Ce qui distingue les assureurs des autres entreprises, c’est leur capacité à assumer des risques. S’ils ne le font plus, ils deviendront tout banalement des banques. Et les assureurs canadiens n’ont pas les outils pour concurrencer les banques sur leur terrain de jeu. C’est pourquoi les assureurs doivent miser sur ce qui fait leur force, même si le tout peut parfois sembler risqué, affirme René Hamel, PDG de SSQ Groupe financier.hamel_rene_article_newCette prise de position vaut tant pour l’assurance de personnes que l’assurance de dommages, a souligné M. Hamel, en entrevue au Journal de l’assurance. Le Journal s’est entretenu avec lui au lendemain du dépôt du rapport annuel de l’assureur.

SSQ est d’ailleurs présent dans de multiples segments d’affaires : assurance de personnes, assurance de dommages, assurance collective, investissement, retraite, assurance salaire et assurance de remplacement en sont quelques-uns. L’assureur a d’ailleurs accru sa présence dans le marché de l’assurance voyage en mettant la main, en juin 2014, sur un distributeur Web au Québec : assurancevoyages.ca.

Les défis ont toutefois été nombreux chez SSQ en 2014. M. Hamel l’a d’ailleurs souligné dans son message du président.

SSQ a augmenté son volume d’affaires de 4,7 % de 2013 à 2014, un taux plus faible que les années passées, même s’il demeure supérieur à celui de l’industrie, dit M. Hamel. « Les marchés dans lesquels SSQ Groupe financier œuvre ont été extrêmement compétitifs, résultant en des ventes inférieures par rapport à l’année précédente. Toutefois, un contrôle rigoureux des dépenses en a limité l’augmentation à 2,2 % », indique-t-il dans le rapport annuel de SSQ.

Notre valeur ajoutée est dans la gestion du risque. Il faut se positionner. Il y a un marché à servir et nous continuerons d’y être.
 

– René Hamel


En entrevue, il souligne que tous les marchés dans lesquels SSQ est présente sont forts concurrentiels. « En collectif, nous avons observé une détérioration des résultats due à l’incidence. Les taux d’intérêt demeurent aussi faibles, ce qui a un impact sur nos affaires en assurance salaire. On pourrait penser que la tarification pourrait augmenter, mais le marché maintient la pression », dit-il.

 

En assurance vie individuelle, le contexte des bas taux d’intérêt joue aussi. « Le marché va vers des produits temporaires, de courte durée. Ça devient donc un moindre mal », dit-il.

Du côté de l’assurance de dommages, les résultats se sont améliorés par rapport à ce qu’ils ont été ces dernières années. « Nous sommes toutefois dans une conjoncture où la baisse des primes en automobile fait que nous ne couvrons plus la montée de l’incidence. On y arrive à la croisée des chemins », dit-il.


M. Hamel a aussi révélé dans le rapport annuel de SSQ que 25 % des affaires de l’assureur en assurance collective proviennent de l’extérieur du Québec. « Lorsque nous avons pris la décision d’étendre nos affaires hors Québec en assurance collective, on savait que c’était parce qu’on risquait de faire face à une stagnation en restant uniquement ici. Nous avions entre 17 et 18 % de parts de marché en collectif au Québec et qu’on ne passerait pas à 40 % du jour au lendemain, même si nous réalisions une acquisition. La preuve, notre part de marché a passé à 20 % au Québec depuis ce temps », dit-il.

 

SSQ s’est donc positionnée hors Québec, profitant aussi du fait qu’à cette époque, plusieurs grands assureurs vie se démutualisaient. « Nous savions que nous n’avions pas besoin de faire une acquisition. Nous nous sommes positionnés loin du marché des grands. On a rapidement connu du succès du côté des TPA (tiers administrateurs). Depuis, on a développé le volet actuaire-conseil-consultant », dit-il.

M. Hamel révèle d’ailleurs que la moitié de ses nouvelles affaires proviennent du Québec et l’autre moitié vient du reste du Canada. « Ça montre qu’on a aussi une croissance au Québec », dit-il.

Repositionnement en investissement-retraite


En 2013, SSQ a amorcé un repositionnement de sa stratégie de ses affaires en investissement et en retraite. L’assureur était présent dans trois volets : le petit individuel, l’actif des caisses de retraite et l’administration des régimes. SSQ a pris la décision d’abandonner le troisième volet.

 

« Nous adorons nos affaires auprès des conseillers dans le petit individuel. Ça va bien de ce côté, tout comme pour la gestion des actifs des caisses de retraite. C’était plus lourd pour l’administration des trois régimes que nous avions : Bâtirente, Fondaction et le nôtre. Bâtirente nous a quittés en 2013, Fondaction l’a fait en juin 2014. Quant à notre bloc d’affaires dans ce segment, nous l’avons vendu à iA Groupe financier en 2014. La page est tournée de ce côté », dit-il.

SSQ a pris cette décision en 2012, alors qu’il concevait son plan stratégique 2013-2017. « On a donc réussi cette partie du plan stratégique plus tôt que prévu, notamment avec Fondaction. En investissement et retraite, on est là où l’on veut être », dit M. Hamel.

Important de se positionner dans la distribution


Pour poursuivre sa stratégie de diversification, SSQ a fait l’acquisition du distributeur Web asurancevoyages.ca à l’été 2014. « On faisait de l’assurance voyage via nos régimes collectifs. On voulait aussi être présent du côté de l’individuel. Quand on regarde le déploiement du marché, être partie prenante des réseaux a une importance. On le constate. On voit beaucoup d’assureurs qui prennent des parties de réseaux de distribution. On veut s’insérer sur la plateforme acquise, tout en maintenant son offre », dit-il.

 

La transaction se compare à l’acquisition de Western Financial par le Mouvement Desjardins, mais à une bien plus petite échelle. « On voulait être présent dans la distribution en assurance voyage. Notre entente avec la FADOQ aidera sur assurancevoyages.ca. Le site nous permettra de satisfaire les besoins de la FADOQ », dit-il.

M. Hamel fait remarquer le marché de l’assurance voyage en est un très niché. « C’est comme pour les concessionnaires automobiles. Si tu n’es pas dans le réseau, c’est difficile d’y agir comme manufacturier dans les domaines de niche », dit le PDG de SSQ.

SSQ est d’ailleurs l’un des joueurs dans le marché de l’assurance de remplacement chez les concessionnaires automobiles. M. Hamel dit que c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, tout en rappelant que deux facteurs ont incité SSQ à entrer dans ce marché.

Tout d’abord, SSQ apprécie que ce marché soit encadré, depuis que l’Autorité des marchés financiers a transformé la garantie de remplacement en assurance de remplacement. M. Hamel souligne aussi que l’intérêt que portent des assureurs directs dans ce marché, principalement iA Groupe financier et La Capitale, a pesé dans la balance.

« Il y a une vive concurrence dans ce marché. Mais il y a un assainissement, qu’on avait anticipé, qui est porteur pour l’avenir. On ne regrette pas notre décision. Nous n’y sommes pas le plus gros joueur, mais nous avons une belle part de marché. Nous avons travaillé les deux premières années pour nous implanter. On en est maintenant à notre troisième année et nous sommes très contents », dit M. Hamel. SSQ vient d’ailleurs de changer le nom de son assurance de remplacement pour la nommer SSQ Évolution.

Aux assureurs de prendre des risques


M. Hamel avait aussi un message pour l’industrie de l’assurance. Dans le rapport annuel de SSQ, il a rappelé que l’assurance est née du besoin de protection financière. « Par essence, cela comporte la notion de prise de risques. Certains assureurs ont commencé à s’en éloigner. Il est prévisible qu’à long terme, les assureurs devront se positionner à ce sujet. Certains se spécialiseront dans les produits avec peu ou pas de prises de risques, alors que d’autres, à l’inverse, feront de plus en de la prise de risques leur raison d’être. Il deviendra plus ardu d’être compétitif sur tous les tableaux. Une réflexion s’impose dès maintenant », écrit-il dans le rapport annuel 2014 de SSQ.

 

SSQ se positionne comme preneur de risques


Chez SSQ, la réflexion est faite. L’assureur sera un preneur de risques.

 

 

« Notre valeur ajoutée et notre force résident dans notre capacité d’évaluer et de gérer les risques associés aux produits offrant la sécurité financière à court, moyen et long terme. C’est le cas aujourd’hui et ça le sera encore demain », ajoute-t-il dans le rapport annuel.

En entrevue au Journal de l’assurance, M. Hamel est allé un cran plus loin. « Les autres organisations font ce qu’elles veulent. Nous ne sommes pas là pour leur faire la leçon. Notre vision, c’est que notre valeur ajoutée est dans l’évaluation et la gestion du risque. Tous les assureurs, on se pense bon en opérations, mais ce n’est pas ce qui nous distingue. C’est vrai aujourd’hui et ça le sera demain. Les nouvelles normes comptables et les réserves de capitaux à maintenir ne nous simplifient pas la vie. Mais comme marché, il nous faudra trouver et conserver des gens pour gérer ces protections. Il faudra s’adapter, car le monde change », dit-il.

Il rappelle que la population aura encore besoin de gens et d’organisations qui vont offrir de la protection financière. « Si on se dirige vers un produit sans risque, sans prise de risque à long terme, on ressemblera aux banques. Ce n’est pas une bonne avenue, car nous ne serons pas des bonnes banques, surtout si on prend en compte les grands joueurs présents dans le marché canadien. Notre valeur ajoutée est dans la gestion du risque. Il faut se positionner. Il y a un marché à servir et nous continuerons d’y être », dit le PDG de SSQ.

Perspectives 2015


M. Hamel s’est aussi entretenu avec le Journal de l’assurance de ses perspectives de croissance pour 2015. En assurance de dommages, l’assureur sait qu’il ne pourra atteindre ses cibles de croissance vu le conflit de travail qui paralysé sa filiale SSQ auto pendant 9 semaines. Les quelque 400 travailleurs en grève reprenaient justement le travail au moment de l’entrevue, le 30 avril.

 

En assurance de personnes, SSQ s’attend une bonne année de croissance. Premièrement, la nouvelle baisse des taux d’intérêt devrait avantager l’assureur. SSQ poursuivra aussi son contrôle serré des dépenses. L’assureur s’attend aussi à réaliser une croissance intéressante en assurance salaire.