Le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) ne compte pas attendre d’éventuelles sanctions de l’Autorité des marchés financiers pour dénoncer les actes de certains concessionnaires automobiles. Le Regroupement met au premier plan le dossier de l’assurance de remplacement et compte tout faire pour mettre fin aux pratiques dolosives qui ont cours.Le RCCAQ travaille depuis septembre 2012 sur le dossier de l’assurance de remplacement. Le Regroupement avait alors demandé à ses membres de lui dénoncer des pratiques illégales pour ensuite les divulguer à l’Autorité. Ce sont 72 dénonciations qui ont été transmises au régulateur.

« Nous avons apporté suffisamment d’indices à l’Autorité pour que des enquêteurs se penchent sur le dossier. Ils ont pris cela au sérieux », a confié Jean Bilodeau, président du conseil d’administration du RCCAQ, qui a rencontré le Journal de l’assurance pour faire le point.

M. Bilodeau ne cache pas qu’il fut difficile d’obtenir ces dénonciations. Le consommateur a un lien avec son concessionnaire. Il veut maintenir de bonnes relations avec lui. Le dénoncer le met dans une position délicate », souligne-t-il.

À la suite de la prise de position du surintendant Patrick Déry dans les pages du Journal de l’assurance de mai 2014, M. Bilodeau dit s’attendre à ce que l’Autorité dépose sous peu les résultats de son enquête. « Ça ne passera pas uniquement par des modifications dans la loi. L’Autorité n’a pas besoin d’attendre la refonte de la Loi sur la distribution de produits et services financiers pour agir. Elle a suffisamment de critères pour passer à la prochaine étape. Est-ce que ça passera par des amendes, des pénalités administratives et des poursuites? On ne peut en être certain. Mais c’est ce à quoi on s’attend », dit-il.

M. Bilodeau rappelle par ailleurs que la loi 188 oblige les assureurs à former les représentants des départements F&I (Finance & Insurance) des concessionnaires automobiles. Le président du RCCAQ dit aussi avoir suffisamment de preuves pour démontrer le manque d’éthique de certains concessionnaires automobiles.

« Dans la loi, il est clairement indiqué que, si sa commission dépasse 30 %, le concessionnaire doit le divulguer à son client. On voit plutôt que certains concessionnaires font signer un papier aux gens, sur lequel se retrouve une dérogation de déclaration de commission. Ils font signer une dérogation au client sans la déclarer. Pour nous, l’éthique n’est pas respectée », dit-il.

M. Bilodeau rappelle aussi que le concessionnaire a l’obligation de divulguer que d’autres protections similaires existent sur le marché. « C’est très rarement fait. J’en vois des cas toutes les semaines à mon cabinet. Le concessionnaire a aussi l’obligation de demander si le client a déjà une telle protection, comme la valeur à neuf, mais l’analyse ne se fait pas », dit-il.

Le président du RCCAQ mentionne aussi que ce n’est pas uniquement la loi 188 qui est bafouée par des concessionnaires automobiles, mais aussi la Loi sur la protection du consommateur. « Cette loi stipule qu’un consommateur a dix jours pour résilier une transaction. C’est une loi qui s’applique à tous les secteurs d’affaires. Pourtant, quand un client veut annuler l’achat d’une assurance de remplacement, il a toute la misère du monde à le faire », dit-il.

Il ajoute voir des concessionnaires dire à leurs clients que leur taux de financement sera augmenté s’ils ne gardent pas leur assurance de remplacement. « Le client est pris entre deux feux. C’est pourtant illégal », dit M. Bilodeau, qui affirme que le RCCAQ est très bien documenté sur cette pratique des concessionnaires.

Jean Bilodeau tient toutefois à préciser que ce ne sont pas tous les concessionnaires automobiles qui ont de telles pratiques. « J’en compte huit comme clients, et ils ont une pratique très correcte. On retrouve des concessionnaires aux antipodes », dit-il.

Menaces

M. Bilodeau ne cache pas qu’il s’attend à être mis en demeure pour ses propos. La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec en avait d’ailleurs brandi la menace l’automne dernier auprès de quelques médias nationaux qui s’étaient penchés sur la question.

Son président, Jacques Béchard, avait alors mentionné qu’il comptait déposer une plainte auprès de l’Autorité et aller plus loin, si nécessaire. « On a laissé aller le RCCAQ jusqu’à maintenant, mais là, c’est assez. Les courtiers ternissent nos réputations. La campagne de désinformation des courtiers est une pratique déloyale. Si ça ne change pas, on va les mettre en demeure de se rétracter », avait-il déclaré à l’Agence QMI, notamment.

Peu après, en entrevue pour Affaires automobiles (affairesautomobiles.ca), il avait ajouté s’insurger contre cette « chasse aux sorcières », en faisant référence aux dénonciations du RCCAQ. « Il n’y a pas de plaintes, mais il faut en inventer », avait-il dit.

Il avait aussi affirmé que les courtiers ne voulaient rien savoir de ce marché il y a 25 ans. « Maintenant que les concessionnaires l’ont développé, les courtiers veulent se l’accaparer en attaquant faussement la crédibilité de nos membres. C’est pourquoi nous dénonçons ce manque d’éthique et avons sollicité une rencontre avec la haute direction de l’Autorité pour faire cesser ces agissements déplorables », a dit M. Béchard.

Pour la suite des choses, Jean Bilodeau souligne que le RCCAQ est en attente de la position des législateurs. Le Regroupement est toutefois en mode proactif par rapport à ses membres.

M. Bilodeau a aussi impliqué les assureurs à courtage dans la discussion. « Nous avons rencontré plusieurs assureurs à cet effet. Nous leur avons expliqué la situation est c’est une préoccupation pour eux. Le consommateur a le droit de résilier son contrat auto lorsqu’il change de véhicule. L’assureur peut ainsi perdre le contrat en habitation. C’est une perte économique pour les assureurs à courtage, de laquelle les assureurs directs profitent », dit-il.

Le président du RCCAQ salue d’ailleurs Intact Assurance, qui, en collaboration avec CIME Assurances, a réagi en formant ses courtiers avec Mission F.P.Q. No 5. « On les a mis sur la sellette en avril, et ils ont réagi rapidement avec cette offensive. Il y a une opportunité pour les autres assureurs », dit M. Bilodeau.

Il dit d’ailleurs que les assureurs à courtage n’ont pas le choix d’embarquer. « Si on va à la guerre, il faut que nos fournisseurs nous suivent. On en a un, mais il nous en faut plus qu’un », dit-il.

Les consommateurs seront sensibilisés. M. Bilodeau prend en exemple les deux types de couverture qu’offre l’assurance de remplacement. La première oblige le consommateur à remplacer son véhicule chez son concessionnaire, alors que la seconde lui laisse libre choix du lieu d’achat.

« Le client qui achète une assurance de remplacement chez son concessionnaire n’entend jamais parler de la deuxième option. La première est cochée par défaut. C’est de la supercherie. On va informer nos clients de cela », assure M. Bilodeau.

Le président du RCCAQ souligne que, lorsqu’un client d’un courtier change son véhicule, celui-ci l’appelle souvent pour comparer les primes. « C’est un conseil gratuit que l’on offre. On va profiter de ce moment magique pour lui donner l’information. Il sera alors capable de résister. On compte aussi mettre en place une campagne d’information provinciale pour sensibiliser le consommateur. Nous avons fait notre travail au niveau légal, il faut maintenant le faire à propos de la règlementation », dit-il.