Les assureurs ne pourront plus exiger de prescriptions médicales pour des traitements de physiothérapie et d’autres services de santé en vertu du projet de règlement déposé le 11 novembre par le ministre de la Santé, Christian Dubé. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a qualifié cette annonce de « réchauffé », mais les physiothérapeutes, eux, s’en réjouissent.
Ce nouveau règlement est issu du projet de loi 68 (PL-68) visant à réduire la charge administrative de médecins qui avait été adopté par l’Assemblée nationale le 8 octobre 2024. Si certains articles sont entrés en vigueur le 1er janvier dernier, d’autres dispositions restaient à venir. Plusieurs mois plus tard, le ministre fait un pas de plus dans l'application du projet de loi.
Une annonce attendue depuis 35 ans
Au Québec, les patients ont un accès direct aux physiothérapeutes des cliniques privées depuis 1990. Pourtant, certains assureurs réclamaient toujours en 2025 un billet de médecin afin de rembourser les traitements à leurs assurés. Ils ne pourront plus le faire lorsque le règlement sera en vigueur dans quelques semaines. La Gazette officielle du Québec fait état d’un délai de consultation d’une durée de 45 jours avant qu’il ne prenne effet, ce qui devrait donc se faire au début de 2026.
L’annonce du ministre Dubé représente une grande avancée pour les physiothérapeutes qui attendaient cette annonce depuis… 35 ans.
« Encore à ce jour, des patients que je vois directement et pour lesquels je fais une prise en charge autonome doivent aller voir leur médecin de famille afin qu’il signe un petit papier pour que mes séances soient remboursées. C’est une totale aberration », commente le président de l’Association québécoise de la physiothérapie (AQP), Samuel Trottier-Lapointe, lors d'un échange avec le Portail de l’assurance.
Il rappelle que voir un médecin pour obtenir un simple billet d’approbation de traitements s’avère très ardu pour un grand nombre de patients en raison de la difficulté d'accès à un médecin de famille. Ceux qui n’en ont pas sont obligés de s’inscrire au Guichet d’accès à la première ligne (GAP) ou, pis encore, d’aller en privé à leurs frais pour se procurer le fameux papier.
« Depuis la venue de l’accès direct en 1990, nous militions auprès des assureurs afin que nos deux professions de physiothérapeutes et technologues en physiothérapie soient remboursées pleinement sans papier de médecin », dit Samuel Trottier-Lapointe.
« Ça va simplifier notre pratique »
Il souligne que certains assureurs québécois, dont Desjardins, ne demandent plus de billet médical pour la physiothérapie, mais que beaucoup d’assureurs privés et publics l’exigent toujours.
« Ça va simplifier énormément notre pratique, se réjouit le président de l’AQP. Il était grandement temps qu’on standardise les choses auprès des assureurs. Ça va changer la donne pour un certain groupe de patients aux prises avec des assureurs plus rigides. »
Le règlement issu du projet de loi 68 prévoit aussi que les assureurs ne pourront plus exiger une consultation médicale pour le remboursement d’une aide technique, telle qu’une canne ou une orthèse, prescrite par un physiothérapeute, ce qui représente une autre excellente nouvelle pour l’Association.
Son président déplore toutefois que trois compagnies d'assurances ne reconnaissent toujours pas les technologues en physiothérapie au Québec, et ce, même s’ils sont reconnus par l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (OPPQ).
Le même règlement déposé par le ministre Christian Dubé à propos des billets de médecins s’appliquera à d’autres professionnels de la santé tels que les audiologistes, orthophonistes et chiropraticiens.
« Du réchauffé »
L’annonce de l’abolition de ces références médicales n’a pas impressionné la FMOQ, qui y voit du « réchauffé » puisque les premières mesures pour réduire la paperasse administrative des médecins ont été dévoilées il y a un an dans le projet de loi 68.
La Fédération affirme que 25 % du temps des médecins de famille est consacré à leurs charges administratives pour remplir des formulaires et des documents.
Le ministre Christian Dubé a soutenu lors de son annonce que l’abolition d’une prescription médicale pour le remboursement de services couverts par les assureurs permettrait de libérer environ 255 000 nouveaux rendez-vous médicaux et 55 000 autres avec l’élimination de la consultation pour le remboursement d’aides techniques assurées, soit 310 000 plages au total.
C’est toutefois un chiffre auquel la FMOQ accorde peu de crédibilité.
« Les médecins de famille remplissent le plus souvent la paperasse le soir ou la fin de semaine, indique leur conseiller stratégique aux affaires publiques, Stéphane Gosselin, au Portail de l’assurance. C’est très rare qu’ils vont prendre du temps clinique destiné à leurs patients afin de remplir des papiers d’assurance. Nous ne croyons pas que l’abolition de l’obligation d’obtenir un billet médical pour la physiothérapie va permettre de libérer autant de rendez-vous pour les patients. Le ministère surestime l’effet de ces mesures. »
Une autre disposition importante à venir
L’adoption de ce règlement ne marquera pas la fin de la mise en vigueur des dispositions touchant les compagnies d’assurance qui sont contenues dans le projet de loi 68. L’une des plus importantes à venir est l’abolition des rendez-vous non nécessaires pour les assurés qui reçoivent des indemnités.
Quand elle prendra effet, aucune rencontre périodique de suivi ne pourra être exigée à l’intérieur du délai déjà prescrit par le médecin, à moins que l’assureur juge qu’il existe un changement qui justifierait une réévaluation de la condition de la personne indemnisée.
Plus d'un an après l’adoption du projet de loi 68, aucune date ni aucune période n’a encore été avancée par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour la mise en place de cette mesure.