À partir du milieu années 2010, les assureurs ont commencé à vanter leurs avancées en souscription des risques réalisées grâce à l’intelligence artificielle. Ils peuvent assurer de plus en plus de clients instantanément.

Chantal Gagné

Le désir de l’immédiat forcera l’industrie à se moderniser encore plus rapidement, ont révélé les propos de quatre panélistes réunis lors de la table ronde Regard sur l’avenir, qui s’est déroulée au Congrès de l’assurance de personnes 2023 le 20 novembre au Palais des congrès de Montréal.

« Le rythme des changements va continuer de s’accélérer », prévoit Chantal Gagné, vice-présidente principale, assurance de personnes, Mouvement Desjardins. La panéliste rappelle que les clients sont exposés à de nombreuses industries déjà rompues à la vitesse des technologies, et que celle de l’assurance de personnes devra s’adapter. « Ce qui sera important, c’est le rôle du conseiller », a insisté Mme Gagné. 

Pierre Vincent

« Les gens s’attendent à des réponses presque immédiates, et à ce que le conseiller ou la compagnie d’assurance soit toujours là », a renchéri Pierre Vincent, vice-président principal, distribution, d’iA Groupe financier, présent sur le même plateau. M. Vincent observe que plusieurs conseillers ont vu leur portefeuille de clients grossir avec les années. Il croit que ces conseillers devront utiliser les nouvelles technologies pour les desservir plus efficacement. Il leur faudra s’allier avec les bons partenaires pour le faire, ajoute-t-il. 

Le tournant ChatGPT 

Le 30 novembre 2022, le lancement du robot conversationnel ChatGPT par OpenAI a ébranlé la planète. Depuis, des conseillers ont dit s’en servir pour se libérer de tâches administratives, et même pour clavarder à leur place avec les clients lorsqu’ils sont occupés au téléphone ou en visioconférence. 

Dans un sondage-éclair réalisé par le Journal de l’assurance en marge du Congrès de l’assurance de personnes, un agent général a révélé que des conseillers utilisaient régulièrement ChatGPT. Un conseiller qui a participé au sondage a dit utiliser ChatGPT dans ses recherches sur des sujets complexes. Un autre affirme l’utiliser tous les jours, pour reformuler des courriels, planifier des campagnes de marketing numérique ou générer du code de programmation, par exemple.

Mathieu Charest

Pourtant, plusieurs craignent la disparition du conseiller au profit du robot. Panéliste de la table ronde et chef des produits et de la tarification d’assurance individuelle de Manuvie, Mathieu Charest pense le contraire. « Le rôle du conseiller ne disparaîtra pas. L’assurance est vendue, elle n’est pas achetée », explique-t-il en reprenant une expression courante dans l’industrie. « Les changements technologiques ne changeront pas cela », lance M. Charest. Selon lui, ils permettront plutôt aux conseillers de se consacrer à leurs clients et à la croissance des affaires. 

Christian Mercier

Le président-directeur général d’UV Assurance, Christian Mercier, a pris la balle au bond.

« Plusieurs entreprises travaillent à faire la distribution en direct sans intermédiaire. Est-ce que l’on verra cela se faire de façon efficace en assurance vie ? Ça reste à voir. Sur le Web, on peut trouver toutes sortes d’information, mais pas de conseils. Le conseil demeurera une pierre angulaire du succès dans les prochaines années, ce qui vient valoriser votre rôle », soutient M. Mercier. 

Assurance collective universelle 

La hausse du coût des médicaments fait couler beaucoup d’encre depuis des années dans la presse spécialisée en assurance collective privée. Le gouvernement fédéral croit avoir trouvé la solution à ce fardeau qui touche non seulement les régimes publics et privés, mais aussi les personnes non assurées ou à faible revenu. Or, les critiques ont été nombreuses dans l’industrie envers sa proposition de régime national d’assurance médicaments, notamment par la bouche de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

Le gouvernement les a ravivées en créant l’Agence canadienne des médicaments (ACM), le 18 décembre 2023. Ce nouveau jalon vers le régime universel canadien à payeur unique se destine à améliorer le système pharmaceutique au Canada. 

Un mois avant l’annonce du gouvernement fédéral, l’Institut canadien des actuaires a pris publiquement position pour réclamer une plus grande place du secteur privé dans le projet de régime national. Il croit que le régime pourrait aider les assureurs privés à faire levier dans leurs négociations avec les compagnies pharmaceutiques pour obtenir de meilleurs prix pour leurs assurés. 

Médicaments onéreux 

En attendant, rien ne laisser présager que la croissance des dépenses en médicaments fléchira dans les régimes en 2024. À la fin de 2023, une étude mondiale de la société-conseil WTW a révélé que les coûts mondiaux des soins de santé ne montrent aucun signe d’une baisse à l’horizon. Selon l’étude intitulée Global Medical Trends Survey, les assureurs s’attendent à une hausse des coûts de 9,9 % en 2024, un peu moins que le niveau record de 10,7 % atteint en 2023. 

Au Canada comme ailleurs dans le monde, les médicaments onéreux sont un facteur de hausse important. Le rapport CompassRx du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) publié le 12 décembre a révélé que les 10 médicaments au coût le plus élevé remboursables par les régimes publics d’assurance médicaments au Canada se destinaient à traiter des maladies rares, moyennant un coût annuel de plus de 250 000 $ par patient.

Selon le rapport qui se penche sur les remboursements effectués par certains régimes publics au Canada, les dépenses en médicaments d’ordonnance ont augmenté de 6,8 % au cours de l’exercice 2021-2022, soit un total de dépenses annuelles de 13,2 milliards de dollars (G$). Le Portail de l’assurance publiera bientôt un texte plus en détail sur ce rapport. 

De nouveaux médicaments biologiques continuent d’apparaître régulièrement sur le radar des régimes canadiens. Le 3 janvier 2024, Santé Canada a approuvé la thérapie génique de Pfizer contre l’hémophilie B. Il s’agit d’un médicament d’exception : au Canada, l’hémophilie B affecte 700 individus. 

Détournement de traitement 

Détournés de leur usage premier, des médicaments utilisés pour traiter des maladies communes ont aussi contribué à la hausse des coûts. C’est le cas de l’Ozempic de Novo Nordisk. Censé traiter le diabète, ce médicament a connu une flambée de sa popularité en raison de son effet secondaire bénéfique à la perte de poids. 

Organisé par les Éditions du Journal de l’assurance inc., le Congrès Collectif 2024 consacrera une journée aux enjeux de l’assurance collective. La session d’ouverture portera sur le Régime national d’assurance médicaments et la place du secteur privé. Une autre permettra d’y voir plus clair dans l’explosion des coûts : est-ce un mythe ou une réalité ? 

Une place particulière sera faite aux pistes de solution qui pourraient contribuer à endiguer la crise des troubles mentaux qui minent la santé d’un nombre grandissant de personnes et le moral en milieu de travail. Une session se penchera également sur les façons d’adapter les régimes aux changements démographiques. L’événement se déroulera au Palais des congrès de Montréal, le mardi 20 février.