 $. Il a ensuite transféré une partie de son volume chez un autre assureur, qui comprenait la police de ce client.

Ce dernier a été hospitalisé pendant quatre jours et a voulu faire appel aux services d’une aide-ménagère, tel que souscrit dans son contrat. Il a toutefois découvert avec stupeur que son nouvel assureur n’offrait plus ce service. Ce courtier a ensuite perdu ce client au renouvellement. En plus de son assurance habitation, ce client souscrivait les polices de ses deux véhicules, de son commerce et de ses enfants. Le courtier y a ainsi perdu des primes totalisant 35 000 $.

Un autre courtier avait souscrit un contrat d’assurance habitation avec un autre client, accompagné d’un avenant d’assurance juridique offert par l’assureur. Or, l’assureur chez qui le courtier a transféré son volume n’offrait pas cet avenant gratuitement comme le précédent.

Le client n’en a pas été informé et a fait face à un litige. Lorsqu’il a appris qu’il n’était plus couvert, il a menacé le courtier de le poursuivre. Le courtier et son client ont conclu un arrangement à l’amiable. Le courtier a réglé la facture d’avocats du client, qui totalisait plus de 4 000 $. Il a néanmoins perdu ce client au renouvellement.

Dernier cas relevé par M. Arcaro : le client d’un courtier a appris du jour au lendemain qu’il devait payer 240 $ plus taxes pour la connexion de son système d’alarme à sa centrale de surveillance. Pour économiser 20 $ sur sa prime d’assurance habitation, son courtier lui avait recommandé de changer d’assureur. Pour régler le tout, le courtier a payé les trois années restantes au contrat de la centrale de surveillance.

Perdre un client peut sembler grave dans ces cas. Toutefois, c’est en matière de déontologie que le courtier est le plus à risque. La Chambre de l’assurance de dommages ne lésine pas sur les sanctions à imposer au courtier qui ne s’est pas assuré de conserver les protections du client.

Carole Chauvin, syndic de la Chambre, rappelle que les obligations du courtier sont les mêmes pour un transfert en bloc que pour un changement à la pièce. « Le code de déontologie impose au courtier de ne pas mettre son client devant un fait accompli. S’il y a un changement au contrat du client, il faut l’en informer », dit-elle.

Le courtier n’a pas de délai fixe pour informer son client de changements. Mme Chauvin dit que la pratique courante dans l’industrie est de prévenir son client un mois avant le changement ou le renouvellement. « Il faut que le client ait le temps de magasiner, s’il le désire. Si le courtier l’avise trois semaines avant, c’est correct. Toutefois, s’il ne le fait que deux jours à l’avance, il sera pris en défaut de ne pas avoir agi en conseiller consciencieux », dit-elle.

Si ses protections sont diminuées par rapport à son précédent contrat, le courtier doit aussi prendre garde de bien avertir son client. « Le courtier a le devoir d’éclairer son client. Il ne doit pas être le dernier à être mis au courant du changement lorsqu’il a une réclamation. Par exemple, si le client a une couverture de refoulement d’égout de 40 000 $ et que le nouvel assureur lui offre seulement 25 000 $, le courtier doit l’aviser de la situation », dit la syndic.

Mme Chauvin dit que le courtier peut signifier verbalement au client qu’il y a un changement à sa police. Elle recommande toutefois d’inscrire une note à son dossier pour que l’on puisse retrouver une preuve tangible de la communication faite au client. « L’écrit demeure néanmoins le véhicule tout indiqué, surtout lors d’un transfert. C’est au cabinet de décider de la marche à suivre, mais l’écrit demeure le plus clair », dit-elle.

Oublier d’informer un client d’un changement à son contrat d’assurance peut couter cher au courtier. Autant en matière de déontologie que monétairement. L’amende minimale imposée par la Chambre pour une faute déontologique est de 2 000 $ par chef d’accusation. Le montant maximal a quant à lui été établi à 50 000 $ par chef. Une réprimande peut être inscrite à son dossier. Il peut aussi être suspendu, voir radié, selon la gravité de la faute.


Achat d’AXA par Intact : la concentration doit être divulguée

La Chambre de l’assurance de dommages a émis un avis à la suite de l’acquisition d’AXA Canada par Intact Corporation financière. L’organisme d’autorèglementation rappelle aux courtiers que s’ils concentrent plus de 60 % de leur volume auprès d’Intact, ils devront le divulguer à leurs clients.

« Les répercussions de l’achat d’AXA Canada par Intact sont nombreuses, écrit la Chambre dans son avis. Pour plusieurs représentants, ceci signifie un changement de leur concentration du volume d’affaires. Depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées au Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur (no. 3) établi en 2007 et 2008, le représentant en assurance de dommages a, entre autres, l’obligation de divulguer une concentration du volume d’affaires du cabinet en assurance des particuliers auprès d’un assureur ou d’un groupe financier supérieure à 60 %. Cette concentration doit être divulguée lors d’une soumission, de l’envoi de la police et du renouvellement de la police. »

Mme Chauvin précise toutefois que les courtiers ayant commis une telle faute sont punis d’une amende minimale et d’une suspension à court terme. Elle mentionne aussi que les courtiers sont de mieux en mieux sensibilisés à cette problématique, qu’elle dit être en décroissance depuis dix ans.

Le consultant Aldo Arcaro suggère deux pistes de solution aux courtiers pour éviter tout désagrément. Tout d’abord, lors d’un transfert, faire insérer une clause « grand-père » de longue durée pour éviter d’avoir à annoncer une mauvaise nouvelle à ses clients. Ce type de clause « grand-père » est semblable à celle que l’on retrouve lors d’un transfert en bloc. M. Arcaro recommande aussi au courtier faisant un transfert de s’entendre avec l’assureur pour que ce dernier s’engage à communiquer avec le client pour l’informer des changements à la police.

Ensuite, M. Arcaro recommande aux courtiers de faire ajouter les mêmes produits et services que ceux offerts par l’assureur antérieur. Le but est d’éviter que leurs clients apprennent bêtement lors d’une réclamation qu’ils ne sont plus couverts.