Pour augmenter la pénétration d’assurance de soins de longue durée (SLD), les assureurs devront créer de nouveaux produits, qui devront en plus en montrer les bénéfices tangibles, croit une économiste de Swiss Re.
Dès le début de son exposé au Symposium sur les soins de longue durée, tenu récemment à l’Université Laval, Külli Tamm, économiste principal de Swiss Re, a demandé aux participants : « Combien d’entre vous détenez une police de soins de longue durée? » À peine trois mains se sont levées. Elle raconte avoir obtenu le même résultat dans une conférence tenue par Swiss Re où le sujet des soins de longue durée était le thème de l’activité.
Elle note que le risque individuel associé à la longévité est méconnu de la grande majorité de la population, qui surestime par ailleurs l’aide publique qui lui sera offerte en cas de besoin de soins de longue durée. Les finances publiques sont malmenées et les régimes privés ne jouent encore qu’un rôle marginal en la matière.
Pour augmenter le marché de l’assurance privée en soins de longue durée, les fournisseurs doivent développer de nouveaux produits qui offrent des avantages tangibles aux différentes clientèles et qui combleront réellement leur besoin de protection. « Nous devons revoir tout le système de financement des soins de longue durée si nous voulons le rendre plus abordable pour les consommateurs », insiste-t-elle.
Külli Tamm précise que si la tendance démographique est connue depuis longtemps, l’impact réel du vieillissement se fera sentir dans les prochaines 15 années. Entre 2010 et 2030, le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus passera 530 millions à près d’un milliard de personnes sur la planète. Au Canada, ce nombre grimpera de 4,8 à 9 millions d’ainés durant la même période.
On a tendance à croire que le vieillissement ne frappe qu’en Occident, mais en Amérique latine et en Asie aussi, le nombre de vieillards doublera entre 2010 et 2030. Dans les économies développées, on voit déjà que la population active a commencé à stagner, voire à décliner.
Ce vieillissement est accompagné de la croissance des besoins à combler en soins de longue durée, comme on le voit en Allemagne, dit-elle en citant des chiffres de 2011. À partir de 80 ans, tant pour les femmes que les hommes, la proportion de personnes dépendantes de ces soins augmente de manière exponentielle. L’offre de services divers doit s’ajuster aux besoins qui évoluent en fonction de l’âge. En ayant en tête l’objectif de maintenir au domicile le plus longtemps possible les personnes âgées, on limite ainsi la facture des soins en milieu hospitalier. On ne peut changer l’âge ou le genre des ainés, mais on peut travailler sur les autres conditions qui influencent leur qualité de vie, insiste Külli Tamm.
Dans la quasi-totalité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la majeure partie de l’aide formelle aux ainés est financée par des programmes gouvernementaux. Toutefois, précise-t-elle, les statistiques officielles ne permettent pas de bien mesurer la part de l’aide informelle dont profitent les ainés par l’entremise de leur entourage. Ce bénévolat informel ou cette entraide familiale est nécessaire dans plusieurs pays où l’État ne dispose pas des ressources nécessaires, comme c’est le cas en Malaisie. Dans ce pays comptant 30 millions d’habitants, on dénombre seulement 11 gériatres.
En Chine et au Brésil, parmi les pays les plus populeux de la planète, elle note aussi une grave pénurie de places offertes dans un centre spécialisé pour les ainés ayant besoin de soins de longue durée. Les gouvernements des économies émergentes n’ont pas les fonds requis pour augmenter l’aide aux ainés, et les assureurs privés sont encore plus rares. Dans le monde, Mme Tamm estime à 2 % la part du financement des soins de longue durée qui vient des assureurs privés.
La France et les États-Unis sont les deux seuls pays où l’on a pu mesurer les effets de la présence des régimes privés sur l’offre de soins de longue durée. Dans les deux cas, l’offre a été florissante au début de la décennie 1990, et les assureurs ont affiché de pauvres résultats. Plusieurs d’entre eux ont déserté ces marchés.
S’il existe une faible prévalence des ainés qui auront besoin de soins de longue durée sur une longue période, c’est ce risque qui est difficile évaluer, tout en étant très couteux. Faute de données suffisantes, il devient difficile pour les assureurs de développer des produits abordables tout en restant rentables, poursuit-elle. L’antisélection est un problème important, souligne-t-elle, car dans bien des cas, les assureurs estiment que le client désireux de se procurer la protection est justement celui qui a le plus de risques de s’en servir. Cette perception fait augmenter le prix du produit et le rend inabordable.
Les clients potentiels perçoivent le risque, mais le degré de protection offert ne semble pas suffisant. Tout comme l’assurance vie, la demande de protection en soins de longue durée est difficile à inclure dans la planification financière des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Or, il faut aussi viser cette clientèle, insiste Külli Tamm. Les gouvernements doivent mener des campagnes conjointes avec le secteur privé pour sensibiliser la population au problème du financement des soins de longue durée.
La technologie permet d’améliorer la qualité de vie des ainés et de les garder plus longtemps au domicile. Par exemple, on développe des piluliers intelligents qui avertissent les clients qui ont « oublié » de prendre leur médicament, ce qui augmente l’adhésion au traitement, un problème sérieux chez les ainés. On a aussi des compteurs de pas qui encouragent l’activité physique.
Malgré ces progrès de la science, ce produit d’assurance ne deviendra pas plus attrayant pour les consommateurs potentiels sans effort des fournisseurs. « L’industrie doit offrir une protection qui comporte un bénéfice plus tangible au client, tout en étant plus abordable. L’assurance privée représente une partie de la solution », répète Mme Tamm.