Le 29 juin dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a condamné Pascale Cauchi (certificat no 106 308, BDNI no 160 1781) à la radiation temporaire pour cinq ans. L’intimée avait été déclarée coupable des 15 chefs de la plainte en octobre 2019.
L’intimée est conseillère en sécurité financière, conseillère en assurance et rentes collectives, représentante de courtier en épargne collective et planificatrice financière.
Le comité impose la même peine de cinq ans de radiation temporaire pour les chefs 1 à 13. Les gestes qu’on reprochait à l’intimée ont eu lieu entre novembre 2003 et décembre 2007. L’intimée n’a pas respecté les limites de sa certification en faisant souscrire un contrat de licence d’emploi du progiciel Prospector Master, un contrat de franchise Solution Prospector et Mail it Safe, ou un contrat de franchise Prospector World à cinq clients. Quatre de ces clients ont témoigné devant le comité.
Le nom de Claude Duhamel apparaissait sur les divers contrats du réseau Prospector, même si les clients n’ont pas eu affaire à lui. Présentés par l’intimée à son bureau, les produits souscrits dans une entreprise informatique étaient considérés comme un investissement procurant des avantages fiscaux.
Le comité condamne aussi l’intimée à cinq ans de radiation pour avoir agi, durant la même période, comme intermédiaire auprès de ses clients afin de promouvoir la souscription des produits de la société Prospector International Networks (chef 14). Ces quelque 150 clients ont souscrit les contrats mentionnés pour une valeur de 111 millions de dollars (M$). L’intimée a reçu de la société ou de son promoteur, directement ou par l’entremise de son cabinet, une rémunération de 5,59 M$.
Enfin, le comité condamne l’intimée à six mois de radiation temporaire pour avoir fait signer en blanc quelque 22 formulaires à huit de ses clients durant une période se terminant en mai 2012 (chef 15).
Toutes les peines seront purgées de façon concurrente. L’intimée est également condamnée au paiement des déboursés et des frais de publication de l’avis disciplinaire.
Certification inadéquate
Selon le comité, la preuve montrait que l’intimée a bel et bien conseillé un produit spécifique à ses clients, en plus de les y faire souscrire, ce que ses certificats ne lui permettaient pas. La planification financière ne confère pas le droit de distribuer ou vendre un produit financier, sauf ceux couverts par les autres certificats. Au moment des faits reprochés, les actions ou parts d’organisme de placement collectif constituaient les seuls produits financiers que le représentant certifié en épargne collective était autorisé à offrir. Le comité a estimé que les produits de Prospector n’entraient pas dans cette catégorie de produits.
Longs délais
Le procureur de l’intimée, Pascal A. Pelletier, avait plaidé le caractère déraisonnable des délais. L’enquête du syndic a commencé en octobre 2009. La plainte a été déposée en janvier 2015. La première audience n’a eu lieu qu’en septembre 2017. En décembre 2017, le comité de discipline a rejeté la demande d’arrêt des procédures soumise par l’intimée. Il a fallu 12 journées d’audience pour l’instruction de la plainte, à l’automne 2018.
En janvier 2018, l’instruction a été reportée par la demande d’appel de l’intimée à la Cour du Québec. Le tribunal a alors pris en délibéré la requête de l’intimée qui demandait la permission d’en appeler de la décision de comité rejetant la demande d’arrêt des procédures. La Cour du Québec a rejeté la requête en avril 2018.
À l’étape de la sanction, les parties ont encore une fois présenté leurs arguments sur le préjudice subi par l’intimée en raison de la longueur des procédures. La procureure de la plaignante, tout en affirmant que l’allègement de la sanction n’était pas pertinent dans ce dossier, suggérait quatre ans de radiation pour les chefs 1 à 13, alors que la peine appropriée serait de cinq ou six ans. Pour le chef 14, la plaignante estimait qu’une peine d’une année de radiation était suffisante, mais suggérait qu’elle soit purgée de façon consécutive à celles reliées aux chefs 1 à 13.
Le procureur de l’intimée demandait l’allègement des sanctions en raison des délais et en se basant sur les principes de justice naturelle. Il proposait plutôt l’imposition d’amendes totalisant 75 000 $, soit 15 000 $ pour cinq des chefs 1 à 13, et suggérait une simple réprimande pour les autres. Il demandait une amende de 30 000 $ pour les chefs 14 et 15.
L’analyse
Selon le comité, en lien avec les chefs 1 à 13, la mésaventure financière des cinq consommateurs est le résultat des représentations de l’intimée alors qu’elle s’écartait de son champ de compétence sans égard aux risques financiers auxquels elle les exposait.
De nombreuses circonstances aggravantes ont été retenues par le comité, dont l’avantage de 5,5 millions $ tiré par l’intimée de ces infractions mentionnées au chef 14. Le préjudice subi par les consommateurs est difficile à quantifier, mais au-delà des pertes financières, les litiges vécus par ceux-ci avec Revenu Québec dès 2003 « leur ont certainement causé un stress non négligeable. S’ils avaient pu profiter des conseils d’une personne compétente, ils n’auraient pas eu à vivre pareille situation ».
Enfin, l’intimée a fait souscrire ces produits et a agi comme intermédiaire entre ses clients et les avocats de Prospector dans le cadre des litiges fiscaux, souligne le comité.
Le comité convient avec la plaignante que l’intimée n’a pas exprimé de regrets, n’a pas démontré qu’elle avait compris la leçon à tirer ou sa volonté de ne plus reproduire ces comportements. Ces facteurs peuvent être pris en compte pour estimer le risque de récidive. L’intimée n’a présenté aucune preuve ni même sa parole démontrant une prise de conscience qui la rendrait plus prudente à l’avenir. Le risque de récidive ne peut donc être écarté, selon le comité.
Quant au potentiel préjudice subi par l’intimée, le comité rappelle que Mme Cauchi a pu exercer pleinement ses activités professionnelles pendant toutes les procédures. À l’exception d’un seul des consommateurs, les autres clients lui sont restés fidèles et lui vouent toujours une grande confiance.
Le comité est d’avis que la peine de six ans de radiation est appropriée aux chefs 1 à 14. Cependant, comme les derniers évènements remontent à 2007, et pour tenir compte de ce délai somme toute appréciable, le comité réduira la période de radiation à cinq ans sous chacun des 14 premiers chefs, les peines étant purgées de façon concurrente.
Le comité donne suite à la recommandation de la plaignante sous le chef 15 et impose six mois de radiation temporaire. La période des infractions visée par ce chef se terminant le 29 mai 2012, il n’y a toutefois pas lieu de considérer un allègement pour cette sanction.